La guerre en Ukraine pourrait bien prendre une tournure différente en 2024 et voilà pourquoi <!-- --> | Atlantico.fr
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L'Ukraine pourrait adopter une nouvelle stratégie militaire face à la Russie.
L'Ukraine pourrait adopter une nouvelle stratégie militaire face à la Russie.
©Anatolii STEPANOV / AFP

Et pendant ce temps-là

L'Ukraine pourrait faire évoluer sa stratégie et décider de mener une guerre d'attrition face à la Russie dans les mois à venir.

Jérôme Pellistrandi

Jérôme Pellistrandi

Le Général Jérôme Pellistrandi est Rédacteur en chef de la Revue Défense nationale.

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Atlantico :  Le soutien à Israël n'affectera pas l'aide à l'Ukraine assure le chancelier allemand, Olaf Scholz. Peut-on en être sûr ? Dans les médias, un conflit en a remplacé un autre.

Général Jérôme Pellistrandi : Sur le plan médiatique, c'est vrai que l'intérêt s'est détourné de l'Ukraine pour se concentrer sur la bande de Gaza. Il y a actuellement deux conflits de haute intensité. Un conflit symétrique, c'est la Russie contre l'Ukraine. Un conflit asymétrique, c'est celui du Hamas contre Israël. Dans les deux cas, nous sommes dans des guerres de haute intensité avec des frappes extrêmement importantes. Gaza monopolise l’attention, mais on voit bien que la guerre en Ukraine se poursuit et que d'ici l'hiver, visiblement, les combats vont continuer à être extrêmement intenses. 

En Ukraine, comment va évoluer le champ de bataille ? Est-ce que les Occidentaux vont pouvoir aider militairement les deux nations, l'Ukraine et Israël ? Est-ce que nos réserves d'armes sont suffisantes ?

Israël n'a pas réellement besoin d'une aide militaire conséquente, sauf s'il y avait une guerre sur deux fronts avec le Hezbollah qui rentrerait dans la bataille à sa frontière avec le Liban. Ce qui va être déterminant, c'est l'aide à l'Ukraine. Sachant que les stocks d'armements occidentaux commencent à s'épuiser. Il faut passer sur une autre étape avec cette fameuse économie de guerre, c'est- à- dire cette capacité à produire davantage et plus vite pour soutenir l'Ukraine. Parce que de toute façon, nous sommes engagés dans un conflit qui va bien sûr durer au moins jusqu'en 2024.

Ce que l'on voit sur la ligne de front, c'est que la Russie n'est pas capable de gagner et d'enfoncer les forces ukrainiennes, mais l'Ukraine n'est pas en mesure de reconquérir le territoire qui a été conquis depuis le 24 février. Sur la ligne de front, les combats sont extrêmement intenses et cela ne va pas beaucoup évoluer dans les semaines et les mois à venir. Nous sommes dans une guerre industrielle. Russes et ukrainiens sont passés en économie de guerre. Pour chacun des deux camps il va falloir produire plus de munitions. Pour le moment, on est comme sur un ring de boxe. C’est le dixième round et aucun des deux camps n'arrive à prendre l'avantage sur l'autre.

Certains experts considèrent que l’Ukraine pourrait faire évoluer sa stratégie en 2024 et décider de mener une guerre d’attrition. De quoi s’agit-il ? 

Les deux pays, Russie et Ukraine, mènent déjà ce type de guerre. C’est une stratégie qui consiste à user l’adversaire le plus possible à défaut de pouvoir effectuer une percée. On va user l’adversaire pour obtenir un maximum de perte. C’est ce qui s’est passé à Bakhmout où les ukrainiens étaient en position défensive. Ils se sont accrochés au terrain pour infliger un maximum de pertes aux russes. C'est ce qui se passe encore en ce moment. Une guerre d’attrition signifie bien sûr une perte en matériels, mais surtout des pertes humaines. Le problème auquel les deux pays vont être confrontés, c’est comment faire face à la saignée humaine ? Il risque de leur manquer des soldats.

L'hiver approche. Les combats vont-ils devoir s’arrêter ?

Chacun des deux camps essaye d'abord de gagner un maximum de terrain d'ici là. Du côté d'Avdiivka, les Russes ont l'initiative, mais au Sud, ce sont les Ukrainiens. La ligne de front va se stabiliser. Chacun se prépare pour affronter l'hiver et simultanément l’année 2024 avec l'accumulation de nouveaux blindés et des munitions. Nous sommes dans une forme de statu quo. Aucun des deux camps ne veut arrêter la guerre. Pour les Russes, c'est existentiel, en tout cas pour le régime de Poutine. Ça l’est aussi pour l’Ukraine.

2024, c'est une année qui peut être décisive pour les Ukrainiens Le soutien américain va-t-il s’effriter à cause de l’élection présidentielle qui aura lieu dans un an ? 

Il est clair que l'incertitude électorale américaine va peser. C'est la raison aussi pour laquelle les alliés européens disent qu'ils vont continuer à soutenir l'Ukraine. Un abandon du soutien de l'Ukraine signifierait qu'on donne la victoire à Poutine. C'est- à- dire qu'on donnerait la victoire à celui qui a voulu et qui a imposé la guerre comme moyen de résoudre un différent diplomatique.

 Le soutien des Européens pourrait- il suffire ? 

Oui et non. La production de munitions de 155 millimètres s'est accélérée. Il y a même maintenant des co-entreprises ukrainiennes avec d'autres partenaires européens pour produire des armements. Nous sommes dans un conflit qui va être long. La vraie question sera peut- être l'impact démographique et la capacité à générer suffisamment de forces pour aller sur le terrain.

Une réunion sur la paix est organisée par Kiev les 28 et 29 octobre avec la Turquie en présence des deux présidents, Volodymyr Zelensky et Recep Tayyip Erdogan. La paix en 2024, c'est possible ?

Ce qui est important, c'est d'abord de maintenir la pression médiatique et de rappeler que c'est la Russie qui est l'agresseur. Ce n'est pas à l'Ukraine de céder aux diktats de Moscou. Ce sommet va y contribuer. C'est aussi essayer de réaffirmer les principes du droit international qui, de toute façon, condamnent de facto l’agression russe. La Turquie depuis le début de la guerre, se veut être un acteur capable de dialoguer avec les deux camps. Erdogan sait qu'il affronte aussi une crise économique dans son pays. Il a besoin de redorer son image de marque. Tout ce qui peut servir à discuter, tous ces forums sont nécessaires. Dans le contexte actuel, il ne faut pas oublier que les pertes humaines sont extrêmement importantes dans les deux camps et que cette guerre va épuiser pour des décennies tant la Russie que l'Ukraine.

Comment va- t-on pouvoir régler le conflit au Proche-Orient si nous n’arrivons pas à stopper celui entre l'Ukraine et la Russie ?

Il faut être réaliste. Ce sont des conflits qui s'inscrivent dans une histoire complexe. Trouver une solution est extrêmement difficile. Bien entendu, la conception des deux conflits complique encore plus la situation. Il va falloir encore faire preuve de beaucoup de patience et de diplomatie pour essayer de trouver une issue à ces conflits.  

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