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Le GHB est souvent glissé dans des verres lors de soirées.
Le GHB est souvent glissé dans des verres lors de soirées.
©SPENCER PLATT / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / Getty Images via AFP

Inquiétant

Différents faits divers ont révélé que l’administration de drogue comme le GHB ou les tranquillisants afin de faciliter les abus sexuels a aussi investi la sphère privée et familiale sans que les médecins y soient sensibilisés.

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet est médecin des hôpitaux au CHU (Hôpitaux universitaires) de Strasbourg, chargé d'enseignement à l'Université de Strasbourg et conférencier.

 

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Atlantico : De multiples faits divers impliquant la soumission chimique sont relatés ces derniers temps. Que signifie concrètement ce terme de soumission chimique ?

Stéphane Gayet : La soumission chimique désigne le fait d’être soumis à une personne en raison de l’emprise d’une substance chimique. La soumission chimique est rarement un acte volontaire de la personne soumise chimiquement. Elle est le plus souvent opérée malgré elle. En ce sens, elle diffère de l’hypnose consentie qui est un état de conscience modifiée au cours duquel il y a un acteur hypnotiseur et un acteur hypnotisé en principe volontaire.

La soumission chimique délictueuse et même criminelle connaît depuis au moins une dizaine d’années, un développement certain lié aux progrès pharmacologiques tant thérapeutiques que récréatifs. Le domaine des substances psychoactives est aujourd’hui considérable. A côté des dérivés de produits naturels comme l’opium (morphine…) et le cannabis (cannabidiol…) dont on fait un usage thérapeutique énorme en raison de services rendus phénoménaux, les médicaments psychotropes d’une façon générale ont connu un formidable développement depuis une trentaine d’années du fait de besoins gigantesques dans les domaines de l’anxiété, des troubles du sommeil, des difficultés de l’attention et de la concentration, de la dépression, des troubles bipolaires, de la schizophrénie, des psychoses délirantes et autres pathologies psychiatriques devenues malheureusement fréquentes. Cette augmentation de la fréquence des troubles du comportement connaît des causes toxiques, sociétales, médicamenteuses mais aussi infectieuses.

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Dès lors, devant la découverte de puissances propriétés stupéfiantes, aliénantes et hypnotiques de substances psychotropes, notamment en association, des prédateurs sexuels agissant seuls ou en bande organisée, utilisent ces produits, soit dans le cadre d’une soirée ou d’une nuit, soit dans celui d’un enlèvement crapuleux.

Pour les victimes, comment se traduit ce phénomène ? En ont-elles conscience ? Y-a-t-il des symptômes identifiables ?

Lorsque ces produits sont fortement dosés et habilement employés, ils peuvent agir si puissamment et brutalement que la victime est terrassée par l’effet pharmacologique. Il s’agit généralement d’une poudre versée dans un verre en quelques secondes, profitant d’un instant de distraction de la future victime. Il va sans dire que ce sont principalement des femmes qui sont ciblées par ces procédés. Après ingestion du produit, la victime éprouve un mal de tête, un étourdissement, une sensation de malaise général et de confusion mentale, un affaiblissement musculaire, une envie subite de dormir et un besoin de s’allonger ou au moins de s’asseoir. Cela ressemble un peu à la sensation que l’on éprouve quand on initie une anesthésie générale.

Lorsque ces symptômes surviennent, il est presque toujours trop tard pour la personne ciblée. Elle n’a plus les ressources physiques ni mentales nécessaires pour réagir et crier ou s’enfuir. Elle se rend compte qu’elle est droguée, mais ne peut plus échapper à la soumission chimique. Selon les produits utilisés, il pourra y avoir, à distance de l’épisode, une amnésie partielle (oubli) ou parfois presque complète de l’événement. Il peut arriver que l’effet soit si brutal que la personne ainsi droguée ne puisse plus se tenir sur ses jambes et s’écroule ; mais son ou ses empoisonneurs sont là pour la soutenir.

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Le but de cette aliénation chimique n’est pas de faire dormir la victime en général, mais de la mettre dans un état de conscience modifiée qui permette encore une vie de relation, toutefois réduite et altérée. Après coup, il est rare qu’il ne persiste aucun souvenir de cette phase qui est généralement faite d’abus sexuels, souvent de viols, parfois de violents sévices. Dans bien des cas, des stigmates physiques resteront visibles (hématomes…).

Les médecins et notamment ceux travaillant auprès de la police sont-ils suffisamment formés à la reconnaissance de ces abus ?

Cette horreur est encore trop peu connue, en effet. Il n’est pas rare qu’elle survienne chez des femmes d’un certain niveau socio-culturel qui vont avoir honte de ce qui leur est arrivé et de ne pas l’avoir su l’éviter. La force de ces criminels réside notamment dans la puissance et la rapidité d’action pharmacologique des cocktails employés.

Ces mélanges évoluent sans cesse ; ils peuvent comporter de l’alcool, des médicaments et des stupéfiants. Il est difficile de les retrouver dans le sang ou dans l’urine car leur élimination et souvent rapide.

Il faut surtout mettre en garde les femmes de ce risque grave : éviter d’être seule en soirée avec des inconnus peu rassurants, surveiller en permanence son verre. Mais c’est plus facile à dire qu’à faire.

Ce sont les spots télévisés et les documentaires-reportages qui sont probablement de bonnes armes préventives. Mais c’est là un phénomène criminel particulièrement inquiétant. Il faut rappeler que certaines femmes disparaissent et ne sont jamais retrouvées.

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