La filière française de la plasturgie menacée et saisie par l’angoisse écologique<!-- --> | Atlantico.fr
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Des déchets plastiques ans un centre de tri à Calce, dans les Pyrénées-Orientales, le 13 septembre 2013.
Des déchets plastiques ans un centre de tri à Calce, dans les Pyrénées-Orientales, le 13 septembre 2013.
©JEAN-CHRISTOPHE MILHET / HANS LUCAS / AFP

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Face à l'avenir du plastique, le monde est coupé en deux. Depuis samedi et sous l'égide de l'ONU, des négociations pour accoucher d'une régulation des productions tournent à l’avantage de ceux qui veulent tout interdire… un peu facile… les industriels en feront les frais.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Ce qui se passe sur le plastique dans le monde ne fait vraiment pas l’affaire des industriels. Comme sur le nucléaire, cette industrie fait l'objet d’un bashing assez efficace. Alors que les adversaires du nucléaire ont un peu cédé face à la contrainte (incontournable) de trouver une alternative aux énergies fossiles… les industriels du plastique sont devant la pression d’une majorité d'experts qui, dans le monde entier, dressent des diagnostics accablants sur les effets de la consommation de plastique.

Du coup, cette industrie espère trouver un compromis entre les risques sur l’environnement (en cas de production incontrôlée) et les risques économiques et sociaux en cas d’interdiction. Le dilemme est le même que pour les industriels de l'automobile qui savent qu'ils devront, à plus ou moins brève échéance, organiser la mutation de leur filière liée à la décarbonation de l'économie.

Un livre de Joseph Tayefeh vient de sortir aux éditions Le Cherche Midi, intitulé "Plastique Bashing, l'intox", dénonce avec beaucoup de violence le procès quasi idéologique intenté actuellement aux industriels du plastique. Ce procès, sans nuance, cache en fait une réalité très complexe. Et cette réalité dément la nécessité de supprimer toute la production de plastique, compte tenu de tous les progrès dans la vie quotidienne qui ont été possibles grâce au plastique : la propreté et la santé, l'efficacité et l'allègement dans le transport des produits, que ce soit pour l'agroalimentaire ou l'industrie. Les progrès sont indiscutables, ils se mesurent en coût, en productivité, en pouvoir d’achat mais aussi en allongement de l’espérance de vie. Bref, une grande partie de la croissance mondiale depuis un siècle est imputable au plastique.

Revers de la médaille, la planète risque de s’asphyxier sous des montagnes de déchets… sans doute, sauf que les industriels, (et c’est l'objet de ce livre), débordent de solutions, au-delà même du tri sélectif, du compostage, du réemploi… etc. La recherche et la pratique responsable offrent des solutions plus vertueuses et réalistes sur le plan économique et écologique.

Le problème, c’est que les gouvernements, y compris le gouvernement français, travaillent plus souvent sur des alternatives radicales qui risquent de conduire à l'échec et à la ruine des activités . .

L'ONU, qui a organisé depuis samedi une négociation internationale pour dégager des solutions acceptables afin de sauver le monde du plastique, n'a pu que constater le partage du monde entre deux blocs antagonistes. Pour une raison très simple, le plastique est partout. Selon l'OCDE, près de 450 millions de tonnes de plastiques sont produites dans le monde actuellement, 40 fois plus que dans les années 1960. Résultat de cette croissance exponentielle, les océans et les rivières récupèrent jusqu’à 8 millions de tonnes de déchets plastique par an, à tel point qu'il existe l'équivalent au fond des océans d'un cinquième continent. Or on sait que ce continent de plastique mettra des milliers d'années à disparaître, s'il disparaît un jour, ce dont les experts ne sont pas sûrs…

L'ONU essaie de faire adopter un traité au niveau mondial pour éradiquer le poison, mais l'ONU n'y parvient pas. Cette année encore, l'ONU n'a pas réussi à abolir cette frontière entre ceux qui veulent faire disparaître le plastique et ceux qui veulent le conserver parce qu'ils en ont besoin et que c'est un marqueur de progrès. D’un côté, les États-Unis, les pays producteurs de pétrole, l'Arabie saoudite en tête et une grande partie des BRICS, dont le Brésil, l'Inde et la Chine, s'interdisent de réduire la production et défendent (doucement) des projets de recyclage. Pour ces pays-là, pas question de s'attaquer à la production pétrolière déjà hypothéquée par les énergies naturelles mais à la rigueur, faire un peu d'investissements en recyclage, pourquoi pas ?

L'autre bloc manque de poids, l'Europe avec certains pays du Sud en Asie, en Afrique, défendent des projets plus contraignants avec l'interdiction de produire des plastiques à usage unique (la bouteille d'eau qu'on jette après l'avoir vidée, par exemple)… ce bloc-là aura beaucoup de difficulté à convaincre la planète. Parce que la planète a d'autres priorités. Sabine Roux de Bézieux, la présidente de la Fondation de la mer, explique que pour beaucoup de pays, le plastique est un marqueur de progrès. 

Toutes mesures coercitives d'interdiction, par exemple, nécessiteront la mise en place de nouveaux matériaux ou processus, dont l'effet sera bénéfique sur l'équilibre de l'environnement, mais pénalisera grandement les conditions économiques, parce que toute autre solution sera plus chère pour le consommateur que le plastique. Le plastique ne s'est pas imposé partout dans la vie quotidienne et industrielle par pur plaisir. Il s'est imposé parce qu'il répondait à un besoin au moindre coût. Le plastique ne disparaîtra que le jour où l'on aura découvert des processus, des matières et des produits qui produiront les mêmes effets avantageux que le plastique.

Pour aller plus loin : Le livre, "Plastique Bashing, L'intox ?" Par Joseph Tayefeh, Éditions Le Cherche Midi.

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