Macron / Le Pen : sur quels noeuds politiques va vraiment se jouer le 2e tour ? <!-- --> | Atlantico.fr
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Emmanuel Macron affrontera Marine Le Pen au second tour de l'élection présidentielle française, le 24 avril 2022.
Emmanuel Macron affrontera Marine Le Pen au second tour de l'élection présidentielle française, le 24 avril 2022.
©JOEL SAGET, ERIC FEFERBERG / AFP

La bataille est lancée

Sans grande surprise, Emmanuel Macron affrontera Marine Le Pen lors du second tour des élections présidentielles, le 24 avril prochain. Un résultat qui dépendra notamment de la capacité d'Emmanuel Macron à réactiver le Front Républicain. De son côté, Marine Le Pen devra capitaliser sur la très profonde opposition à Emmanuel Macron

Arnaud Benedetti

Arnaud Benedetti

Arnaud Benedetti est Professeur associé à Sorbonne-université et à l’HEIP et rédacteur en chef de la Revue politique et parlementaire. Son dernier ouvrage, "Comment sont morts les politiques ? Le grand malaise du pouvoir", est publié aux éditions du Cerf (4 Novembre 2021).   

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Sur quels nœuds politiques va se jouer le second tour ? 

Arnaud Benedetti : Il va se jouer d’abord sur la capacité d’Emmanuel Macron à réactiver, ne serait-ce qu’à la marge, le Front Républicain. On voit bien facialement que dans les consignes de vote ce dernier tente de se survivre encore. Le sortant doit aussi être capable d’être le réceptacle de ces différents appels à voter pour lui , sans paraître être autre chose qu’un artefact politicien. Marine Le Pen doit, elle, capitaliser sur la très profonde opposition à Emmanuel Macron. Le champ politique est profondément divisé, l’abstention est haute. La société est en voie de désaffiliation vis-à-vis des institutions républicaines. Il faudra voir comment Marine Le Pen parvient à agréger cet anti-macronisme, qui est aussi un anti-élitisme. 

L’élection présidentielle se joue aussi sur la capacité à incarner la fonction. Ce n’est pas un aspect politique au sens programmatique mais au sens symbolique. Et il est très important dans le combat électoral. Sur ce plan, Marine Le Pen veut apparaître comme l’anti-Macron. Elle veut privilégier une image protectrice, de proximité, de simplicité face à un président dont l’exercice du pouvoir a été très vertical, managerial et perçu comme éloigné des Françaises et des Français. 

Sur quels clivages les deux candidats vont-ils s’opposer ?

Pour être éligible, il faut être en mesure d’incarner des idées globales et identifiables. L’un comme l’autre s’inscrivent dans un héritage politique. Emmanuel Macron se fait le porteur de la défense de l’idée européenne, de la capacité de la société française à se réformer et à se transformer, à s’adapter à la mondialisation, à la métaboliser en quelque sorte . De l’autre côté, Marine Le Pen est une candidate qui s’inscrit dans l’idée qu’il n’y a pas d’autres priorités que de défendre  la souveraineté nationale car cette dernière est la garante de la démocratie et de la protection. Ils sont, à ce titre, dans le sillon de 2017, mais le jeu a changé. D’abord, parce qu’Emmanuel Macron est le sortant et qu’il va devoir défendre son bilan. Marine Le Pen, elle, dispose d’un autre levier. Même si  elle ne l’a pas dit ainsi, elle va  tenter encore une fois de fédérer tout ce qu’il y a d’anti-macronisme dans la société française. Le président sortant va être le porteur de l’étendard du tout sauf Marine Le Pen tandis qu’elle sera la candidate du tout sauf Emmanuel Macron.

Cinq ans après, les clivages sont-ils toujours opérants ?

Ils le sont, c’est la réalité électorale qui nous le prouve. Les deux forces électorales qualifiées au second tour sont Emmanuel Macron et Marine Le Pen, à eux deux, ils font presque  plus de 50% des suffrages exprimés. Vient ensuite, la capacité – ou non – à recoudre une société française parcelisée , archipelisée. Le logiciel d’Emmanuel Macron est peut-être celui qui a le moins changé. Il reste sur la posture de celui qui prétend incarner la raison , le combat pour faire barrage aux populismes. Et quand on voit les appels de Yannick Jadot, de Valérie Pécresse, voire de Jean-Luc Mélenchon (toutefois bien plus ambigu), il y a la volonté de recréer une forme de Front Républicain subliminal ou light. Marine Le Pen a peut-être plus évolué. 

Elle a amendé sa vision des choses, sans doute pour des raisons stratégiques. Emmanuel Macron, lui, l’a fait en raison des circonstances lors de son quinquennat. Mais ce sont aussi des bases sociologiques qui s’expriment. Il y a deux sociologies qui s'opposent: celles des classes moyennes et supérieures des grandes villes et celle des classes populaires qui n’ont pas trouvé leur place dans la mondialisation.

Votre dernier livre s’intitule Comment sont morts les politiques. Cette élection va-t-elle dans le sens de votre constat ? 

A mon sens, c’est la continuité totale de ce que nous vivons. Les deux moteurs qui ont jusqu’à présent permis à Emmanuel Macron et au bloc élitaire de pouvoir l’emporter sont l’abstention et la dispersion du champ politique et notamment des oppositions. Les oppositions sont majoritaires mais irréconciliables. Reste à savoir si Emmanuel Macron se survivra en jouant à fond sur ces moteurs. Deux éléments sont à prendre en compte pour moduler 2022 par rapport à 2017 : les électeurs s’affranchissent de plus en plus des consignes de vote et l’Emmanuel Macron 2022 n’est plus tout à fait celui de 2017. Et pour cause : il est le sortant ! 

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