Le Covid-19 est toujours là, pas les leçons que nous aurions dû en tirer<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Santé
Une pharmacie à Ajaccio, le 5 octobre 2023
Une pharmacie à Ajaccio, le 5 octobre 2023
©Photo by Pascal POCHARD-CASABIANCA / AFP

Renoncement

Avec le recul, toutes les leçons ont-elles été tirées sur le Covid-19 ?

Antoine Flahault

Antoine Flahault

 Antoine Flahault, est médecin, épidémiologiste, professeur de santé publique, directeur de l’Institut de Santé Globale, à la Faculté de Médecine de l’Université de Genève. Il a fondé et dirigé l’Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique (Rennes, France), a été co-directeur du Centre Virchow-Villermé à la Faculté de Médecine de l’Université de Paris, à l’Hôtel-Dieu. Il est membre correspondant de l’Académie Nationale de Médecine. 

 

Voir la bio »

Atlantico : Quelles sont les grandes leçons apportées / tirées avec le recul sur le Covid long, sur les formes graves du Covid et surune potentielle surmortalité liée au Covid ? Quelles sont les principales données par pays concernant le nombre de morts par million d'habitants ?

Antoine Flahault : De nombreuses leçons vont être apportées par l’événement exceptionnel et inédit qu’a constituée la pandémie de Covid mais toutes n’ont certainement pas encore été tirées. Tirons ici un premier bilan rapide :

- Sur le plan de la veille sanitaire déjà, nous avons appris par exemple de la surveillance des eaux usées. Elle avait été promue de manière assez visionnaire au début de la pandémie par une association d’ingénieurs français (Obépine). Elle est désormais répandue dans de nombreux pays. Ce n’est pas une méthode nouvelle, car l’OMS la préconise de longue date pour la surveillance de la poliomyélite, mais elle s’avère dans le domaine des virus respiratoires (grippe, Covid, VRS) également très performante, fiable et peu coûteuse.

- Sur le plan de la prévention, on se rend compte que le vaccin ne parvient pas aujourd’hui à éradiquer le virus comme le vaccin avait réussi à nous débarrasser de la variole, et que le vaccin pourrait permettre l’éradication de la poliomyélite et de la rougeole. C’est sans doute une déception concernant le Covid mais c’est loin d’être une surprise car on sait que ni la grippe, ni le choléra, ni la fièvre jaune ou la dengue non plus n’ont été éradiquées par le vaccin. 

-  L’exemple du choléra est peut-être le plus proche de celui du Covid à 150 ans d’écart. En effet le choléra était une pandémie qui ravageait le monde et notamment l’Europe au milieu du XIXème siècle encore. Or c’est le développement et l’assainissement de l’adduction de l’eau potable et non le vaccin qui a permis de s’en débarrasser durablement en Occident. Le vaccin est venu beaucoup plus tard parachever le travail et aujourd’hui le choléra reste une maladie du sous-développement. Peut-être, si le vaccin avait été disponible en 1850, aurait-il ralenti les investissements pour l’assainissement de l’eau réalisés dans les métropoles occidentales ? De même, le vaccin contre le Covid ne réussit pas davantage que celui de la grippe à nous en débarrasser mais ralentit peut-être les investissements actuels qui seraient nécessaires pour l’assainissement de l’air intérieur et qui pourraient parvenir à en éliminer l’impact sur nos sociétés. On a appris de la pandémie de Covid que les virus respiratoires sont essentiellement transmis par voie aérosol en lieux clos, bondés et mal ventilés. On a aussi appris que les écoles étaient l’un des hauts lieux de transmission de ces virus et qu’une meilleure ventilation est une très grande priorité.

À Lire Aussi

Les marges des entreprises, sources majeures de l’inflation ? Cette étude australienne prouve que…

- Sur le Covid long, on est encore loin d’avoir tiré toutes les leçons. Des recherches sont encore nécessaires tant pour répertorier les dégâts causés à long terme par le coronavirus que pour découvrir les moyens optimaux de prévention et de traitements de ces symptômes persistants du Covid.

- Les formes graves de Covid ont pratiquement disparu avec le vaccin. Un peu comme avec la grippe, on se rend compte que le vaccin protège efficacement contre les formes sévères de la maladie et notamment élimine en quasi-totalité les syndromes de détresse respiratoire aiguë qui survenaient avant le déploiement du vaccin et que l’on n’observe quasiment plus désormais. On a pu croire que cette évolution était entièrement due à la moindre virulence d’Omicron et ses sous-variants mais l’expérience chinoise, à commencer par celle de Hong Kong, a démontré le contraire. Ils ont en effet connu tour à tour une véritable hécatombe avec le variant Omicron du SARS-COV-2 à la levée de leurs restrictions sanitaires en 2022 (et début 2023 pour la Chine continentale) alors que leur population âgée était insuffisamment vaccinée.

- La surmortalité par Covid fait évidemment l’objet d’une grande imprécision. D’une part parce que de nombreux pays n’ont pas de systèmes précis de décompte de leur mortalité, comme c’est le cas de 50% des pays les plus pauvres de la planète et d’autre part, même en Europe on est loin de tester toutes les personnes qui décèdent pour savoir si elles étaient infectées par le virus au moment de leur décès. Par ailleurs, mourir avec le Covid ne signifie pas nécessairement mourir du Covid. C’est ainsi que les démographes et les épidémiologistes ont créé le concept de la “surmortalité” ou encore de “mortalité en excès”. Il faut pour cela disposer des données de mortalité de toutes causes sur une période assez longue, précédant notamment la pandémie. On calcule alors l’excédent de mortalité. Il est bien sûr audacieux de le rapporter entièrement à la pandémie, d’autres causes pouvant avoir entraîné un excès de mortalité dans certains endroits du globe, des conflits armés, mais aussi des catastrophes naturelles, des canicules ou d’autres conséquences du changement climatique. Il convient aussi de tenir compte du vieillissement naturel de la population mondiale mais cela les méthodologistes savent faire. Ils savent aussi redresser les données de mortalité brutes venant des pays les plus pauvres mais avec une forte marge d’incertitude. Ainsi, durant les trois premières années de la pandémie l’excès de mortalité donne une approximation certes imprécise mais intéressante de l’impact direct et indirect de la pandémie. Les estimations actuelles portent à 27 millions le nombre de décès attribuables à la pandémie de Covid-19 depuis 2020, avec une fourchette d’imprécision allant de 18 à 33 millions, alors que le nombre de décès par Covid rapportés à l’OMS à ce jour est de 7 millions (toutes les données par pays, y compris par million d’habitants disponibles sur https://ourworldindata.org/covid-deaths)

À Lire Aussi

Voilà pourquoi le mystère de la « nouvelle » pneumonie qui fait peur n’en est pas un

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !