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Mais comment prendre la Russie de Poutine pour modèle ?
©NATALIA KOLESNIKOVA / AFP

Valeurs démocratiques

« Les Cubains savent parfaitement que le gouvernement américain est le principal responsable de la situation actuelle à Cuba »

Nathalie MP Meyer

Nathalie MP Meyer

Nathalie MP Meyer est née en 1962. Elle est diplômée de l’ESSEC et a travaillé dans le secteur de la banque et l’assurance. Depuis 2015, elle tient Le Blog de Nathalie MP avec l’objectif de faire connaître le libéralisme et d’expliquer en quoi il constituerait une réponse adaptée aux problèmes actuels de la France aussi bien sur le plan des libertés individuelles que sur celui de la prospérité économique générale.
 
https://leblogdenathaliemp.com/

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Ainsis’exprimaitle président de Cuba Miguel Díaz-Canel en juillet dernier alors que l’île était en proie à des manifestations anti-gouvernementales d’ampleur inédite.

La rhétorique est connue.Quand les Cubainsse révoltenten masse contre leur gouvernement, quand les Vénézuéliensfuientleur pays pour échapper à la dictature et la pauvreté, quand la RDA est « obligée » deconstruireun« mur de protection antifasciste », le coupable est tout trouvé : c’est bien sûr cet incurable impérialisme des États-Unis et de leurs alliés qui place le monde à la merci des agressions continues de l’Occident.

Aussi, alors que la Russie alancéses chars et ses missiles en Ukraine, pays indépendant selon sa propre volonté depuis 1991, et que j’entends une clameur immense venue de l’Occident lui-même nous expliquer que la faute en incombe avant tout si ce n’est uniquement à l’implacable volonté de puissance de l’OTAN, j’ai comme une forte impression de déjà vu, de déjà entendu. Le mot prétexte vient spontanément à l’esprit.CubaetVenezuelase sont d’ailleurs empressés d’apporter leur soutien au maître du Kremlin, lequel n’a pour eux que douces attentions (notamment unerestructurationde la dette cubaine votée par la Douma en début de semaine).

Et puis, voir Poutine décrit sous les traits de la blanche colombe qui ne ferait que résister à l’oppression… comment dire ? Son petitdiscoursd’entrée en guerre ne laisse guère de doute sur ses intentions : la Russie est une puissance nucléaire qui ne laissera personne interférer avec ses ambitions. Lesquelles, mi-désirs de grandeur mi-opérations stratégiques, sont connues : retrouver les frontières de la grande Russie, récupérer le grenier à blé ukrainien, accéder aux mers chaudes. Sauf que l’Ukraine est un pays souverain.

À noter d’abord qu’il n’est pas très cohérent de se moquer des efforts diplomatiques menés par les Occidentaux ces derniers temps, au motif que tout ceci n’est qu’un alarmisme de plus de gouvernements uniquement préoccupés de se donner le beau rôle de défenseurs de la paix aux yeux de leurs opinions publiques, puisque, disaient les grands admirateurs de Poutine, il n’envahira jamais l’Ukraine (Mélenchon,Zemmour,Le Pen), et d’expliquer ensuite, une fois ce pronostic complètement balayé par la réalité, que l’OTAN est lacausede tout.

Selon ces raisonnements, s’il ne devait pas entrer en Ukraine, c’est bien que rien ne l’y forçait. On ne voit pas pourquoi l’OTAN est soudain devenue un élément déclencheur. Et puisqu’on parle d’OTAN, peut-être bien que les Pays baltes, la Pologne ne sont pas mécontents d’en faire partie, vu le comportement de Poutine en Ukraine. À Taïwan, ils ne s’y sont pas trompés, ils ont parfaitementcomprisqui était l’agresseur et redoutent par-dessus tout que la Chine ne profite de l’occasion pour une opération de récupération de son cru. Le précédent deHong Kongexiste. Vous avez dit OTAN ?

Il est évident cependant que nous autres Occidentaux devons apprendre à nous montrer moins cavaliers, moins suffisants, moins certains de notre supériorité militaire et morale dans nos relations internationales et vis-à-vis de pays dirigés par des autocrates peu enclins à respecter le droit international ou leur propre parole. Était-il bien avisé d’enclencher une transition énergétique largement idéologique qui nous a rendu hautement dépendants du gaz russe ? Est-il bien avisé d’accroître une dépendance industrielle avec la Chine, pays spécialiste ducontrôle socialet oppresseur desOuïgours?

De la même façon, qu’avons-nous à dire pour notre défense après le monstrueux chaos que nous avons laissé en Libye (2011) suite à notre intervention irréfléchie ? Après l’invasion de l’Irak (2003) au prétexte de la présence sur son sol d’armes de destruction massive qui se sont finalement avérées inexistantes ? Une riposte à l’attaque terroriste du 11 septembre 2001 était justifiée, mais certainement pas celle-là, bâtie sur le mensonge.

Tout ceci n’est pas digne, peut facilement nous être reproché et doit impérativement cesser.

Mais peut-on sérieusement penser qu’une attitude irréprochable de notre part aurait changé quoi que ce soit au comportement deVladimir Poutine? J’en doute sérieusement.

Ce n’est pas l’OTAN ni les manquements de l’Occident qui l’obligent à se maintenir au pouvoir depuis 23 ans par tous les subterfuges possibles, dont le petit jeu de devenir le Premier ministre de son propre Premier ministre Medvedev élu comme président fantoche de 2008 à 2012.

Ce n’est pas l’OTAN ni les manquements de l’Occident qui l’obligent à emprisonner ses opposants(Alexeï Navalny)ou à les faire assassiner(Boris Nemtsov)ni à faire assassiner des journalistes(Anna Politkovskaïa). Rappelons-nous qu’en 2021, la Russie se situait au 150èmerang sur 180 pays dans leBaromètre RSFde la liberté de la presse quand la France, sans être très performante, arrivait quand même à la 34èmeplace.

Plutôt que de tresser des lauriers à ce merveilleux Poutine qui aime son pays, qui aime son peuple et qui prend si bien la défense des racines chrétiennes de l’Europe – ce qui est trèscontestable– peut-être faudrait-il se rappeler que Boris Nemtsov fut assassiné en 2015, quelques jours seulement après avoir appelé les Russes à une marche d’opposition aux politiques de Vladimir Poutine,demandant« l’arrêt immédiat de la guerre avec l’Ukraine »et exigeant que« Poutine cesse son agression. »

Et puis n’oublions pas que l’aventure ukrainienne, en faisant appel à la fibre patriotique des Russes, a aussi pour effet de dissimuler combien son « règne » aura peu fait pour la prospérité de son pays. Comme lerappelaitrécemment le directeur de l’IREF Nicolas Lecaussin, malgré de grandes ressources en énergie fossile, l’économie du pays n’est pas du tout diversifiée et s’enfonce dans la crise. Depuis 2012, le PIB (edit 3 mars : par habitant) du pays s’est effondré de 30 % et le PIB par habitant ne représente actuellement que 57 % du PIB par habitant de la Grèce !

Si l’Occident veut exister à la hauteur de ses valeurs libérales et démocratiques, ce n’est certainement pas sur la Russie ou sur la Chine qu’il doit prendre modèle, comme de trop nombreux idolâtres lepensentchez nous. C’est au contraire en s’éloignant résolument de l’autocratisme en vigueur dans ces pays.

Oui, il y a du travail. Nul doute qu’avec la pandémie de Covid, un pas de plus vers le contrôle social à la chinoise a eu lieu ; nul doute que la dérive de plus en plus marquée vers la social-démocratie tend à grignoter peu à peu les libertés individuelles.

Tournons le dos à tout cela. Ne nous transformons ni en Chine ni en Russie.

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