Mark Zuckerberg fait don de 99% de sa fortune : pourquoi la démarche du patron de Facebook n’est pas la même que celle de Bill Gates <!-- --> | Atlantico.fr
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Mark Zuckerberg fait don de 99% de sa fortune.
Mark Zuckerberg fait don de 99% de sa fortune.
©Reuters

Philanthropique ?

A la naissance de sa fille, le milliardaire et fondateur de Facebook, Mark Zuckerberg, a annoncé qu'il lui ferait don de 99% de sa fortune sur une période de 100 ans. Mais cette grande générosité n'est pas désintéressée.

Antoine Vaccaro

Antoine Vaccaro

Antoine Vaccaro est docteur en Science des organisations, président du Cerphi et enseignant à Sciences Po Paris.

 

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Jérôme Kholer

Jérôme Kholer

Jerôme Kohler (ESSEC 92) est directeur de L’Initiative Philanthropique, société de conseil philanthropique et en stratégie de mécénat. Ayant débuté sa carrière à la Fondation de France, il a été directeur du mécénat du Groupe l’Oréal, puis conseiller du président du Louvre et directeur des American Friends of the Louvre. Ex-président de Paris-Musées, il est administrateur des Amis de l'Opéra Comique, du Fonds Entreprendre pour Aider et membre du comité de pilotage de la Fondation Culture et Diversité. Il participe aussi à de nombreux réseaux d’experts en philanthropie.

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Atlantico : Mark Zuckerberg a annoncé à la suite de la naissance de son enfant une généreuse donation de 99% de ses parts sur Facebook à son association philanthropique Chan Zuckerberg Initiative. Est-ce réellement généreux de sa part ? Quel est le projet de son association ? Comment fonctionne t elle ?

Jérôme Kohler : Oui c'est un geste très généreux car donner -même sur 100 ans- 99% de sa fortune revient  quasiment à se déposséder. Nous retrouvons deux traits fondamentaux de la philanthropie : il s'agit d'un acte librement consenti et cet acte n'a pas de contrepartie directe pour le donateur. Ici son don évidemment améliore son image mais le montant (45MM), le moment (la naissance de sa fille) et la durée (50 à 100 ans) vont bien au-delà de cette simple préoccupation. Sa structure sera soit une fondation soit plus probablement une LLC (statut d'une entreprise sociale dont les investissements ou activités doivent remplir des critères sociaux, environnementaux.). Il ne s'agit pas de la poursuite de la rentabilité à tout prix car les bénéfices doivent être cohérents avec la démarche. L'objet décrit est plus une intention, une volonté (augmenter le potentiel de développement humain et favoriser l'équité dans tous les domaines) qu'un énoncé de moyens (prix, subventions, investissements non-lucratifs) ou de sujet (écoles publiques). Il s'agit juste d'une annonce et non un business plan.

N'est ce pas un moyen de garder un véritable contrôle de son entreprise et de protéger ses propres intérêts ?

Jérôme Kohler : Non plus car il a aujourd'hui les moyens de contrôler son entreprise alors que dans 50 ans il aura tout intérêt à l'avoir revendu. De plus la loi américaine n'autorise pas que la dotation d'une fondation soit constituée majoritairement des actions d'une seule entreprise.

Quelle est la différence avec l'association de Bill Gates par exemple ? Comment expliquer qu'autant de milliardaires célèbres se lancent dans la philanthropie ? Leurs actions ont-elles un impact réel ?

Jérôme Kohler : La différence est dans l'objet : Bill Gates investit dans la Santé et Education alors que Mark Zuckerberg investit dans l'équité et développement humain. Les actions ont un impact réel : les campagnes de vaccinations couvrant des pays entiers pour la Fondation Bill Gates, les énormes investissements et moyens de recherches mis en place par la Fondation Bill Gates mais aussi la Fondation Mérieux en France. Faire de la philanthropie aux Etats Unis va avec le statut social, la fortune et un vrai sentiment de " rendre à la société". Contrairement à la France, un milliardaire américain sans sa propre fondation ou une importante philanthropie serait mal considéré voire vu comme un "mauvais joueur" au sein de la société américaine.

Antoine Vaccaro : J’ai cru,  jusqu’à un passé récent,  que la philanthropie n’était qu’un exercice  de style pour un certain nombre de grandes fortunes et ne pouvait en aucun cas influer sur le cours de l’histoire des sociétés. La Fondation Gates avec le renfort de Warren Buffet a bousculé véritablement ce paradigme. Grâce à des budgets équivalents à ceux que l’OMS emploient pour combattre les grands fléaux épidémiques qui ravagent l’humanité, la fondation a permis de réduire le nombre de morts de la rougeole chez l’enfant de 2 millions de décès par an à 200 000.

Pouvons nous observer le même phénomène en France sachant que les taux d'imposition ne sont pas les mêmes qu'aux Etats Unis ? Quels sont les domaines privilégiés de l'action philanthropique ?

Jérôme Kohler : En France la philanthropie des individus et des familles augmentent mais n'est ni aussi répandue ni avec des montants aussi importants. Alors que les déductions fiscales en France -contrairement à ce que l'on dit- sont très importantes et proches de celles des USA. Les domaines privilégiés de la générosité des particuliers est la recherche médicale, la solidarité (notamment lutte contre la pauvreté) et les dons religieux.

Antoine Vaccaro : En France, il est difficile de  mobiliser de telles masses financières au profit de causes philanthropiques sans le consentement des héritiers, a contrario des pays anglo-saxons qui permettent au testateur de disposer de son patrimoine en toute liberté. Ce qui explique, sans doute l’absence de milliardaires français au sein du Giving pledge*.

Les arts et le domaine médical ont ainsi longtemps été un champ d’intervention  privilégié des mécènes et philanthropes français. Mais les bouleversements sociétaux plus récents entrouvrent de nouvelles perspectives d’action.

Nombre de fondations familiales ont ainsi vu le jour - elles sont aujourd’hui plus de 250 -  avec la volonté de participer à la  lutte contre la paupérisation de notre société.

La précarité, l’éducation, l’emploi, la formation… deviennent des sujets de réflexion prioritaires pour les philanthropes d’aujourd’hui, avec pour objectif final un rééquilibrage sensible des inégalités socio-économiques.

* The Giving Pledge, traduit par « promesse de don », est une campagne lancée par Warren Buffet et Bill Gates afin d'encourager les personnes les plus fortunées des États-Unis à s'engager en donnant la majeure partie de leur argent à des fins philanthropiques. La campagne s'oriente vers les milliardaires et fut rendue publique en 2010 par ses deux créateurs.

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