La mairie de Paris verbalise-t-elle cyclistes et automobilistes de manière abusive pour remplir ses caisses ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Un policier municipal à Paris
Un policier municipal à Paris
©LUDOVIC MARIN / AFP

Manne financière

De nombreux usagers de la route ont fait état de verbalisations abusives en circulant dans la capitale

Pierre Liscia

Pierre Liscia

Pierre Liscia est porte-parole du mouvement Libres ! de Valérie Pécresse et auteur de La Honte (Albin Michel).

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Eric de Caumont

Eric de Caumont

Eric de Caumont est avocat spécialisé dans la défense des droits des automobilistes.

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Atlantico : Vous avez récemment fait l’objet d’une verbalisation abusive, alors que vous circuliez à vélo dans les rues de Paris. Que s’est-il passé exactement et comment prouver qu’il s’agissait effectivement d’une contravention abusive ?

Pierre Liscia : Aussi surprenant que cela puisse paraître, j’ai été verbalisé par un agent de la Mairie de Paris pour avoir grillé un feu rouge. Sauf que ce feu n’était ni rouge ni orange mais bel et bien vert. J'ai eu beau protester mais dans ce genre de situation, c’est parole contre parole. Si le principe en droit pénal est que la charge de la preuve incombe à l’accusateur, c’est le contraire qui prévaut en matière contraventionnelle puisque c’est à l’accusé d’apporter la preuve de son innocence. Aux yeux de la loi, ce que dit l’agent verbalisateur est présumé vrai. Autrement dit, il a toujours raison même quand il a tort. Pour contester, c’est un tel parcours du combattant que beaucoup préfèrent payer plutôt que de perdre leur temps et leur énergie. Pour ma part, j’ai trouvé ça si injuste que j’en ai fait une question de principe. Hors de question de payer 135€ d’amende pour une infraction que je n’avais pas commise. Après avoir consulté la carte des implantations de caméras de vidéoprotection de la Préfecture de Paris dans l’espace public, j’ai adressé un courrier à la Préfecture pour demander à pouvoir visionner les images me concernant, conformément aux articles 49 et 105 de la Loi informatique et libertés. Une dizaine de jours plus tard, j’ai reçu une réponse favorable et j’ai donc pu obtenir un rendez-vous pour visionner les images directement dans les locaux de la Préfecture. Si les images confirmaient bien que je n’avais enfreint aucune règle, il m’était impossible de les utiliser car la loi interdit toute extraction ou copie de la séquence. Seule une action en justice pouvait me permettre d’utiliser ces images pour me défendre. Sur recommandation expresse des agents de la Préfecture, je me suis donc rendu au commissariat pour un dépôt de plainte. L’abus de pouvoir n’étant pas considéré comme un motif de plainte, j'ai dû me contenter d’une simple main courante que j’ai ensuite joint au dossier de contestation. J'ai ensuite signalé les faits à l’Officier du ministère public, en l'invitant à visionner lui-même les images de la Préfecture avant qu’elles ne soient automatiquement et définitivement effacées au bout de 30 jours, comme la loi le prévoit. L’Officier du ministère public m’a finalement donné raison et a classé l’avis de contravention. Depuis, j’ai installé une caméra sur mon vélo pour filmer l’intégralité de mes déplacements et éviter d’être une nouvelle fois sujet à l’arbitraire d’un agent municipal incompétent qui se prend pour un shérif.

La mairie de Paris récupère désormais le montant des contraventions payées par les individus verbalisés. Compte tenu de l’état des comptes de la capitale, peut-on raisonnablement penser que ce type de verbalisations abusives relève peut-être d’une stratégie financière ?

Pierre Liscia : Avec des finances exsangues et une dette qui atteint les 10 milliards d’euros, la Mairie ne sait plus quoi inventer pour trouver des recettes supplémentaires : tour de passe-passe des loyers capitalisés, flambée des tarifs de stationnement et fin de la gratuité les samedis et au mois d’août, extensions du stationnement payant aux deux-roues et aux bois de Boulogne et de Vincennes, hausse des tarifs municipaux, explosion de la taxe foncière et de la taxe de balayage et bientôt le triplement des tarifs de stationnements pour les SUV. Les recettes des amendes ont littéralement explosé ces dernières années et s’élèvent à plusieurs centaines de millions d’euros. Une véritable manne financière pour la Mairie dont elle n’est pas prête de se passer, c’est une évidence.

Eric de Caumont : Vu l'état des finances de la ville de Paris, ils ont intérêt à faire tout ce qu'ils peuvent pour faire entrer de l'argent. C'est ce qui se passe en mettant en coupe réglée les automobilistes, notamment grâce au stationnement payant, en confiant et en délégant les missions de verbalisation du stationnement à des sociétés privées dont on a peut-être oublié un peu vite qu'il y a deux ou trois ans, au début de ces délégations, l’une des deux sociétés a été prise à faire absolument n'importe quoi, c'est-à-dire laisser conduire les véhicules type « sulfateuses à PV », qui relèvent des plaques d'immatriculation au passage par des gens qui n'avaient pas le permis. Il y a même eu un scandale absolu puisque comme les sociétés en question, pour conserver leurs parts de marché, doivent réussir un objectif de verbalisation et qu'elles n'y arrivaient pas, il y en a une qui a organisé des soirées au siège de l'entreprise où on verbalisait à tour de bras en faisant de faux PV pour des automobilistes qui n'avaient commis aucune infraction. La Ville de Paris n'a surtout pas retiré immédiatement cette concession à cette entreprise parce que si elle l'avait fait, elle aurait été obligée de refaire un appel d'offres pour respecter des règles plus démocratiques, correspondant à celles des appels d’offres. Elle aurait été obligée de perdre la capacité de verbaliser sur une partie de la capitale pendant plusieurs mois, le temps que l'appel d'offres soit réalisé. Or elle ne voulait surtout pas que les rentrées financières diminuent. Elle a gardé cette entreprise en attendant les suites et éventuellement le non-renouvellement à la prochaine échéance, mais en attendant, elle a cautionné un comportement de racket. 

En la matière, la maire de Paris est otage des écologistes et les écologistes ont clairement dit qu'il y a des gens qui voulaient chasser la voiture de Paris. Pour la chasser, l'une des meilleures solutions, c'est bien entendu de faire payer le plus possible les automobilistes, que ça soit à coups de PV, d’augmentations délirantes des prix de stationnement pour les SUV dans Paris, sachant pertinemment qu'un véhicule vendu sur deux est un SUV. Avec le stationnement payant dans les bois de Boulogne et de Vincennes, les familles sont pénalisées, elles qui voulaient le week-end prendre un petit peu d'air frais et voir de la verdure.

Qu’est-ce que ce type de situation dit de la façon dont la mairie de Paris perçoit (et emploie) sa police municipale ?

Pierre Liscia : Aujourd’hui, la ville compte plus d’un millier de policiers municipaux qui ont dressé plus de 2,5 millions de procès-verbaux depuis 2 ans, dont 95% concernent la circulation routière et le stationnement. Ça fait donc plus de 1 250 amendes par an et par agent. Ça signifie que l’essentiel du temps passé sur le terrain se résume à infliger des contraventions, le tout à une échelle industrielle. De mon point de vue, la police municipale devrait être assignée à des missions de surveillance de la voie publique, de lutte contre les incivilités et l’insalubrité et de préservation de la tranquillité et de la sécurité publique. Mais à Paris, ils n'en ont ni la mission, ni la formation. Au lieu de cela, ces agents sont déployés sur des missions de verbalisation des véhicules en stationnement et des terrasses et des étals des commerces. Il y a une raison simple à cela : dresser des PV rapporte davantage aux finances de la Ville que patrouiller dans les rues de Paris. Forcément, quand vous industrialisez la verbalisation, il y a forcément des erreurs, des abus et des injustices. La police municipale parisienne n’a de police que le nom. Les policiers municipaux ne sont pas des policiers, ce sont des percepteurs d’impôts. L’essentiel de leurs missions consiste à renflouer les caisses de la ville, pas à protéger les Parisiens.

Eric de Caumont : La mairie de Paris s’appuie davantage sur des policiers municipaux ou des sociétés privées délégataires de services publics pour aller faire du fric sur le dos des automobilistes que pour s'occuper de la sécurité dans la ville. Mais de manière générale,  tout est fait pour se débarrasser des automobilistes. C’est flagrant lorsqu’on pense au nombre de chantiers à tous les coins de Paris qui sont à l'arrêt depuis des mois. 

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