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Les dessous de la superpuissance américaine : les deux talons d’Achille du géant
©Eric BARADAT / AFP

P3: American History X

Derrière l'image caricaturale transmise par Hollywood ou la propagande anti-américaine, retour en six étapes sur l'état réel de la superpuissance américaine. Troisième partie.

Xavier Raufer

Xavier Raufer

Xavier Raufer est un criminologue français, directeur des études au Département de recherches sur les menaces criminelles contemporaines à l'Université Paris II, et auteur de nombreux ouvrages sur le sujet. Dernier en date:  La criminalité organisée dans le chaos mondial : mafias, triades, cartels, clans. Il est directeur d'études, pôle sécurité-défense-criminologie du Conservatoire National des Arts et Métiers. 

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Un système dans lequel le pouvoir et l'argent se concentrent aux mains d'une petite minorité porte un nom : la ploutocratie.

Faits et données sur la ploutocratie américaine - 1 - les riches

En 1774 aux Etats-Unis, les 1% des revenus les plus élevés perçoivent 8,5% de la richesse annuelle ; en 2012, ils en perçoivent 19,3%.
En 1895, les 6% des Américains les plus riches possèdent 66% de la richesse nationale ; en 2017, les 10% les plus riches en possèdent 77%.
En 1980, En Europe comme aux Etats-Unis, les 1% les plus riches de la société possèdent environ 10% du revenu national ; En 2017, en Europe, les 1% du sommet en possèdent 12% ; aux Etats-Unis, 20%.
Fin 2017, les 400 citoyens américains les plus riches possèdent plus que les 61% du bas de la pyramide sociale du pays ; les 20 Américains les plus riches possèdent plus que 152 millions d'Américains les moins riches.
En 1979, les PDG des grands groupes gagnaient en moyenne 30 fois plus que leurs employés ; en 2013, 300 fois plus.

Il y avait en 2018 2208 milliardaires dans le monde. 25% d'entre eux sont Américains.

Et ces inégalités s'aggravent (Tax Policy Center) : suite aux lois fiscales de D. Trump en 2017, (baisse de l'impôt sur les sociétés de 35% à 20%), 90% des supplémentaires bénéfices distribués iront aux 20% des Américains les plus riches.

Aux Etats-Unis, les barrières de classe sociale sont bien plus rigides qu'au Canada, Australie et Japon : si vous y naissez dans les 20% les plus pauvres de la population, vous n'avez que 5% de chance d'accéder aux 20% les plus riches.

Fortune moyenne (en 2017) d'un membre du Congrès US : ± $1m. ; fortune moyenne d'un ménage américain : $56 335.

Faits et données sur la ploutocratie américaine - 2 - les classes moyennes

Ménage US (un ou deux salaires) : il doit gagner ± 100 000 par an pour être "à l'aise". Or 50% de la population du pays (dont 35 millions, des classes moyennes) estime ne pas gagner assez bien sa vie. 80% des salariés américains vivent de salaire en salaire, sans pouvoir affronter une dépense imprévue. Logement, alimentation, éducation, transport, téléphonie : les ménages modestes n'y arrivent pas ; de 2000 à 2014, revenu médian des classes moyennes : - 4% ; revenu médian des plus pauvres, - 9%. Cela fait des Etats-Unis le pays le plus inégalitaire de toute l'OCDE.

Faits et données sur la ploutocratie américaine - 3 - les pauvres

45 millions d'Américains vivent sous le seuil de pauvreté ; 43 millions (12%) ont un travail mais un revenu annuel de moins de $12 140. 1/3 de la population n'a pas d'économies du tout ; un autre tiers, moins de $1000 d'économies.

40% des Américains ne peuvent affronter une dépense imprévue de $400. 22% se disent incapables de payer leurs factures mensuelles ; 25%, de payer leurs dépenses médicales. 46m. d'Américains vont aux banques alimentaires (+30% de 2007 à 2017.)

"Tiers-monde interne" - 5 millions d'Américains vivent dans un état de "pauvreté absolue" (définition : pas assez à manger, pas d'accès aux systèmes de soins). 37% des Américains les plus pauvres s'estiment malheureux et sont les premières victimes de la dépression, des suicides et de la toxicomanie.

Enfin, le taux de mortalité infantile des Etats-Unis est le plus élevé des 20 pays les plus riches du monde.

- Racisme (le vrai) [1]

Automne 2018, 153 ans après la libération effective des esclaves à la fin de la Guerre de sécession et le début (lent, pénible) de leur intégration à la société blanche américaine. Un siècle et demi plus tard, les choses empirent. "Le racisme est un très grave problème", disent 39% des Américains en 2016. Ils sont 46% en 2018. Ainsi les Etats-Unis, mère de toutes les sociétés "multiculturelles" (lire : multiethniques), n'échappent pas à l'unanime règle : nulle de ces sociétés ne vit paisiblement, harmonieusement, sans contrainte. Soit c'est la poigne de fer (Singapour) ; soit la discorde - ou pire - prédomine. Et s'il le faut, l'élément discriminé met la main à la pâte, en un "racisme" sans début ni fin ; sans contenu, définition ou limite, devenu une boule puante à jeter sur tout un chacun, à sa fantaisie.

Un cadet afro-américain de l'académie de l'US Air Force de Colorado Springs s'y trouve (sans doute) mal à l'aise ? En novembre 2017, il griffonne "Go Home Nigger" (pas besoin de traduire) sur sa porte, déchaînant un tumulte national. Le général commandant l'académie tonne, les médias tempêtent. Silence gêné ensuite, quand l'auteur du graffiti est découvert.

Mais bien sûr, ces tempêtes médiatiques ne s'élèvent que dans un climat favorable et sur un sol propice. Car 153 ans après la reddition du général Robert E. Lee, la misère, l'injustice, l'éducation bâclée, le chômage, le crime et les homicides, sont encore trop souvent le lot des Afro-américains. Les études, analyses, statistiques ethniques étant licites aux Etats-Unis, en voici une récente de la Federal Reserve Bank de St-Louis,

Miss., à stricte base raciale : en moyenne, les jeunes Blancs en échec universitaire ont une fortune trois fois supérieure à celle des jeunes Noirs diplômés d'études supérieures.

Héritage d'une famille blanche : ± $ 150 000 en moyenne,

Héritage d'une famille noire : ± $ 40 000 en moyenne,

Fam. blanche, niveau études sup. : 41% perçoivent un héritage de $ 110 000 ou plus,

Fam. noire, niveau études sup. : 13% perçoivent un héritage de $ 110 000 ou plus.

Au fil des décennies, pour l'essentiel, nulle amélioration nationale, durable et réelle n'est ici constatable.


[1]The Week - 22/10/2018 "Americans are far less concerned about terrorism and jobs than they were two years ago" - RT - 13/08/2018 "This state and constitution are't made for us - RT Doco follows African-American activists - Daily Mail - 23/07/2017 "White High school dropouts three times wealthier than educated blacks" - New York Times - 20/06/2018 "Fewer births than deaths among whites in majority of US states" - Le Monde - 10/11/2017 "Scandale du tag raciste dans une école de l'US Air Force : une des victimes en était l'auteur"

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