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Le robot Philae ne répond plus... mais a-t-il au moins rempli sa mission ?
©Reuters

Friture sur la ligne

A moins d'une surprise Philae ne devrait plus donner de nouvelles. La mission du robot s'est donc terminée plus tôt que prévu puisqu'elle devait durer jusqu'à fin 2016. Pourtant, si l'on peut croire à un échec, les scientifiques ne partagent pas cet avis.

Philippe Lamy

Philippe Lamy est astrophysicien et chercheur émérite au CNRS. Il a été l'un des concepteurs de la mission Rosetta.

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Atlantico : Philae ne donne plus aucun signe de vie. D'après les scientifiques les chances qu'il rétablisse le contact sont minimes. Comment peut-on être sûr que le robot ne sera plus d'aucune utilité ?

Philippe Lamy : Le responsable de Philae à Toulouse au SONC (Scientific Operation Navigation Center) et moi avons fait le point là-dessus lundi après-midi. Après une période de silence, une transmission partielle de données a été établie en juin 2015 sans une véritable reprise des opérations scientifiques. Le 9 juillet la dernière communication a été rétablie de même qu'un essai de transmission radar, mais qui n'a pas donné de résultat. En décembre deux sursauts non significatifs d'une durée inférieure à 3 minutes ont eu lieu. L'espoir de reprendre contact de façon durable et exploitable avec Philae s'amenuise de plus en plus. La comète s'éloigne du soleil ce qui a pour conséquence de diminuer l'approvisionnement en énergie de Philae. Le point positif est que Rosetta va se rapprocher petit à petit, ce qui devrait faciliter la communication mais il est très peu probable qu'il y ait de nouvelles expériences menées.

Après un atterrissage raté l'année dernière, le robot n'a été actif que pendant 60 heures. Qu'a pu nous apporter Philae en aussi peu de temps ? Cette courte durée de travail ne représente-t-elle pas un échec ?

Nous pouvons parler d'un verre à moitié vide ou à moitié plein. L'objectif de carottage de la surface n'a pas été atteint. Une seule partie des expériences a donné des résultats même si les 60 heures de fonctionnement avec la transmission d'informations a été possible. Lors du premier contact avec le site nominal, la caméra a permis de caractériser la surface locale à l'échelle du centimètre. Les auteurs ont mis en évidence un effet d'érosion éolienne avec le gaz qui soufflerait le gravier. Contrairement à la Terre, la gravité étant très faible il est bien plus aisé de déplacer du gravier que sur notre planète.

Sur le site principal où Philae a finalement atterri, elle a pu faire un demi-panorama. Nous estimons qu'elle est en parti couchée sur le flan. Une caméra voit le ciel évidemment. 2 ou 3 caméras voient des rochers environnants. Certaines se sont retrouvées à photographier le sol ce qui n'avait pas réellement d'intérêt. Philae a atterri sur un terrain très rugueux et extrêmement fracturé en raison des chocs thermiques liés à la différence de température entre la nuit froide et la journée ensoleillée et chaude. Ces chocs thermiques entrainent donc la rupture des rochers.

Philae n'a néanmoins pas découvert de champ magnétique. Les auteurs de l'étude ont découvert qu'il n'y avait aucune influence d'éléments magnétiques lors des phénomènes d'agglomération dans la nébuleuse protoplanétaire. L'expérience a été intéressante puisqu'elle a permis de déterminer les différents rebonds qui ont conduit Philae sur son site final pour reconstituer la trajectoire.

L'expérience dont l'objectif était la caractérisation thermique et mécanique de la surface a montré que la comète avait des propriétés thermiques tout à fait conformes au modèle. La résistance mécanique était plus importante sur le premier site que sur le deuxième puisque nous estimons que l'épaisseur de gravier allait d'une vingtaine de centimètres jusqu'à 1 mètre, voire plus. Sur le deuxième site plus rugueux les responsables ont estimé que la porosité locale était très faible de l'ordre de 30 à 60%.

La composition de la fraction volatile de la matière, les expériences ayant été menées par spectroscopie de masse, a apporté des résultats essentiels. En effet deux expériences du nom de Cosac et Ptolemy ont été menées. Cosac a détecté 16 composants organiques, or c'était l'un des objectifs de Philae de caractériser la matière organique. 4 n'avaient pas été détectés. Cosac et Ptolemy ont montré une absence de souffre sur la comète.

L'expérience la plus probante a été celle du sondage radar du noyau par transmission entre Philae et Rosetta. Le sondage a permis d'analyser la profondeur du noyau de quelques dizaines de mètres pour déterminer la porosité du noyau élevée dans les 50 premiers mètres et moindre en profondeur. D'autres résultats peuvent sortir mais aucun spectaculaire a priori.

Rosetta, quant à elle, est toujours active. Les scientifiques estiment-ils qu'elle pourrait encore nous apporter des données supplémentaires ? Enfin, la mission devait initialement durer jusqu'à fin 2016. Aujourd'hui arrêtée, son coût n'était-il pas trop important en comparaison avec les résultats qu'elle a donnés ?

Les opérations sont prévues jusqu'en septembre 2016. Des contraintes opérationnelles existent telles que l'éloignement qui réduit la puissance disponible à bord. De nombreux instruments n'ont également plus raison d'être. Ils ne donneront plus d'informations significatives avant septembre prochain. En matière d'imagerie nous allons refaire une cartographie puisque Rosetta se rapproche du noyau. L'essentiel a été fait. Le bon compromis a été trouvé entre le coût des opérations et les données scientifiques. Aller au-delà de ce qui a été fait ne serait pas nécessairement intéressant scientifiquement. Le fait qu'elle se rapproche de plus en plus du noyau pour éventuellement se poser en douceur pourrait être utile. Nous avons intérêt à tenter cet atterrissage puisque Rosetta peut encore transmettre des informations intéressantes sur Terre.

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