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Les Français travaillent moins... Derrière les moyennes, la très grande diversité de leurs conditions de travail
©Reuters

Vision panoramique

Du secteur du bâtiment à la restauration, en passant par les services et le commerce, les bonnes conditions de travail ne sont pas liées au fait de travailler peu.

Denis Monneuse

Denis Monneuse

Denis Monneuse est sociologue, directeur du cabinet Poil à gratter et chercheur à l’UQAM (l’Université du Québec à Montréal). 

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Atlantico : De nombreuses mesures dessinent le cadre du travail en France, que ce soit la législation nationale ou les convention collectives, décidées au niveau des branches professionnelles. A quelle diversité dans les conditions de travail est-on confronté ?

Dennis Monneuse : Il y a des métiers qui exigent une disponibilité plus importante que d'autres. Le temps de travail est plus grand dans l'agriculture et dans les commerces par exemple. Ce qu'on voit, c'est que les secteurs du commerce et de la distribution sont des secteurs où on ne compte généralement pas ses heures car le client est roi, et ce qui compte c'est le fait d'être disponibile. Les métiers de la construction et du BTP sont les plus pénibles. D'une part ils travaillent plus que les autres, mais ils subissent aussi des contraintes météorologiques importantes, tout comme ceux qui travaillent dans le domaine de l'agriculture.

Quels sont les secteurs professionnels les plus chronophages, et à l'inverse ceux dont le temps de travail effectif est plus faible ?

Il s'agit de ceux qui jouissent d'une convention collective généreuse comme le secteur de la Banque, des assurances, ou encore les pharmacies. Les salariés des grandes entreprises, tous secteurs confondus, profitent également d'avantages sociaux plus importants que les PME.

Les fonctionnaires travaillent moins, que ce soit chez les cadres comme chez les salariés. L'explication classique est de dire que les fonctionnaires sont plus paresseux que les autres, alors que, par exemple, effectuer des heures supplémentaires est quelque chose de moins courant dans le secteur public que dans le privé.

Vu de l'extérieur, ils sont jugés comme ayant des horaires confortables, mais dans les métiers dits d'accueil, où le salarié est au contact avec le public, comme dans le secteur hospitalier, sont réputés pénibles car ils font face aux usagers et aux clients.

Une étude publiée le 24 juin (voir ici) dévoile que les français font partie de ceux qui travaillent le moins longtemps. Ce classement est-il vraiment pertinent ? 

On a tendance à se focaliser sur la durée du temps de travail alors qu'elle est de moins en moins importante. Le lien entre temps de travail et performance n'est pas toujours vérifié. On a tous en tête des personnes qui passent beaucoup de temps au bureau mais qui ne sont pas très productives. Je pense que cette notion du temps de travail est intéressante pour certains types de métiers mais pas pour d'autres. Typiquement, on voit qu'il y a de plus en plus de cadres en France, ils représentent aujourd'hui près de 20% de la population active. Et sachant que la plupart sont au forfait, ce qui intéresse les employeurs est plutôt la capacité à être réactif, créatif, et à prendre du recul par rapport à son activité. Le temps de travail d'un cadre n'est pas du tout un indicateur de sa performance au travail.

Il y a aussi une dimension qu'il faut rajouter: certains salariés cherchent à effectuer des heures supplémentaires pour augmenter leurs revenus. Il y a aussi des paradoxes: toujours dans la construction, on voit que d'un côté les salariés se plaignent de conditions de travail difficiles, mais en même temps ils sont les plus à même de demander des heures supplémentaires.

Est-il possible de comparer la pénibilité des différents secteurs d'activités à partir du nombre d'heures travaillées ?

Le lien entre temps de travail et pénibilité est très faible. On remarque que les personnes qui ont un temps de travail élevé sont satisfaites de leurs conditions de travail. On peut le comprendre de deux façons: soit parce qu'on aime beaucoup son travail et qu'on est donc enclin à y consacrer du temps, comme par exemple les freelances, les cadres dirigeants ou tout simplement les personnes qui aiment leurs métiers ; soit on peut l'expliquer en disant que pour tenir le coup, on va essayer de positiver et de prendre compte de l'intérêt de son travail. La première raison est plus pertinente

De ce fait, la comparaison de la productivité entre les différents secteurs n'est pas pertinente : on voit que certains secteurs professionnels ont très peu de main d'œuvre et émettent pourtant une très grande valeur ajoutée. Dans le pétrole, il y a très peu de monde, mais la valeur ajoutée est bien sûr très élevée. Dans le secteur du service d'aide à domicile, on peut au contraire estimer que la valeur ajoutée est faible au regard des sommes générées. Les indicateurs ne sont donc pas les mêmes en fonction des secteurs d'activités.

En réalité, les personnes qui se plaignent le plus de la pénibilité de leur travail ne font pas référence au temps de travail mais de la qualité de celui-ci. Dans les entretiens que je suis amené à faire dans les entreprises, je vois beaucoup de séniors qui me disent qu'ils préféraient la période d'avant les 35 heures, car ils y trouvaient plus de convivialité, la productivité demandée s'étalait sur une journée plus longue. L'intensité aujourd'hui au travail est plus forte.

Le cas du secteur de la restauration est intéressant car il est réputé difficile car intense. Mais ce qui pose problème au serveur, ce n'est pas le travail en lui-même, c'est le fait d'être en sous-effectif.

Au niveau macro-économique, on sait qu'aujourd'hui ce qui compte est la capacité d'adaptation et la réactivité. Finalement ce qui serait intéressant, ce serait non pas de comparer le temps de travail effectif mais l'aménagement du temps de travail en fonction des besoins des entreprises au sens où une population peut très bien travailler moins qu'un pays voisin, mais  où l'entreprise a plus de souplesse pour adapter le temps de travail annuel, et qui serait bien sûr plus compétitif qu'un autre où les gens travailleraient beaucoup mais où les variations seraient plus faibles. Et ça, l'étude de l'oxedezef ne le prends pas en compte, or on sait que les pays comme les Pays-Bas ont une compétitivité qui tient au fait que les gens travaillent surtout en temps partiel, et éventuellement dont on peut faire varier les heures de travail.

De plus en plus, la pénibilité joue au point de vue psychique, et notamment dans le secteur de la santé, les aides-soignantes et les infirmières, où le temps de travail n'est pas très élevé, en revanche la pénibilité est importante car les charges émotionnelles le sont aussi du fait de la confrontation à la mort et à la maladie, avec parfois des patients difficiles. Et donc la durée de travail n'est pas liée à la pénibilité.

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