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Le plus glamour des cas cliniques : Mariah Carey et son combat contre les troubles bipolaires
©KEVIN WINTER / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP

Bonnes feuilles

Jean-Victor Blanc a publié "Pop & psy, comment la pop culture nous aide à mieux comprendre les troubles psychiques" aux éditions Plon. La représentation des troubles mentaux est généralement erronée et paradoxale. Fréquemment abordée, la maladie mentale reste pourtant mal comprise. Extrait 1/2.

Jean-Victor Blanc

Jean-Victor Blanc

Médecin psychiatre à l'hôpital Saint Antoine à Paris, Jean-Victor Blanc s'y occupe (entre autres) des addictions de la génération millennials et des patients atteints de troubles bipolaires. Passionné de Pop culture, il en a fait un sujet de conférences " Culture Pop et Psychiatrie " visant à diminuer le stigma entourant les troubles psychiques.

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En avril 2018, la diva Mariah Carey révèle en couverture du magazine américain People son « combat contre le trouble bipolaire ». L’interview développe les difficultés auxquelles elle a été confrontée avant de retrouver un équilibre. Et, breaking news, ce sont les mêmes que tous les patients atteints de trouble bipolaire, même quand ils n’ont pas vendu 200 millions d’albums. Les troubles bipolaires concernent entre 1 % et 5 % de la population générale, que l’on soit à New York (aux États-Unis), Paris (en Europe) ou Hong Kong (en Asie). 

Les propos de l’iconique diva vont permettre ici d’illustrer les hauts et les bas de la maladie bipolaire. 

Les symptômes 

« Il ne s’agissait pas d’une insomnie normale, je n’étais pas allongée là à compter les moutons. Je travaillais, travaillais, travaillais. Je pensais que travailler et faire de la promotion pendant plusieurs jours d’affilée, sans dormir, faisait juste partie de ma vie. J’étais irritable et j’avais constamment peur de décevoir les gens. En fait, je vivais une forme de manie. Puis, après un certain temps, je m’effondrais. Je pense que mes épisodes dépressifs étaient caractérisés par un manque d’énergie. Je me sentais tellement fatiguée, seule et triste – voire coupable de ne pas faire ce que j’aurais dû faire pour ma carrière. » 

Le trouble bipolaire se caractérise ainsi par des phases dites « maniaques ». Elles n’ont rien à voir avec le sens commun, qui en français renvoie à un goût extrême pour la propreté, l’ordre ou les habitudes. Le terme médical désigne des phases d’excitation et d’hyperactivité qui durent au moins une semaine (voir « Épisode maniaque, p. 35). 

Ces phases sont parfois très plaisantes pour les patients, qui ont alors une estime d’eux-mêmes et une énergie augmentées. Elles peuvent aussi être caractérisées, comme le dit Mariah Carey dans l’interview, par de l’irritabilité. Il y a dans ces phases une réduction du besoin de temps de sommeil, allant parfois jusqu’à l’insomnie complète, sans fatigue, avec des nuits qui peuvent alors être consacrées à travailler, chanter, écrire, faire la fête ou le ménage. Ces phases entraînent parfois des troubles du comportement. Des mises en danger physiques, des dépenses inconsidérées, des disputes, des rapports sexuels à risque, des usages de substances psychoactives ou des infractions sont alors fréquents. Lorsque les phases d’excitation sont d’intensité moindre, on parle alors de phases hypomaniaques. Quand il y a au moins une phase maniaque (intense), il s’agit d’un trouble bipolaire de type I, quand il n’y a que des phases hypomaniaques, de type II (voir « Watch Your Mouth », p. 36). 

Comme le nom « bipolaire » l’indique, la maladie est caractérisée par des épisodes dépressifs en alternance des phases d’excitation. Ce sont souvent eux qui amènent les patients à consulter. Ils s’identifient par une rupture du comportement habituel de la personne pendant au moins quinze jours, avec une humeur triste ou un déficit d’émotions positives, ainsi que des symptômes associés comme un trouble de la concentration, du sommeil ou de l’appétit, et une grande fatigue (voir chapitre 2, p. 39). 

Le retard diagnostic 

« J’ai été soignée pour dépression, anxiété et troubles du sommeil. À ce stade de ma vie, je n’ai pas envie d’accuser qui que ce soit. C’est négatif, et c’est de l’histoire ancienne. » 

Si l’apaisement et l’absence de revendication de l’auteure du cultissime « All I Want For Christmas Is You » sont remarquables, ils pointent là encore une réalité scientifique  : il y a en moyenne dix ans de retard entre les premiers symptômes de bipolarité et le diagnostic. Cela s’explique en partie par le fait que le trouble bipolaire commence souvent par un épisode dépressif et non une phase d’excitation –  qui elle seule permet de faire le diagnostic. Aussi, les formes d’excitation moins intenses (hypomanie) peuvent être vécues comme plaisantes, et n’entraînent pas de demande de soins. Enfin, la méconnaissance de certains médecins envers ce trouble explique pour une partie le retard diagnostic. C’est dramatique, car ce délai dans la prise en charge est une cause majeure de handicap. Mariah semblait avoir trouvé le moyen d’enregistrer des hits toute la nuit, tant mieux pour nous. Pour les patients non soignés et non diagnostiqués, cela peut avoir des conséquences autrement plus tragiques : isolement par épuisement des proches, carrière qui déraille ou développement d’une dépendance pour ceux qui « s’automédiquent » à coup de champagne ou autres substances.

Le déni initial et la stigmatisation 

« J’ai été diagnostiquée pour la première fois lors de mon hospitalisation, en 2001. Je n’y croyais pas. Je ne voulais pas y croire. Je ne voulais pas porter la stigmatisation d’une maladie à vie, qui me définirait et mettrait potentiellement fin à ma carrière. » 

Souvent, l’annonce du diagnostic est difficile. La plupart du temps, ce n’est pas l’incrédulité face au diagnostic qui fait entrave, mais la crainte de la discrimination liée au trouble psychique. C’est ce qui rend impossible de le partager au travail par exemple. Même dans le cadre restreint de la vie intime, les préjugés exposent fréquemment les patients à des incompréhensions et des attitudes négatives de la part de l’entourage. La plupart des personnes atteintes s’imposent donc de cacher leur maladie, mais aussi les soins, car ils jugent, parfois à raison, que cela aurait des conséquences dommageables pour leur carrière. Les mésusages du mot « bipolaire » sont ainsi pénibles pour les patients. Entendre à la machine à café « un jour je prends du thé, un autre jour du café, je suis vraiment bipolaire » le premier jour de reprise du travail pour une patiente arrêtée plusieurs semaines pour une décompensation dépressive de son trouble bipolaire est au mieux risible, sinon accablant. 

Le traitement 

« Il y a plein de manières différentes [de se soigner]. […] Je fais de l’exercice, de l’acupuncture, je mange sainement, je passe du temps avec mes enfants et je fais ce que j’aime. […] Je prends en fait des médicaments qui me semblent plutôt très bien. Ils ne me rendent pas trop fatiguée, ni ralentie ou quelque chose comme ça. Le plus important est de trouver le juste équilibre. »

Dans le contexte de défiance dans lequel sont pris les traitements psychotropes (voir chapitre 4, p.  63), là encore, la diva aux cinq octaves évoque simplement, et avec un certain courage, son rapport au traitement et à ce qui l’a aidée. La prise en charge du trouble bipolaire nécessite presque systématiquement un traitement médicamenteux, de type régulateur de l’humeur. Son objectif est le traitement des épisodes maniaques et dépressifs, mais aussi et surtout la prévention de la rechute. Le plus connu, et le plus ancien (né en 1971, comme Jared Leto et Shannen Doherty), est le lithium. Mais certains antiépileptiques (médicament pour l’épilepsie) ou antipsychotiques (voir chapitre  7, p.  97) sont également utilisés pour réguler l’humeur. À cela s’ajoute une prise en charge en psychothérapie, notamment psychoéducation du patient à son trouble. L’objectif est que les patients acquièrent le maximum de savoirs sur le trouble, leur traitement et des conseils sur le style de vie pour que ce dernier prenne le moins de place possible dans leurs vies. Par exemple, éviter l’irrégularité ou le manque de sommeil, tout comme les drogues, permet d’échapper à beaucoup de rechutes. Des psychothérapies ciblées, comme la thérapie cognitivo-comportementale ou la thérapie interpersonnelle et l’aménagement des rythmes sociaux (TIPARS) ont également montré leur efficacité.

Extrait du livre de Jean-Victor Blanc, "Pop & psy, comment la pop culture nous aide à mieux comprendre les troubles psychiques", publié aux éditions Plon

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