Marc Sanchez : “Avec leurs restrictions de crédits, les banques risquent l’étranglement des TPE”<!-- --> | Atlantico.fr
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L'accès au crédit pour les indépendants se dégrade.
L'accès au crédit pour les indépendants se dégrade.
©DAMIEN MEYER / AFP

Restrictions des banques

Marc Sanchez, secrétaire général du SDI, vient de publier une enquête sur la dégradation de l'accès au crédit pour les indépendants.

Marc Sanchez

Marc Sanchez est Secrétaire général du Syndicat des Indépendants et des TPE.

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Atlantico : Vous venez de publier une enquête sur la dégradation de l'accès au crédit pour les indépendants. A quel point est-elle importante ?

Marc Sanchez : Comme vous avez pu le voir dans l'enquête, nous avons tenté de nous baser sur deux éléments. Le premier élément concerne les entreprises qui avaient un PGE afin de déterminer dans quelle mesure elles ont été affectées. En particulier, l'accès au crédit et tout ce qui concerne les crédits d’investissement. Ce que nous constatons, c'est que de nombreuses entreprises ayant souscrit (68%) à un un PGE, l’ont déjà épuisé et se retrouvent un peu à sec avec une conjoncture économique complexe (crise énergétique, COVID, la baisse du chiffre d'affaires, l'inflation etc.) Avec la nécessité d'investir dans des machines-outils ou de traiter avec les fournisseurs ont mis les trésoreries sous pression. Par conséquent, leur réflexe est de se tourner vers leur partenaire bancaire afin d'obtenir le financement nécessaire pour leur trésorerie.

Nous avons constaté que, pour ces entreprises qui ont eu un PGE, environ 70% d'entre elles ont essuyé un refus lorsqu'elles ont demandé un crédit de trésorerie à leurs banques. Ce ratio diffère lorsque nous considérons le taux d'acceptation de manière générale. En effet, pour l'ensemble des entreprises impliquées dans cette étude, nous constatons que celles qui ont obtenu une demande de crédit favorable représentent seulement 52,2%. Ce chiffre est nettement inférieur aux données de la Banque de France, qui qualifie ce taux d'acceptation aux alentours de 66 à 67%.  Il est important de noter que la Banque de France établit ses statistiques sur la base des dossiers constitués et présentés. En considérant les questionnements posés en plus des dossiers présentés aux interlocuteurs bancaires, nous obtenons un taux d'acceptation global de seulement 52%. Ces chiffres démontrent clairement que, dans les deux cas, il y a une certaine difficulté à obtenir un crédit, comme l'a également souligné le médiateur des entreprises.

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Cette problématique peut être aggravée par la souscription d’un PGE et par la situation économique telle que celle que nous connaissons actuellement. Même si le gouvernement se félicite d'une situation relativement meilleure par rapport à nos partenaires européens, les taux de croissance au premier et deuxième trimestre de cette année restent faibles (environ 0,2% pour le premier trimestre et une estimation d'environ 0,01% pour le deuxième trimestre). Ces chiffres indiquent les premiers signes d'une récession.

Il est important de souligner que cette problématique a été évoquée à plusieurs reprises, notamment par le président du Medef, Geoffroy Roux de Bézieux, sur BFM. Il estime qu'il existe actuellement une véritable problématique concernant les crédits de trésoreries, en particulier pour les petites entreprises (TPE) qui ont souscrit à un PGE.

C’est là qu’intervient la nécessité de revoir la possibilité d'étaler les remboursements de PGE sur deux années supplémentaires afin de soulager ces entreprises.

La frilosité des banques est-elle compréhensible, sur des critères objectifs ?

Il est compréhensible que cette tension existe, notamment en raison de la hausse des taux directeurs de la BCE, qui vise à compenser l'inflation. Les banques adoptent une approche prudente, mais nous considérons que cette prudence est relativement exagérée, surtout en ce qui concerne les très petites entreprises (TPE). Il est important de noter que dans 90% des cas, les demandes de crédit concernent des investissements productifs, tels que l'achat d'un camion frigorifique pour un fleuriste ou d'un four pour un boulanger. Ces crédits contribuent réellement à l'activité des entreprises, contrairement aux PGE qui ont servi principalement à couvrir les frais tels que les loyers, les salaires ou les charges sociales.

Craignez vous que la situation se dégrade encore ?

Si nous sommes si négatifs dans nos alertes actuelles c’est afin de favoriser la prévention. J'aimerais me tromper dans 18 ou 20 mois, lorsque le gouvernement aura mis en place des mesures pour aider nos entreprises à surmonter l'augmentation de l'inflation et des coûts énergétiques considérables. Malgré les aides telles que l'amortisseur électrique et le guichet, certaines entreprises se retrouvent confrontées à des factures d'électricité ou de gaz qui sont deux à trois fois supérieures à celles payées précédemment. Ces éléments peuvent sérieusement affecter la trésorerie des entreprises, et il n'y a aucune garantie que la crise énergétique soit derrière nous. Il est donc essentiel de rester prudents et de mettre en place des procédures préventives qui permettront à nos entreprises de retrouver une situation financière plus stable.

L'enquête démontre clairement que plus de 90% de nos adhérents souhaitent se débarrasser rapidement du PGE. Le plus souvent s’ils ne le font pas c’est qu’ils ne peuvent pas. Une mensualité moyenne de remboursement de 2000€ pour un PGE représente une charge considérable, alors que son objectif initial était de couvrir les salaires, les rémunérations des dirigeants et les développements pour accroître la productivité et le chiffre d'affaires des entreprises. Nous avons besoin d'une prise de conscience de cette réalité et d'un soutien gouvernemental avec des signaux positifs clairs. Malheureusement, ces signaux ne sont pas suffisamment présents à ce jour.

La procédure mise en place en janvier de l'année dernière par le médiateur du crédit permet de demander un rééchelonnement des dettes, mais elle est totalement inadaptée car elle dépend de l'accord des banques. Si les banques ne donnent pas leur accord, il n'est pas possible d'engager de discussion ou de procédure avec le médiateur du crédit. De plus, cette procédure oblige à renégocier l'ensemble des encours bancaires, y compris les crédits fournisseurs et les crédits d'investissement, ce qui peut être décourageant pour les entreprises. On peut se demander si cela a été fait intentionnellement. Environ 670 dossiers ont été présentés au cours de la première année, principalement par des grandes et moyennes entreprises, avec peu ou pas de participation des TPE, et le taux d'acceptation est d'environ la moitié. Il est important de reconnaître que dans le contexte actuel, le PGE peut être un obstacle, mais je pourrais également comprendre le point de vue du gouvernement, car si les PGE ne sont pas honorés, c'est l'État et les contribuables qui devront payer. Cela peut représenter jusqu'à 16 milliards d'euros pour les TPE, qui seraient échelonnés sur plusieurs périodes, il est donc dans l'intérêt de l'État et des contribuables de trouver des solutions, telles que la prolongation ou l'étalement des paiements, afin de soulager ces dettes qui pèsent énormément sur nos entreprises.

Quelles sont les solutions concrètes ?

Aujourd'hui, la difficulté réside principalement dans les trésoreries de nos entreprises. Il est essentiel de trouver des moyens de renforcer notre trésorerie alors que nos chiffres d'affaires sont soumis à une inflation galopante, même si elle tend à se stabiliser, elle reste à des niveaux élevés. Les prix des matières premières, en particulier l'énergie, restent également assez élevés. Nous devons donc jouer avec les éléments sur lesquels nous avons un certain contrôle. Par exemple, vous ne pouvez pas augmenter considérablement vos prix, que vous soyez dans le secteur du bâtiment, de l'alimentaire ou des services à la personne, car cela contribue mécaniquement à une oblitération de la consommation. Nous sommes donc obligés de jouer sur ces éléments pour améliorer notre trésorerie. L'un des éléments clés est la possibilité d'étaler le PGE à ce stade. C'est ce que nous essayons de mettre en avant autant que possible dans le cadre de notre enquête sur le financement. Cependant, si les mesures nécessaires ne sont pas prises, il faut également accepter que, à moyen terme, près de 93 000 entreprises estiment que l'absence d'un étalement conduirait à leur fin. Il est possible de faire un choix politique en disant que l'État ne continuera pas à soutenir ces entreprises en créant de nouvelles opportunités, mais il est important de noter que ces entreprises, en général, ne sont pas des entreprises zombies ou créées récemment en 2019. Ce sont des entreprises ayant plus de 5, 6 ou même 10 ans d'ancienneté, qui emploient des salariés et contribuent économiquement aux régions et aux communes en créant de l'emploi et de la valeur ajoutée. Il ne s'agit donc pas seulement d'un gain économique éphémère ou d'une simple stratégie pour récupérer de l'argent. Le chiffre de 93 000 dont je parle concerne la situation future, mais il est important de noter que le nombre de défaillances de TPE est en forte augmentation, avec une augmentation de plus de 50% des procédures collectives et des liquidations judiciaires, selon les dernières statistiques de la Banque de France cette semaine. Cette tendance est préoccupante. On peut encore éviter la cascade de cessations d’activité. Les solutions sont entre les mains de l’entrepreneur et dans celles de l’Etat. On nous rétorque souvent que l’Europe rend les choses complexes mais la vraie question c’est la volonté politique d’aider ou non les entreprises. L’équivalent du PGE pour les entreprises aux Etats-Unis est garanti sur 30 ans, en France, c’est sur 6.

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