Mais pourquoi les spéculateurs continuent-ils à s’arracher certains NFT ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Concept de NFT -- Photo AFP
Concept de NFT -- Photo AFP
©Justin TALLIS / AFP

Arnaque en vue ?

Le marché des NFT s’est avéré très prospère… entre 2021 et 2022. Aujourd’hui, il apparaît moins intéressant financièrement. Est-ce à dire qu’il n’y a plus de raisons d’investir ? Eléments de réponse.

Pierre Beyssac

Pierre Beyssac

Pierre Beyssac est Porte-parole du Parti Pirate

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Atlantico : Vous écrivez sur X que les NFT sont une arnaque destinée aux grands naïfs. Pourquoi?

Pierre Beyssac : Les NFT, "non fongible tokens" ou "jetons non fongibles", sont des droits numériques virtuels échangeables en ligne. On les qualifie de "non fongibles" car ils portent sur un droit particulier, à la différence de l'argent liquide où un billet de 10 euros est substituable à n'importe quel autre.

Les NFT sont fondés sur les technologies de crypto-monnaies, qui promettent une décentralisation des échanges monétaires, sans acteur en position dominante, par un procédé coopératif.

Les acheteurs de NFT croient souvent acquérir une sorte de "droit de propriété virtuel" sur des éléments immatériels. Ce droit, dans leur esprit, leur offrirait une preuve de possession, voire une protection contre la copie.

Cependant, les contrats en général ne promettent rien de tel. Il est déjà difficile de protéger un contenu numérique contre la copie : c'est ce que l'on appelle les DRM (digital rights management), qui empêchent par exemple la copie de DVD ou de vidéos sur Internet, et cassent également les pieds des utilisateurs légitimes. Or les NFT, de leur côté, ne sont rien d'autre que la matérialisation numérique d'un contrat, sans aucune mesure technique anti-copie type DRM.

Si on acquiert le NFT correspondant à une œuvre numérique ou même physique, on n'a aucun moyen de garantir que l'œuvre ne sera pas utilisée, copiée, exploitée, sans l'accord du détenteur du NFT.

Il faut également lire attentivement ce que proposent les contrats.

Au 1er janvier 2024, les premiers dessins de Mickey, datant de 1928, sont entrés dans le domaine public. Cela signifie que n'importe qui peut désormais faire usage librement de ces dessins.

Certains petits malins n'ont donc pas hésité à vendre début 2024 des NFT sur ces dessins de Mickey, donc des droits virtuels sur une œuvre désormais libre de droits. Comment mieux mettre en lumière la décorrélation complète entre le "droit NFT" et le droit réel, et la naïveté de certains acheteurs qui ne comprennent pas vraiment ce qu'ils ont acquis ?

C'est juste un problème de droit ?

Non. Il existe également des défauts potentiels dans la mise en œuvre technique du procédé.

Comme précisé précédemment, les NFT sont fondés sur les technologies de crypto-monnaies, qui promettent une décentralisation des échanges monétaires, sans acteur en position dominante, par un procédé coopératif.

Cependant, la plupart des NFT connus sont émis par des sociétés privées sur leur infrastructure propre. Autrement dit, si la société ou simplement l'infrastructure disparaît, les NFT liés disparaissent.

Le procédé des NFT est une idée générique de jeton échangeable sur une chaîne de blocs, et sa réalisation peut, en théorie, être exempte de ce défaut de "recentralisation". En pratique, la plupart des NFT actuels sont émis par des entités ou places de marché précises et n'ont de valeur que tant que l'entité conserve une existence.

On a aussi pu entendre parler de NFT dans le domaine du jeu vidéo, permettant d'échanger des objets virtuels entre des jeux d'éditeurs différents. L'idée nécessite des briques technologiques de compatibilité entre éditeurs qui n'existent pas, et que ceux-ci ne semblent pas avoir l'intention de créer. En d'autres termes, il ne suffit pas d'avoir l'idée de vendre n'importe quoi avec un contrat léonin pour que la promesse vendue soit réalisée ou même réalisable. Il faut que les acquéreurs en soient conscients.

On observe également des NFT correspondant à des offres spéciales "exclusives" marketing sur des collections de produits, de la pâtisserie, des joueurs de foot, ou même des billets de spectacle ou des cartes cadeaux. On s'éloigne là de l'idée de propriété et de l'intérêt des NFT : il existe déjà des technologies cryptographiques tout à fait au point pour émettre des billets de spectacle ou cartes cadeaux sécurisés. Les technologies de blockchain n'apportent strictement rien à cet égard, au-delà du mot-clé à la mode.

Faut-il encore investir ?

Probablement pas dans les NFT.

Le marché des NFT était apparemment florissant en 2021 et 2022, en partie à l'aide de manipulations manifeste des cours, par des transactions bien médiatisées, puis s'est effondré, comme beaucoup l'avaient prévu, dès 2023, avec une baisse en volume de 99 % des échanges sur l'une des plus grandes plateformes de négoce de NFT, OpenSea.

Bill Gates a parlé à leur sujet d'effet "bigger fool" (plus grand idiot) : la spéculation fonctionne tant que l'on trouve plus idiot que soi pour racheter au prix fort. La mode des NFT n'a pas tenu longtemps à cette aune.

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