Le mystère de l’affaiblissement de l’éclat de Bételgeuse a enfin été résolu<!-- --> | Atlantico.fr
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La surface de Bételgeuse avant et durant sa grande diminution d'intensité lumineuse de 2019-2020.
La surface de Bételgeuse avant et durant sa grande diminution d'intensité lumineuse de 2019-2020.
©DR / ESO / European Southern Observatory

Important déclin

Bételgeuse, une étoile de la constellation d'Orion, est devenue beaucoup moins lumineuse à la fin de l'année 2019. Des chercheurs viennent de publier des images inédites et de dévoiler de nouveaux travaux sur la surface de l'étoile. Bételgeuse était partiellement cachée par un phénomène particulier.

Olivier Sanguy

Olivier Sanguy

Olivier Sanguy est spécialiste de l’astronautique et rédacteur en chef du site d’actualités spatiales de la Cité de l’espace à Toulouse.

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Atlantico : En décembre 2019,les astronomes ont remarqué une atténuation étrange et une baisse importante de la lumière de Bételgeuse, une étoile dans la constellation d'Orion. Ils se sont demandés s'il ne s'agissait pas d'un signe laissant à penser que l'étoile était sur le point de devenir une supernova. Que nous révèlent les découvertes scientifiques publiées dans Nature sur le mystère de la gradation de Bételgeuse ? La poussière et l'apparition brève d'un point froid à sa surface sont-elles à l'origine du phénomène ?

Olivier Sanguy : C’est en effet l’hypothèse qui résulte des travaux d’une équipe dirigée par Miguel Montargès du LESIA à l’Observatoire de Paris. Pour bien comprendre, rappelons que Bételgeuse est une étoile bien plus grande que notre Soleil. À environ 700 années-lumière de nous, il s’agit d’une supergéante rouge dont le diamètre est mille fois grand que celui du Soleil. Comme toutes les étoiles de grande taille, sa vie est relativement courte. Les astronomes estiment qu’après quelques millions d’années d’activité, elle en est au stade où elle va devenir une supernova. Bételgeuse connaîtra alors une augmentation spectaculaire de sa luminosité au point d’être visible en plein jour ! Paradoxalement, un tel événement peut se précéder d’une chute d’éclat et c’est pourquoi cette hypothèse a été avancée.

Selon l'équipe de l'ESO, une bulle de gaz aurait été éjectée et poussée plus loin par la pulsation extérieure de l'étoile. Lorsqu'une zone froide due à la convection est apparue à la surface, la baisse de température locale était suffisante pour condenser les éléments les plus lourds (comme le silicium) en poussière solide, formant un voile poussiéreux qui masquait la luminosité de l'étoile dans son hémisphère sud. Selon les astronomes, une expulsion similaire de poussière d'étoiles froides pourrait finir par devenir des éléments constitutifs des planètes. Est-ce une hypothèse crédible ?

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Olivier Sanguy : On parle ici d’une vingtaine de personnes à travers le monde qui œuvrent au sein d’institutions reconnues en France, en Allemagne, au Royaume-Uni, aux USA, au Chili, etc. De plus, Miguel Montargès qui est à la tête de cette étude a abordé pour sa thèse présentée en 2014 un sujet parfaitement en phase : «Perte de masse des étoiles massives évoluées». Pour leur enquête sur la baisse de luminosité de Bételgeuse, cette équipe a eu accès au Very Large Telescope (VLT) de l’European Southern Observatory (ESO). Situé au Chili afin de bénéficier des conditions exceptionnelles du désert de l’Atacama en matière d’observation du ciel (climat aride, pas de pollution lumineuse, etc.), le VLT est une installation européenne dotée de 4 télescopes géants de 8,2 m de diamètre équipés d’instruments de pointe. C’est d’ailleurs SPHERE (Spectro-Polarimetric High-contrast Exoplanet REsearch) qui a été mis à contribution afin d’obtenir une image de la surface de Bételgeuse permettant de détecter le voile de poussière qui cachait en partie l’étoile. Derrière ce travail scientifique, il y a donc aussi une extraordinaire technologie et le savoir-faire associé à son utilisation. Un autre instrument, GRAVITY (General Relativity Analysis via Vlt InTerferometrY) qui combine la lumière de plusieurs télescopes au VLT a été employé pour suivre l’évolution de la luminosité de Bételgeuse. Je le souligne ici, car on met souvent en avant les télescopes, impressionnants par leur taille, et on néglige du coup l’importance des instruments derrière et des personnes sachant les faire fonctionner. Le télescope, c’est un peu l’optique d’un appareil photo et les instruments le capteur électronique qui saisit l’image. Les deux sont indispensables. Avec les données récoltées par le VLT et ses instruments, l’équipe de Montargès a pu montrer que la baisse de luminosité de Bételgeuse n’annonce pas sa «mort» imminente, mais s’explique par ce nuage de poussière.

Quels sont les principaux enseignements scientifiques et techniques suite à cette découverte pour l'observation d'autres étoiles massives et pour percer d'autres mystères dans l'espace  ?

Olivier Sanguy : Techniquement, on constate les performances d’instruments comme SPHERE capables de discerner des détails à la surface d’une étoile située à plusieurs centaines d’années-lumière. Cela n’est possible que s’il y a une volonté politique pour que les filières universitaires et industrielles nécessaires à ce type de réalisations existent. Côté science, il y a tout d’abord la compréhension générale du fonctionnement des étoiles qui a des ramifications dans la physique. Toutefois, en ce qui concerne les étoiles massives comme Bételgeuse, s’ajoute leur contribution à la formation de nouvelles planètes et même, en un sens, l’apparition du vivant (j'adresse ici la fin de votre question précédente). Les atomes qui nous constituent, qui sont classifiés éléments lourds, n’existaient pas lors du Big Bang. Ils ont été forgés dans le coeur en fusion des étoiles. Certains se forment même à l’occasion d’une «mort» de type supernova d’une étoile massive. Ces éléments lourds sont ensuite dispersés puis enrichissent des nuages interstellaires qui, en s’effondrant, donneront naissance à d’autres étoiles. Là, les éléments lourds constitueront des briques pour la formation de planètes et éventuellement l’apparition du vivant. C’est pourquoi on dit que nous sommes des poussières d’étoiles. Ce n’est pas qu’une vision poétique !

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