La Nupes, ce grand cadavre à la renverse ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Jean-Luc Mélenchon, lors d'une conférence de presse, le 7 juin 2022 à Paris
Jean-Luc Mélenchon, lors d'une conférence de presse, le 7 juin 2022 à Paris
©Geoffroy VAN DER HASSELT / AFP

"Front républicain anti-Nupes"

Jean Petaux

Jean Petaux

Jean Petaux, docteur habilité à diriger des recherches en science politique, a enseigné et a été pendant 31 ans membre de l’équipe de direction de Sciences Po Bordeaux, jusqu’au 1er janvier 2022, établissement dont il est lui-même diplômé (1978).

Auteur d’une quinzaine d’ouvrages, son dernier livre, en librairie le 9 septembre 2022, est intitulé : « L’Appel du 18 juin 1940. Usages politiques d’un mythe ». Il est publié aux éditions Le Bord de l’Eau dans la collection « Territoires du politique » qu’il dirige.

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Fabrice d'Andrea

Fabrice d'Andrea

Fabrice d’Andrea est républicain universaliste, hostile à tous les extrémistes politiques ou religieux. Fabrice d’Andrea écrit dans Franc-Tireur et est Cofondateur d’On vous voit.

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Atlantico : “Législatives: Il semble bien qu’un front républicain anti Nupes est en cours de constitution…” a écrit Jean Pierre Raffarin. Est-ce effectivement un front républicain qui s’est constitué ou bien est-ce surinterpréter les résultats ?  Peut-on imaginer une systématisation du vote anti-nupes sur tout le reste du champ politique pour les élections à venir ? Ou bien la législative partielle était-elle, par sa configuration, particulière ?  

Jean Petaux : Par définition une élection législative partielle ne saurait être représentative de l’ensemble du corps électoral national et, encore moins, du comportement des formations politiques. La 1ère circonscription de l’Ariège (Foix, Ax-les-Thermes, Tarascon, Lavelanet) correspond à la partie sud du département, celle adossée à la frontière pyrénéenne. C’est une terre qui est depuis longtemps ancrée à gauche et si la candidate LFI-NUPES, Madame Taurine, l’a emporté en juin 2022 c’était face à une candidate de la Majorité présidentielle avec 55% des voix au second tour. Il y avait un taux d’abstention qui frôlait 47% des électeurs inscrits. La candidate PS dissidente avait réalisé 18,08% des voix au premier tour, 15 points derrière la candidate « Insoumise ». Il faut noter que le candidat RN avait échoué à se maintenir au second tour en étant devancé par la macroniste uniquement de 8 petites voix (6.237 pour la candidate LREM et 6.229 pour le RN). Dix mois plus tard, Madame Taurine, la députée sortante, obtient 7.777 voix au second tour (39,81% des SE) et sa challenger, socialiste dissidente, 11.758 voix (60,19% des SE). Autant dire qu’au second tour le report des voix qui s’était portée sur la candidate « Renaissance » au premier tour, a parfaitement fonctionné en faveur de Madame Froger, qui l’a donc emporté dimanche soir. La claque est sévère pour la candidate NUPES-LFI : près de 4.000 voix d’écart, plus de 20% des suffrages exprimés en plus. L’abstention est 20% supérieure à celle du second tour de 2022 : 62,13% des inscrits, ce qui n’est en rien surprenant pour une législative partielle. Déjà, au soir du 1er tour, la candidate dissidente socialiste, Martine Froger avait spectaculairement amélioré son score par rapport à juin 2022 en progressant de 8 points. Mais elle était encore, au soir du premier tour de 2023, 4,76% derrière « L’Insoumise ». 

On ne peut parler pour autant de « front républicain » anti-NUPES. Pour une raison évidente : la coalition entre LFI, le PS, le PCF et EELV ne peut absolument pas être comparée au RN, héritier du FN. Ce n’est pas un parti organisé et structuré comme peut l’être le RN et il n’y a pas lieu de constituer un « front républicain » contre cette alliance purement électorale qui n’a aucun contenu programmatique, hormis faire battre la majorité macroniste. 
En réalité la sanction la plus forte, dans cette législative partielle, est celle adressée à Olivier Faure. C’est sa stratégie « francilienne », destinée essentiellement à lui permettre personnellement (avec quelques éléments de sa garde rapprochée) de conserver son siège de député en juin 2022, qui est totalement désavouée par le « PS authentique », « canal historique » pourrait-on dire. Carole Delga, et d’autres militants et élus socialistes « de terrain », du « reste de la France », peuvent se féliciter d’avoir résisté aux ukases « parisiens » de Faure. Pouvait-on imaginer situation plus ridicule pour le parti refondé par François Mitterrand il y a 52 ans ? Son numéro 1 voit la candidate qu’il soutenait, dans le cadre d’une alliance déséquilibrée qui a fait dire à Bernard Cazeneuve (dernier Premier ministre qu’a compté le PS dans ses rangs) que son ancien parti était en voie de « toutouisation » face à LFI, largement battue. Son n°2, Nicolas Mayer-Rossignol, voit la candidate PS dissidente qu’il soutenait, élue… S’il restait un dernier clou à visser sur le couvercle du cercueil du PS, c’était sans doute celui-là. Car si le ridicule ne tue pas en politique, il peut faire pire : transformer un parti en formation de zombies…

C’est à ce niveau que la législative partielle de l’Ariège peut faire jurisprudence… Il est prouvé désormais qu’une candidature dissidente, face à une candidate LFI, investie par la NUPES, peut gagner… L’exemple est potentiellement ravageur.


La Nupes est-elle en train de récolter dans les urnes le fruit de ce qu’elle a semé politiquement depuis plusieurs mois ?  

En mars 1986, la campagne d’affiches officielles du PS qui s’attendait à une sanction importante de la part du corps électoral français, lors des élections législatives nationales, déclinait deux thèmes. Le premier était tout à la fois formellement médiocre et politiquement idiot. Il s’appuyait sur le slogan suivant : « Au secours la droite revient » et montrait un grand méchant loup qui allait croquer une petite France au capuchon rouge. C’était stupide. La seconde était bien plus élégante, mais trop sophistiquée. Elle montrait une jolie jeune femme avec un épis de blé en main qui disait : « Je veux récolter ce que j’ai semé ». Manière de suggérer que ce que la Gauche au pouvoir avait fait entre mai 1981 et mars 1986 correspondait à une série de semences et qu’il convenait d’en assurer la récolte pendant la législature suivante, de 1986 à 1991, sans laisser la droite dilapider les cultures et les semailles… La NUPES n’a rien semé politiquement depuis plusieurs mois. Elle n’a fait que « sulfater » (au sens propre – traitement chimique – et figuré – mitraillage -) la majorité gouvernementale et tout ce qui n’était pas comme elle. Elle a littéralement « arrosé » les macronistes, au point, ces dernières semaines, de parer Charles de Courson, éminent et fort respectable député, mais vrai conservateur réactionnaire au plan sociétal et franchement libéral au plan économique, des plumes du grand chef indien promu, à sa propre surprise, allié objectif des « forces de gauche ». Faut avouer que pour quelqu’un qui a été un des pourfendeurs de la loi Taubira et qui n’a cessé de considérer les textes reconnaissant une évolution somme toute logique des mœurs comme des marques de la fin de la France « fille ainée de l’Eglise », le choc a dû être rude. C’est avec ce genre ce comportement politique que la NUPES s’est décrédibilisé et qu’elle le fera encore. Les Européennes vont arriver dans 14 mois : autant dire qu’à ce moment-là la NUPES connaîtra une forme d’hibernation… 


"La Nupes est dépassée": Fabien Roussel veut "parler à toute la gauche" jusqu'à Bernard Cazeneuve. Faut-il voir dans la Nupes, un grand cadavre à la renverse, comme on l’avait dit du PS ?

Fabien Roussel exprime clairement une position politique par rapport aux errements de LFI. Et il a parfaitement raison dans la logique politique qui est celle du PCF. Simplement le cadavre NUPES bouge encore et son « squelette » peut encore servir de cadre électoral.  C’est bien sa seule raison d’être. La question qui se pose ici est celle de savoir qui a intérêt à faire durer le plus longtemps possible cette alliance bancale dans laquelle LFI joue à la fois les flics et les provocateurs. 

La dissidente PS qui l’a emporté est notamment soutenue par Carole Delga. Que se passe-t-il au centre gauche ? 

Le paradoxe de la victoire de Martine Froger dans la 1ère circonscription de l’Ariège se situe sans doute dans ce que décrit votre question. Certes elle a gagné, certes la présidente de la Région Occitanie, qui nourrit peut-être quelque ambition « extra-occitane », est venue à trois reprises la soutenir et ne fait pas mystère de son conflit avec la direction actuelle du PS. Certes cette dernière direction est encore plus affaiblie qu’au sortir de son congrès national le mois dernier. Mais au milieu de tout cela qui propose quoi ? Quel est le récit du centre-gauche ? Quels sont ses marqueurs politiques ? Sans même parler de programme, dispose-t-il de quelques propositions emblématiques ? Le PS n’a pas plus de programme que de cadres. Et à côté de lui, contre lui, les formations autonomes qui se sont esquissées, dont celle lancée par Bernard Cazeneuve par exemple, ne sont encore qu’à l’état embryonnaire, sans contenu et dans un contenant bien fragile… Pour paraphraser Erich-Maria Remarque on pourrait dire « Au centre gauche : rien de nouveau », pour ne pas avoir à dire « A gauche, au centre, à droite : non seulement rien de nouveau, mais rien du tout surtout… ». C’est bien le problème de la France aujourd’hui. Il ne reste finalement qu’une partie de l’échiquier où il pourrait se passer quelque chose : celle située à l’extrême-droite. Même si, là aussi, il y a de moins en moins de propositions affichées au fur et à mesure que la perspective d’une « grande alternance » se profile. Au motif que « pour gagner en politique aujourd’hui vivons caché »…

Propos tirés du compte Twitter "2eme DB73" et publiés avec l'aimable autorisation de son auteur. Pour retrouver le threadcliquez ici

Fabrice d’Andrea : La députée sortante LFI Bénédicte Taurine a été sèchement battue (39,81%) par la socialiste dissidente Martine Froger (60,19%) lors de l’élection partielle en Ariège. Cette victoire pour les républicains de tous bords fragilise la NUPES de Melenchon et Faure. 

Après le premier tour, sentant sans doute la défaite arriver, le PS publie un communiqué lunaire appelant au désistement de Martine Froger. Alors que le candidat RN a déjà été éliminé, rien ne pouvait justifier un tel désistement.

Il s’agit même d’un glissement inquiétant, de la part d’un parti républicain, qui refuse que les électeurs tranchent entre deux candidates représentants deux stratégies distinctes au sein de la gauche. Depuis quand un parti démocratique se méfie du suffrage universel ?

Prisonnier de son alliance baroque avec la NUPES, Olivier Faure persiste. Après la victoire de Martine Froger, et contrairement à tous les usages républicains, il ne félicite même pas la candidate dissidente PS pour son élection. Mais dénonce une victoire à la Pyrrhus.

Cette réaction difficilement compréhensible et contraire à tous les usages républicains, et à la solidarité entre partis de gauche, entraîne une vive réaction de Michaël Delafosse, le maire PS de Montpellier. Dans la même veine que le PS, LFI se déchaîne ne félicite pas la candidate et au contraire se déchaîne contre elle.

Dans une logique de déligitimation, Mélenchon présente Froger comme élue par « les droites unies ». On a vu meilleure façon de respecter le verdict des urnes.

Dans un tweet particulièrement hargneux, Bastien Lachaud, député LFI, reprend le discours porté par plusieurs insoumis insistant sur le fait que Froger a notamment été élue avec les voix de l’extrême-droite.

Ce discours est assez totalement hypocrite quand on sait :

- Qu’au moins un député LFI, Adrien Quatennens, a été élu (en 2017) avec le soutien direct du RN ;

- Que le même Quatennens a appelé les électeurs RN à voter pour la NUPES.

- Sans parler de ce sondage qui montre que, lors des duels en 2022 entre la NUPES et LREM, 25% des électeurs RN se sont reportés sur la NUPES. Curieusement, ni Melenchon ni Faure n’y ont trouvé à redire…

La defaite de la candidate LFI fragilise la NUPES qui a connu une défaite retentissante. Fabien Roussel considère même que cette alliance est dépassée. L’avenir de la NUPES pourrait être compromis.

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