Grâce à l'IA, la recherche sur les hommes de Néandertal permet de fabriquer de nouveaux antibiotiques <!-- --> | Atlantico.fr
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Le professeur d'ingénierie biologique César de la Fuente a extrait des séquences d'ADN de restes d'hommes de Néandertal pour fabriquer des nouveaux antibiotiques grâce à un modèle de machine learning.
Le professeur d'ingénierie biologique César de la Fuente a extrait des séquences d'ADN de restes d'hommes de Néandertal pour fabriquer des nouveaux antibiotiques grâce à un modèle de machine learning.
©PATRICK BERNARD / AFP

ADN

Une équipe de chercheurs de l'Université de Pennsylvanie est parvenue à extraire des séquences d'ADN de restes d'hommes de Néandertal pour fabriquer de nouveaux antibiotiques.

Laurent Alexandre

Laurent Alexandre

Chirurgien de formation, également diplômé de Science Po, d'Hec et de l'Ena, Laurent Alexandre a fondé dans les années 1990 le site d’information Doctissimo. Il le revend en 2008 et développe DNA Vision, entreprise spécialisée dans le séquençage ADN. Auteur de La mort de la mort paru en 2011, Laurent Alexandre est un expert des bouleversements que va connaître l'humanité grâce aux progrès de la biotechnologie. 

Vous pouvez suivre Laurent Alexandre sur son compe Twitter : @dr_l_alexandre

 
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Atlantico : Nous allons parler de l'étude de cette équipe de chercheurs de l'Université de Pennsylvanie, menée par le professeur d'ingénierie biologique César de la Fuente, qui a extrait des séquences d'ADN de restes d'hommes de Néandertal pour fabriquer des nouveaux antibiotiques grâce à un modèle de machine learning. De quoi s’agit-il exactement ?

Laurent Alexandre : On connaît le séquençage ADN de l'homme de Néandertal et de l'homme de Denisova depuis plusieurs années. On sait que nous, homo sapiens, nous avons été métissés avec Néandertal et avec Denisova. D'ailleurs, certains des variants génétiques que nous avons récupérés de Néandertal ont aidé les Eurasiens à se protéger contre certaines infections. En effet, Néandertal était depuis plusieurs centaines de milliers d'années présents en Eurasie au moment où Homo sapiens y est arrivé en venant d'Afrique. Lors du métissage entre Homo sapiens et Néandertal, il était logique que certaines séquences d'ADN qui protégeaient contre les microbes d'Eurasie soient sélectionnées favorablement et persistent dans le génome des Homo sapiens après leur métissage avec Néandertal. 

Les Eurasiens ont environ 2% de leur ADN qui provient de Néandertal. Une Partie significative de ces séquences d'ADN que nous avons gardées de Néandertal après le métissage de nos ancêtres avec Néandertal concerne la protection contre les infections. Cette réflexion sur ce que l'on peut récupérer de Néandertal pour nous protéger des agents infectieux est une réflexion déjà ancienne. On sait que nous avons des morceaux d'ADN récupérés de Néandertal et qui nous protègent contre les infections. À l'opposé, certains variants génétiques que Néandertal nous a donnés aggravaient la réaction au Covid-19. Aussi, le paysage infectieux et immunologique issu de notre métissage avec Néandertal est complexe mais très intéressant et a une longue histoire. 

Aujourd'hui, grâce à ces ADN de Néandertal, nous fabriquons des antibiotiques ?

L'idée est très préliminaire, il ne faut pas penser que cette réflexion sur Néandertal va conduire à des antibiotiques chez le pharmacien demain matin. Cette réflexion très embryonnaire peut se résumer de la façon suivante. Les chercheurs pensent qu'il y a dans l'ADN de Néandertal des séquences produisant des molécules qui peuvent nous protéger contre les agents infectieux, et vont tester cette hypothèse. Sur l'animal, c'est en cours, et s'il y a des résultats encourageants chez l'animal, ce sera chez l'homme. Mais entre l'idée d'un agent anti-infectieux et puis son arrivée chez le pharmacien, il y a au minimum 10 ans. De surcroît, les idées qui sont issues de l'analyse ADN de Néandertal étant complexes et préliminaires, il paraît peu raisonnable d'espérer des produits anti-infectieux chez le pharmacien avant 2040-2045. 

Quel type de maladie peut-on guérir avec des cellules datant de l'homme de Néandertal ?

Ces molécules seraient des molécules qui seraient des agents anti-infectieux et qui nous permettraient de développer différentes formes d'immunité. Le périmètre d'action et l'utilisation de ces nouvelles molécules est aujourd'hui tout à fait incertain, car le projet est très préliminaire en réalité. 

Reste-t-il des maladies qui datent de l'époque de Néandertal ?

Il y a des maladies qui évoluent depuis très longtemps. On a retrouvé des cancers osseux chez des dinosaures qui ont 100 millions d'années. Donc les maladies sont très anciennes, elles existent depuis très longtemps. Les virus sont également très anciens. Il ne faut pas penser que les maladies naissent et meurent rapidement. Elles ont souvent des évolutions très, très longues. 

Le professeur d'ingénierie biologique, César de la Fuente, a utilisé l'intelligence artificielle pour « exécuter l'algorithme du développement de Darwin ». Ensuite, grâce à ces résultats, il a utilisé l'intelligence artificielle pour trouver un nouvel antibiotique. De quoi s'agit-il ?

On a la possibilité, par intelligence artificielle, de simuler, en voyant l'évolution de notre ADN, le type d'infections auxquelles ont été confrontées nos ancêtres. On peut, par exemple, chez l'Homo sapiens, mesurer la gravité des infections par tuberculose en regardant l'évolution des variants génétiques favorisant la tuberculose chez nos ancêtres. Et on voit très bien chez les Européens une évolution significative de certains marqueurs ADN dans l'histoire de notre lignée quand la tuberculose s'est développée sur l’Eurasie. C'est un des pans de ce qu'on appelle la médecine darwinienne, qui cherche à comprendre l'évolution des maladies et l'évolution de notre santé en rapport avec l'évolution darwinienne. Les menaces et les agents infectieux auxquels ont été soumis nos ancêtres ont laissé des marques dans notre ADN, soit en s'incorporant dans notre ADN (c'est notamment le cas des virus HERV depuis plusieurs dizaines de millions d'années), soit en favorisant le développement des variants génétiques qui protègent contre leur infection. Quand nos ancêtres ont été soumis à des infections très graves à un germe donné, cela a favorisé, par sélection générale, la présence de variants génétiques qui protègent contre cette infection.

On parle donc de fabriquer des antibiotiques à partir de ces ADN. Quelles sont les maladies que l'on pourrait soigner avec ?

On a ce travail très préliminaire pour essayer de développer des agents anti-infectieux utiles chez l'homme en s'inspirant de l'ADN de Néandertal, mais on peut aussi imaginer qu'en comprenant l'évolution ADN d'Homo sapiens et puis de nos proches cousins que sont Néandertal et Denisova, on arrive à développer des médicaments permettant de nous protéger contre certaines maladies dont l'ADN a une responsabilité importante. Mais il faut savoir que nos maladies et ce que nous sommes ne sont pas uniquement le fruit de nos chromosomes, mais le fruit d'une combinaison entre notre mode de vie, l'environnement et puis notre ADN.

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