La reprise de la zone euro est là mais les fondements de la croissance y sont plus fragiles qu’ailleurs<!-- --> | Atlantico.fr
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La tour du bâtiment principal de la Banque centrale européenne photographiée de nuit montrant le symbole lumineux de la monnaie européenne à Francfort-sur-le-Main.
La tour du bâtiment principal de la Banque centrale européenne photographiée de nuit montrant le symbole lumineux de la monnaie européenne à Francfort-sur-le-Main.
©DANIEL ROLAND / AFP

À chaque crise, plus faibles

L’investissement et la confiance dans l’avenir qu’il reflète sont décidément les maillons faibles de la zone euro.

UE Bruxelles AFP

Jean-Paul Betbeze

Jean-Paul Betbeze est président de Betbeze Conseil SAS. Il a également  été Chef économiste et directeur des études économiques de Crédit Agricole SA jusqu'en 2012.

Il a notamment publié Crise une chance pour la France ; Crise : par ici la sortie ; 2012 : 100 jours pour défaire ou refaire la France, et en mars 2013 Si ça nous arrivait demain... (Plon). En 2016, il publie La Guerre des Mondialisations, aux éditions Economica et en 2017 "La France, ce malade imaginaire" chez le même éditeur.

Son site internet est le suivant : www.betbezeconseil.com

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Atlantico : Depuis le début de la pandémie, on se demande de quelle forme l’investissement dans la zone euro sera, car sans lui pas d’avenir brillant et pas de croissance solide. Si la croissance européenne est aujourd’hui au beau fixe, les investissements européens sont-ils suffisants pour croire en l’avenir ? 

Jean-Paul Betbeze : La croissance actuelle est largement réflexe, un peu comme un ressort qui se détend, après la récession qui l’avait « comprimée », en liaison avec la pandémie. Aujourd’hui, toute la question est de bien faire repartir cette croissance sur quatre nouvelles bases : nouvelles technologies, nouveaux prix de l’énergie et projets écologiques, nouveaux comportements des ménages et des entreprises, nouveaux rapports de forces géopolitiques mondiaux. 

En effet, nous vivons aujourd’hui un rebond mécanique en France, avec 7% de croissance en 2021, après la récession de -8% en 2020. Elle a beaucoup inquiété et fait beaucoup épargner, faute de pouvoir consommer notamment en services, plus d’énormes soutiens monétaires et budgétaires pour éviter la dépression. En France comme ailleurs le pire a été évité, mais la seule chose que l’on sait de l’avenir, c’est qu’il ne sera pas la prolongation du passé. La pandémie n’est pas venue seule : elle suit d’abord une révolution technique mondiale, où l’informatisation change partout la donne, après les grandes révolutions historiques de la vapeur et de l’électricité. Cette révolution de l’informatisation bouleverse aujourd’hui les usines, avec moins d’ouvriers et plus d’ingénieurs. Comment va-t-elle évoluer ? Ensuite viennent les problèmes écologiques, qui vont accélérer la révolution en cours dans les usines, les bureaux, les commerces, les maisons. Et tout ceci dans une montée mondiale des tensions !

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La faiblesse des chiffres de l’investissement de l’union sont-ils le reflet des maillons faibles de la zone euro ? Le pacte de stabilité empêche-t-il l’investissement ? 

Le ralentissement de l’investissement au troisième trimestre 2021 (-0,9% du deuxième au troisième trimestre) vient un peu du logement et plus encore du transport, autrement dit d’Allemagne. Ce qui est important à noter, c’est la croissance ralentie de l’investissement en machines et en technologie d’information, ce qui est un problème. C’est bien pourquoi la modification du Pacte de stabilité et de croissance, son vrai nom, est en jeu, en laissant plus de place aux investissements qui dessineront l’avenir, notamment en matière énergétique. C’est le vrai calcul à faire, en matière de « dette soutenable », puisqu’il s’agit de moderniser les entreprises pour les rendre plus compétitives, de raccourcir et de simplifier les chaînes de production (notamment par rapport à la Chine) et de changer le mix énergétique européen, avec des habitats et des véhicules plus écologiques et un mix énergétique productif qui dépendrait plus du solaire et de l’éolien, donc relativement moins du nucléaire et du gaz (russe). 

Le Pacte de stabilité et de croissance doit ainsi permettre de bénéficier de l’informatisation (partout), répondre aux objectifs écologiques, mais sans jamais oublier la compétitivité, au contraire, et tenir compte des menaces géopolitiques. Il ne s’agit plus de comparer la dette publique au PIB à 10 ans !

Des récessions comme celle du Covid entaillent-elles l’innovation de la zone euro ? Profitons-nous des crises pour investir dans l’avenir ? 

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Au contraire d’une entaille, une obligation de faire plus ! Car ces récessions révèlent d’abord les failles économiques, techniques, financières et politiques du système qui avait permis trente ans de croissance mondialisée. La crise du Covid a d’abord montré les faiblesses de notre système de surveillance puis de vigilance par rapport à la Chine, puis de prévisions face aux crises systémiques. Nous cherchons toujours à borner la crise, qu’il s’agisse des subprimes, de Tchernobyl, et aujourd’hui du Covid. En même temps, ce que nous vivons est une polycrise, sanitaire, écologique, économique et géopolitique, bien au-delà des précédentes qui en étaient des avant-goûts. 

Nous découvrons que nous sommes dépendants des masques, du Paracétamol et surtout des puces électroniques pour les automobiles, les portables et les appareils de chauffage, entre autres. Et ces puces sont faites en Corée et, pour les plus sophistiquées, à Taïwan (TSMC). Les États-Unis ont compris et devraient être équipés dans deux ou trois ans (Apple et Samsung) : et nous en Europe ? Il faut compter 20 milliards de dollars par usine. Qui en parle ?

Les technologies environnementales dans lesquelles l’Union européenne investit massivement pourraient-elles offrir une croissance pérenne au continent ? 

Les « technologies environnementales » sont en fait une application de l’informatisation, avec l’intelligence artificielle, aux structures et aux organisations : il s’agit d’accepter de mettre au rebut des usines, des produits et aussi des compétences pour attirer de nouveaux talents et former les ouvriers et cadres aux nouvelles technologies. Réduire « les passoires thermiques du logement », comme on dit, n’est pas seulement une affaire de financement et de subventions, mais d’experts disponibles en nombre suffisant pour installer des pompes à chaleur. 

On oublie en permanence la révolution pratique qui est devant nous : changer nos structures de recherche, production et distribution en une génération, au milieu d’un monde hostile est plus une affaire de capital humain que de capital. On peut vouloir « l’autonomie stratégique de l’Europe » et « une croissance pérenne », mais rien ne sera possible sans explications ni surtout sans formations. Nous sommes donc très loin des programmes électoraux actuels qui veulent augmenter le Smic et taxer les riches : c’est le problème, pérenne, avec les « politiques » !

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