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Une récente étude américaine a mis en avant le fait que les femmes consomment de plus en plus d'alcool toutes classes d'âge confondues.
Une récente étude américaine a mis en avant le fait que les femmes consomment de plus en plus d'alcool toutes classes d'âge confondues.
©Pixabay

Consommation

Une récente étude américaine a mis en avant le fait que les femmes consomment de plus en plus d'alcool toutes classes d'âge confondues.

Pascal Vesproumis

Pascal Vesproumis

Pascal Vesproumis est spécialiste en Médecine générale, addictologue, hypnothérapeute, conférencier en hypnose  DIU du TDAH à tous les âges, membre de la SFA (Société française d'alcoologie) — CSAPA Addictions France à Evry (en format hybride). Son cabinet médical est basé à Epagny. Pascal Vesproumis est Président de l’ ACCH-formations à l’hypnose.

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Atlantico : Une récente étude américaine a mis en avant le fait que les femmesconsomment de plus en plus d'alcool toutes classes d'âge confondues. Entre 30 et 40 ans, selon cette étude, elles consommeraient même autant que les hommes, voire davantage. Comment expliquer ce phénomène ? Les femmes sont plus stressées que les hommes ?
Pascal Vesproumis : Je souhaite avant tout rectifier le titre «  les femmes, des alcooliques comme les autres » en vous proposant : la dépendance à l’alcool n’est pas « genrée ».
Les adultes consommateurs de boissons alcoolisées  bénéficient aujourd’hui d’un accès facilité, moins stigmatisant et donc moins culpabilisant. En effet les applications se multiplient sur internet  permettant des commandes  discrètes et des livraisons à domicile qui évitent d’être vus et reconnus dans les commerces de proximité. 
1968 a probablement participé à la démocratisation  d’ activités initialement réservées aux hommes : le sport et certaines activités de  loisir sont alors devenus accessibles aux femmes  car mieux acceptés peu à peu par la société.
 J’ai en mémoire le travail d’une interne dont j’étais le directeur de thèse, qui interrogeait les conduites addictives des médecins généralistes des Côtes d’armor. Cette étude (portant sur 180 confrères)retrouvait  des consommateurs excessifs et des confrères devenus dépendants de l’alcool, à une fréquence proche de celle de la population.
Il y avait néanmoins un pourcentage légèrement plus élevé chez les femmes, qui avaient commencé leur activité dans les années 70, comparé au pourcentage national.
La discussion entre confrères addictologues nous avait conduit à supposer une possible implication de la féminisation d’un certains nombres de professions à partir de 1968. Mais l’installation des médecins  femmes dans des zones rurales (comme dans les Côtes d’Armor )et industrielles , les a conduites à un usage plus fréquent de l’alcool pour faciliter leur intégration professionnelle dans une population où les médecins hommes bénéficiaient d’une aura manifeste.
De la même façon , le comportement festif des étudiantes a pu lentement se rapprocher de celui des étudiants , par la levée de l’interdit socio-culturel  de boire  de l’alcool  imposé jusqu’alors aux femmes.
Aujourd’hui il subsiste néanmoins un regard sociétal lourd de jugement envers les femmes  qui souffrent d’alcoolisme. 
Or, les jeunes femmes, comme les hommes, en consommant de l’alcool recherchent avant tout une sensation  de plaisir , de bien être ou de mieux être. Bien qu’éphémère l’accès vers les  autres se révèle alors plus simple.
Le Binge drinking ( alcoolisation ponctuelle importante  ou « beuverie » ) s’est imposé rapidement sur des campus universitaires touchant étudiants et étudiantes, avec le désir d’atteindre une ivresse le plus rapidement possible pour vivre l’expérience de sensations fortes.
Mais afin de ne pas grossir avec ces apports caloriques, les jeunes consommatrices ont commencé à pratiquer la « drunkorexie » (alcoolorexie). Associant anorexie et alcoolisme avec Binge drinking, l’ivresse est obtenue  encore plus rapidement et l’apport calorique diminué.
La pratique de la consommation d’alcool n’est plus vraiment « genrée ». Tout le monde a accès à la même molécule. Mais la vulnérabilité du corps des hommes et des femmes n’est pas la même.
De quel alcoolisme parlons-nous pour les femmes? Est-ce ce que l'on appelle "l'alcoolisme mondain" ? Ou est-ce tout autre chose ?
Nous ne sommes plus dans l’alcoolisme mondain. Nous avons déjà abordé la consommation  rapide d’alcool chez les jeunes femmes étudiantes avec  une forme de défi personnel et une quête de sensations.  
Mais  il peut y avoir relativement tôt une recherche d’apaisement face à la pression des études, et face au rythme de la vie enfermée dans l’immédiateté et l’hyperstimualtion (réseaux sociaux etc…).
Les femmes  seule ou en couple, s’impliquent à a fois dans  la logistique familiale, dans leur travail et avec un regard maternel attentif sur leurs enfants. Elles s’impliquent de plus en plus dans la vie associative et politique (grâce aux nouvelles règles de la parité).
Face au surmenage qui peut conduire au burn out, l’alcool joue le rôle temporaire et illusoire de « traitement » avec des effets anxiolytiques, anti-dépresseurs, sédatifs et hypnotiques ( aidant à s’endormir). C’est ce qu’évoquent les patientes  hospitalisées pour sevrage , dans les services d’addictologie. 
Les effets euphorisants et anesthésiants recherchés face aux  difficultés de la vie quotidienne, cèdent rapidement à l’issue du sevrage, et justifie la prise en charge rapide des syndromes anxio-depressifs réactionnels.
Quelles sont les conséquences de l’alcoolisme féminin en matière de santé ?
Qu’il soit consommé à faible dose ou en grande quantité, l’alcool entraine une toxicité redoutable à court et plus long terme, sur de nombreuses fonctions du corps (hépatique, cardiaque, hématologique, neurologique, digestive, cognitive etc).
Mais naturellement l’alcoolisme foetal implique des conséquences qui peuvent se révéler dramatiques pour le futur bébé.La période d’allaitement maternel justifie également l’abstinence.
Nous ne devons pas oublier le rôle déshinibiteur des boissons alcoolisées, occasionnant des accidents domestiques, des délits routiers et des agressions. Ces dernières justifient l’intervention des forces publiques avec passage aux urgences hospitalières et placement en  garde à vue.
Sur le long terme, la consommation d’alcool devient nécessaire chaque jour traduisant l’entrée dans la dépendance physique.
Il me paraît important de préciser que l’alcool isole énormément malgré son rôle social en début de consommation.
L’alcool est un véritable leurre.
Utilisé à visée antidépressive, il devient dépressogène dans un deuxième temps.
Heureusement, les campagnes de prévention sur les dangers de l’alcool se révèlent utiles , et indispensables pour  sensibiliser les jeunes personnes avant qu’elles n’entrent dans la dépendance.
Tous les moyens pour informer et repérer les conduites additives  doivent être mobilisés.
Je souhaite féliciter le Professeur Laurent Karila dans son travail d’information et de prévention avec des émissions grand public sur des chaines de télévision et sur des réseaux sociaux.Il donne  l’occasion à des personnalités médiatiques de raconter l’histoire de leur dépendance à l’alcool. 
Les téléspectatrices pourront ainsi s’identifier à ces patientes soignées qui souhaitent partager leur expérience.
De la même façon, les consultations de jeunes consommateurs ont changé le regard des familles et des patients. Les personnes qui consultent ont le courage de le faire. 
En conclusion je souhaite féliciter les femmes qui osent consulter pour préserver leur santé face au piège de l’alcool. Elle viennent  pousser la porte d’un cabinet afin de ne pas continuer à abîmer leur corps avec l’alcool et pour se débarrasser de cette addiction.
Souvent découvert d’une manière festive et en dehors de toute contrainte , l’alcool  entre peu à peu dans la vie des femmes confrontées à une souffrance psychique ou physique. Il les exposent alors au risque de s’isoler et de se perdre.

La vie actuelle impose un rythme souvent infernal. Les femmes se retrouvant impliquées sur tous les fronts, elles font tout pour préserver leur famille et leur travail. L’alcool tente alors de trouver sa place dans leur vie  pour devenir indispensable. L’ information, la prévention et la prise en charge en addictologie doivent être mobilisés pour aider ces femmes courageuses à être écoutées et soignées.

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