Les économistes se sont penchés sur la manière dont les entreprises intègrent l’actualité dans leurs prévisions et voilà ce qu’ils ont trouvé<!-- --> | Atlantico.fr
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Des personnes travaillant dans une start-up.
Des personnes travaillant dans une start-up.
©Patricia De Melo MOREIRA / AFP

Anticipation rationnelle… ou pas

Des économistes ont étudié, grâce à des données de l’Ifo Institute, quelles étaient les attentes des entreprises concernant leur développement et leur avenir face à différents types d'informations.

Benjamin Born

Benjamin Born

Benjamin Born est professeur associé de macroéconomie à la Frankfurt School of Finance & Management et chercheur au CEPR et au CESifo. Il est directeur de recherche au Centre de macroéconomie et d'enquêtes de l'Institut ifo et rédacteur associé à la European Economic Review.

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Atlantico : Pour votre étude « Firm Expectations and News: Micro v Macro », vous avez analysé les réponses des entreprises aux nouvelles. D'où viennent vos données ? Quelle a été votre méthode ?

Benjamin Born : Nous utilisons une enquête auprès des entreprises allemandes de l'ifo Institute for Economic Research basé à Munich, qui est une enquête bien connue et largement utilisée qui a été menée depuis 1949 et dont la conception a depuis été adoptée par des enquêtes dans le monde entier. Nos données couvrent la période d'avril 2004 à décembre 2019. Notre scénario de référence se concentre sur les attentes des entreprises concernant leur production au cours des trois prochains mois. Nous mesurons les nouvelles micro sur la base de la révision des prévisions, approximée par le changement des attentes de production telles que rapportées par les entreprises individuelles. Il est important de noter que les nouvelles peuvent refléter des développements spécifiques à une entreprise ou des changements dans l'économie globale. Nous isolons la composante micro en supprimant la composante de la révision des prévisions qui est commune à toutes les entreprises. Nous compilons les nouvelles macro, à leur tour, comme la composante surprise de l'indice ifo (un indicateur largement surveillé du cycle économique allemand), mesurée comme la différence entre la publication actuelle de l'indice et les prévisions du consensus Bloomberg pour l'indice, toutes deux disponibles en temps réel.

Vous constatez que les entreprises réagissent de manière excessive aux micro-informations et sous-réagissent aux macro-informations. Dans quelle mesure l'observation est-elle robuste ?

Nous effectuons une batterie de tests de robustesse qui aboutissent tous au même résultat : les entreprises réagissent de manière excessive aux micro-informations et sous-réagissent aux macro-informations. Par exemple, nous modifions la technique d'estimation statistique, modifions la définition des erreurs de prévision, n'utilisons que des sous-ensembles de révisions de prévision, isolons différemment la composante micro et modifions la définition des nouvelles macro. Enfin, nous vérifions que nos principaux résultats sont également valables pour les entreprises italiennes, sur la base de l'enquête de la Banca d'Italia sur l'inflation et les attentes de croissance.

Qu'est-ce qui peut expliquer le fait que les Entreprises surréagissent aux micro news et sous-réagissent aux macro news ?

Nous proposons une explication que nous appelons « illusion d'île (Island Illusion) » du côté des firmes : les firmes sous-estiment l'impact de la macroéconomie sur leur propre activité, elles pensent qu'elles sont sur une « île ». Cela a deux implications. D'abord, lorsqu'ils observent des nouvelles sur la situation économique nationale ou internationale (macro news), ils sous-réagissent parce qu'ils se sentent plus isolés de ces évolutions qu'eux-mêmes. Deuxièmement, lorsqu'ils reçoivent des informations (micro) spécifiques à une entreprise sur leur propre situation commerciale, ils sous-estiment la mesure dans laquelle d'autres entreprises peuvent être soumises à des évolutions similaires. En d'autres termes, des informations positives sur la situation spécifique à l'entreprise laissent les entreprises surestimer leur compétitivité relative ; leurs attentes sur-réagissent donc.

Le contexte global dans lequel la nouvelle est reçue change-t-il quelque chose à la réception ?

Oui en effet. Nous constatons que la sur-réaction et la sous-réaction aux nouvelles micro et macro ont été plus fortes lors de la crise financière de 2008/09. Notre interprétation de ce fait est que pendant une telle récession, la macroéconomie devient encore plus importante qu'elle ne l'est déjà. Les entreprises écoutent peut-être davantage les informations sur la situation économique générale pendant ces périodes, mais elles n'augmentent pas leur intérêt autant qu'elles le devraient : les sur-réactions et les sous-réactions deviennent plus importantes.

Cela signifie-t-il que les entreprises sont en partie irrationnelles face à l'actualité ?

Oui, aux yeux de notre modèle, les entreprises réagissent en partie de manière irrationnelle. Nous constatons qu'en moyenne, l'erreur de prévision des entreprises concernant leur propre production peut être partiellement prédite à l'aide des informations dont disposent les entreprises au moment où elles font les prévisions. Ceci est une indication contre les attentes rationnelles, car les entreprises pourraient utiliser ces informations elles-mêmes pour améliorer leurs prévisions et, par exemple, devenir plus rentables.

Quelles sont les implications politiques de votre travail ?

Une implication provisoire de notre analyse est que les développements macroéconomiques, y compris la récente poussée d'inflation, ont un impact sur les attentes des entreprises et, finalement, sur les décisions des entreprises plus lentement que ne le suggèrent les attentes rationnelles. Cela donne aux décideurs le temps d'agir en période de turbulences, mais limite également leur capacité à piloter rapidement l'économie en gérant les attentes.

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