La France pourrait-elle faire face à la faillite de ses banques ?<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Politique
La France pourrait-elle faire face à la faillite de ses banques ?
©

Maillons faibles

Après l'euro, les banques : la spirale infernale de la perte des triple A ! Plusieurs agences de notations ont dégradé -ou menacé de le faire- les notes d'un certain nombre de grandes banques européennes. Une nouvelle profondément inquiétante dans la mesure où les bilans des grandes banques françaises dépassent de très loin le PIB du pays...

Philippe Herlin

Philippe Herlin

Philippe Herlin est chercheur en finance, chargé de cours au CNAM.

Il est l'auteur de L'or, un placement d'avenir (Eyrolles, 2012), de Repenser l'économie (Eyrolles, 2012) et de France, la faillite ? : Après la perte du AAA (Eyrolles 2012) et de La révolution du Bitcoin et des monnaies complémentaires : une solution pour échapper au système bancaire et à l'euro ? chez Atlantico Editions.

Il tient le site www.philippeherlin.com

Voir la bio »

Atlantico : La faillite du système bancaire islandais a entraîné dans sa chute le pays tout entier. En cause notamment, la taille du bilan des banques islandaises plus de 10 fois supérieure au PIB du pays. L'économie française est-elle de taille à faire face au scénario de la faillite de l'une de ses banques ?

Philippe Herlin : C’est un scénario qu’on ne peut évidemment pas écarter même si la structure et la taille de l'économie française et de ses banques ne permettent pas de dresser une comparaison avec l'Islande. Si une banque tombait en faillite, elle serait nationalisée automatiquement par l’État pour que puissent perdurer les opérations bancaires courantes. Il n’est donc pas concevable que la Société Générale, le Crédit Agricole ou la BNP disparaissent du jour au lendemain. Cela aurait une répercussion terrifiante sur l’économie qui provoquerait des milliers de faillites d’entreprises.

Cela s’est déjà produit en Argentine en 2001. Bien que l’État ait cherché à rassurer en nationalisant les banques, les gens se sont rués dans leur banque pour retirer leurs économies, et les mettre ailleurs. Les rideaux de fer se sont alors baissés de façon à stopper l’hémorragie. Les comptes épargnes des argentins ont été bloqués, laissant seulement aux clients des banques un accès limité à leur compte courant. Enfin, le peso a été déconnecté du dollar, et s’est écroulé. Ce qui a provoqué une large vague d’inflation. Quand les gens ont pu réaccéder à leur compte épargne, il avait largement perdu de sa valeur.

Toute faillite bancaire ou ruine d’un État, se traduit par la ruine de la classe moyenne. Les épargnants sont lessivés, les très riches ont l’information en amont, et mettent généralement leur argent à l’étranger.

Aux États-Unis, si les dirigeants nationalisent une banque en cas de faillite, libres à eux de faire tourner la "planche à billets", de façon à rembourser les gens qui veulent retirer leur épargne. Le gouvernement français, lui, ne peut pas faire tourner "la planche à billets", sachant que tout se fait aujourd’hui au niveau de la BCE. Une crise de liquidité, à la fois des banques et de l’État, est vraisemblable.

Les 17 membres de l’Union européenne devraient alors s’accorder sur la possibilité pour la BCE d’intervenir. C’est une situation qui risque d’arriver en Grèce. Les Grecs retirent leur argent progressivement pour le placer à l’étranger. Les banques grecques se trouvent à cours de liquidité, ils doivent trouver 30 milliards. On n’est pas loin d’une faillite d’une banque grecque qui pourrait provoquer un effet domino. 

Les banques ont du mal à se refinancer sur les marchés financiers. Comment assurer leur recapitalisation ?

Les banques françaises sont déjà en train de vendre des actifs pour récupérer du cash, et diminuer la taille de leur bilan. Est-ce que cela sera suffisant ? Il faut savoir que le bilan de la BNP représente 2 000 milliards d’euros, soit autant que le PIB de la France…

Le scénario islandais d'un défaut quasi complet des banques du pays sans aucun remboursement de créances serait-il transposable en France ? 

Je ne pense pas. La plupart des dettes qu’avaient les banques islandaises portaient sur des épargnants anglais et hollandais. Ce sont des banques qui avaient développé des filiales dans ces pays-là, et qui avaient promis des taux d’intérêts très intéressants pour aguicher les épargnants. Lorsqu’elles se sont retrouvées en faillite, l'Etat islandais et les rares survivants du système bancaire du pays ont refusé de rembourser ces épargnants qui étaient à l'extérieur du pays.

Les dirigeants hollandais et anglais ont alors décidé de compenser eux-mêmes la perte des épargnants pour qu’ils ne soient pas ruinés. Ensuite, ils se sont retournés contre la capitale islandaise (Reykjavik), qui leur a finalement dit non. C’est à cette occasion-là qu’ils ont fait deux référendums, qui à chaque fois ont eu pour résultats un « non » massif.

On ne peut pas étendre cela aux autres pays européens. Déjà les volumes de dette sont plus importants, et puis il faut savoir que les deux tiers de notre dette sont détenus par des non-résidents. Si l’on fait défaut, on ne peut pas dire à ces deux tiers-là, « Débrouillez-vous, on ne veut rien entendre». Agir de la sorte, ce serait mettre en faillite de nombreuses banques européennes, des fonds d’investisseurs étrangers. Il y aura aussi des mesures de rétorsion commerciale à notre encontre, ce n’est pas possible.

Cela dit, faire face à la faillite d'une banque française est une chose, faire face à un scénario à l'islandaise d'effondrement simultané de l'ensemble du secteur financier du pays en serait une autre...

Propos recueillis par Franck Michel

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !