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“Le travail superficiel” nuit à la productivité
©AFP - THIBAUD VAERMAN / HANS LUCAS

Perte de productivité

Une étude a révélé une grande ironie au sujet des outils de productivité comme Slack, Gmail et Microsoft Teams : le fait de consulter constamment ces outils peut rendre les travailleurs moins productifs

Caroline Diard

Caroline Diard

Caroline Diard est professeur associé au département Droit des Affaires et Ressources Humaines à la Toulouse Business School.

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Atlantico : Un outil de productivité au travail, RescueTime, a publié une analyse sur le rapport des « travailleurs du savoir » aux outils collaboratifs instantanés. Quelle est la méthodologie et quelles sont les conclusions ?

Caroline Diard : Il montre que les « travailleurs du savoir », c’est-à-dire les rédacteurs, les concepteurs, les développeurs et les chefs de projet, qui utilisent ces outils comme Slack, Microsoft Teams et Gmail, ne peuvent pas rester plus de six minutes sans les consulter, ce qui limite leur concentration. Ce sont 35 % qui déclare devoir s’interrompre toutes les trois minutes et 19 % au bout de 20 minutes. 

Pourquoi dans ce cas, y’a-t-il un tel usage de ces outils ?

Les outils collaboratifs permettent une centralisation des informations, (fil de conversations instantanées, documents partagés, suivis de tâches..). Ce sont comme des tableaux de bords, qui sont très pratiques, et permettent une très bonne traçabilité. C’est justement, ce qui est vendu par l’éditeur. L’idée est de rendre plus productif le collectif de travail.

Malheureusement, nous sommes dans une société de l’hyper-connectivité, aggravée par le contexte professionnel qui appelle à être en mode synchrone sur plusieurs tâches et à être alerte et réactif aux messages. 

Il ne faut cependant pas voir cette injonction technologique comme du harcèlement systématique.

En effet, il y a d’un côté le manager qui souhaite utiliser ces outils pour être réactif et travailler en équipe et doper la performance. De l’autre le salarié qui, sans être dans un comportement malsain, d’aliénation numérique, craint de manquer une information et de ne pas répondre assez vite. Les collaborateurs ont pris l’habitude de travailler « en flux tendu » avec l’utilisation des e-mails. Avec les plateformes collaboratives, les « chats », les délais de réponse sont raccourcis ce qui créent des attentes énormes. Les interlocuteurs sont supposés répondre quasiment instantanément, ce qui peut créer de l’agacement ou de la frustration si ce n’est pas le cas.

Quels sont les domaines les plus touchés ?

Il y a une hyper-sollicitation avec ces outils, particulièrement en audit / conseil, où les jeunes qui maîtrisent bien ces outils sont légion. Ce sont des métiers où le rythme de travail est très soutenu, et où le travail en équipe est omniprésent. L’usage des outils Teams ou Slack sont donc fréquents. Dans beaucoup d’activités les collaborateurs peuvent ainsi être mis sous pression par leur manager, avec ces outils. Ils sont donc tentés essayer de répondre au mieux à leurs attentes, quelle que soit l’heure, y compris le week-end et pendant les congés.

Y’a-t-il une volonté, une prise de conscience de cette déperdition de productivité ?

Oui, on observe même un regret des travailleurs d’avoir répondu dans la précipitation à cause des fautes d’écriture ou d’erreur de destinataire. L’injonction de la réponse instantanée peut conduire à des comportements addictifs de sur-connexion.

Comment sortir de cette situation ? Faut-il cesser leur usage, le limiter, ou réformer les logiciels ?

Aujourd’hui, il existe déjà des Chartes de déconnexion, (le droit à la déconnexion est d’ailleurs inscrit dans le code du travail) en entreprise, qui organisent l’accès à ces logiciels collaboratifs ou aux mails jusqu’à une certaine heure. De surcroît, certaines entreprises proposent déjà la programmation de mails en différé, pour communiquer les informations à des « heures ouvrées », et ainsi garantir les temps de repos.

Par ailleurs, il conviendrait d’effectuer un codage des messages ou tâches urgents (cela peut déjà se faire actuellement avec des icones, couleur), en signifiant un ordre préférentiel de réalisation (et cela je ne pense pas que cela existe).

En tant qu’ancienne DRH, j’ai eu un certain nombre de témoignages de personnes avec des problèmes de concentration au travail, notamment des chercheurs, qui s’isolent quelques heures pour ne pas être dérangés et travailler sur la rédaction de rapport, notes de synthèses, résultats d’expérience.

Il convient pour les managers comme pour les collaborateurs de ne pas forcément attendre des réponses dans l’instant. Le manager devrait être vigilant quant à l’usage de ces outils et ne pas en abuser hors du temps de travail.

Il y a donc un travail à faire du côté des éditeurs et des professionnels qui utilisent ces outils, tant le manager qui donne ses directives, que l’employé et son rapport à ces outils. Comme pour d’autres addictions, l’hyperconnectivité doit faire l’objet d’information et de prévention !

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