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Xi Jinping Chine
Xi Jinping Chine
©Greg Baker / AFP

Le point de vue de Dov Zerah

La Chine a annoncé la signature d'un partenariat entre 15 pays d'Asie et s'est posée en garante du multilatéralisme. Dov Zerah revient sur la stratégie de la Chine et sur l'attitude de Xi Jinping. Après le revers de Donald Trump et la victoire contre la pandémie de Covid-19, la Chine pourrait continuer d'étendre son influence.

Dov Zerah

Dov Zerah

Ancien élève de l’École nationale d’administration (ENA), Dov ZERAH a été directeur des Monnaies et médailles. Ancien directeur général de l'Agence française de développement (AFD), il a également été président de Proparco, filiale de l’AFD spécialisée dans le financement du secteur privé et censeur d'OSEO.

Auteur de sept livres et de très nombreux articles, Dov ZERAH a enseigné à l’Institut d’études politiques de Paris (Sciences Po), à l’ENA, ainsi qu’à l’École des hautes études commerciales de Paris (HEC). Conseiller municipal de Neuilly-sur-Seine de 2008 à 2014, et à nouveau depuis 2020. Administrateur du Consistoire de Paris de 1998 à 2006 et de 2010 à 2018, il en a été le président en 2010.

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Il y a dix jours, la Chine a signé un accord de libre-échange avec quinze pays asiatiques : Australie, Corée du Sud, Japon, Nouvelle Zélande et les onze pays de l’Association des nations du sud-est asiatique (en anglais, association of southeast asian nations (ASEAN), Birmanie, Bruneï, Cambodge, Indonésie, Laos, Malaisie, Philippines, Singapour, Thaïlande, Timor et Vietnam.

Ce partenariat régional économique global (regional comprehensive economic partenership (RCEP) a une portée réelle limité car il porte principalement sur les droits de douane qui devraient diminuer de 90 %, et le respect de la propriété intellectuelle, ce que la Chine n’a jamais fait. Mais, il ne concerne pas les normes, et l’Inde s’est retirée des négociations, il y a un an.

Cette signature est indiscutablement un succès chinois qui se sent suffisamment forte pour prendre fait et cause pour la liberté du commerce international ; 20 ans après son admission le 11 décembre 2001 à l’Organisation mondiale du commerce (OMC), la Chine est devenue le plus important partenaire commercial de 120 pays.

Mais c’est également un succès pour le Japon dont la politique commerciale vise à développer au maximum les échanges commerciaux entre les pays asiatiques et la Chine pour qu’elle soit dissuadée de laisser parler les armes. C’est grâce à l’Empire du soleil levant que le Partenariat Trans pacifique global et progressiste (PTPGP) a pu se concrétiser avec dix pays riverains du Pacifique nonobstant le retrait des États-Unis par Donald TRUMP.

Les États-Unis se retrouvent de facto hors-jeu de l’organisation commerciale en cours de mise en place en Asie. N’oublions pas que dans un monde globalisé, chaque pays doit s’inscrire dans une démarche collective. La communauté internationale attend les premières prises de position de Joe BIDEN sur le libre-échange et souhaite savoir s’il maintiendra les décisions prises par son prédécesseur.

Au lendemain de la seconde guerre mondiale, les États-Unis et le Royaume Uni ont promu le commerce international pour éviter la réédition des politiques des années trente, mise en place des barrières douanières et des dévaluations compétitives, qui ont conduit au repli sur soi et à la guerre. Le principe poursuivi était simple, les échanges commerciaux sont les armes de la paix ; aucun pays n’a intérêt à faire la guerre si ses intérêts commerciaux sont en cause.

Depuis 40 ans et Deng Tsao Ping, la Chine n’a cessé d’affirmer et d’accroître sa puissance. En juillet 2010, la Chine a dépassé le Japon, est devenue la seconde puissance économique mondiale, et a en ligne de mire les Etats-Unis. Le G7 a accompagné cette exceptionnelle évolution en acceptant :

  • Un dumping social. Plus que la faiblesse du coût salarial, c’est le non-respect des règles du Bureau international du travail (BIT) qui est problématique.

  • Un dumping environnemental. Nonobstant la signature des Accords de Paris en 2016, le modèle économique de la Chine interpelle.

  • Mais c’est le dumping monétaire qui est le plus difficile à admettre. Depuis plus de deux siècles et Adam SMITH, le père de l’économie politique, tous s’accordent à considérer que l’échange international est profitable à tous sous réserve que certaines règles soient respectées dont le retour à l’équilibre par la modification des taux de change.

Un pays en déficit structurel doit déprécier sa monnaie pour que la modification des prix relatifs lui permette de retrouver de la compétitivité. En sens inverse, un pays en excédent structurel doit apprécier sa monnaie pour écorner sa compétitivité et permettre le retour à l’équilibre. Á défaut l’échange n’est pas équitable.

Alors que l’Empire du milieu ne cesse d’accumuler des excédents commerciaux et que ses partenaires cultivent des déficits, les autorités de Pékin continuent de manipuler leur monnaie en la dépréciant, au lieu de la réévaluer. Elles font du dumping monétaire pour continuer à inonder le Monde avec leurs produits. Alors qu’en 1993, 1 dollar valait 8,77 yuans, il s’échange aujourd’hui à un peu plus de 7 yuans malgré l’accumulation de 3 000 Md$ de réserves de change. Nombreux sont les observateurs qui considèrent que le point d’équilibre du dollar se situe entre 3,5 et 5 yuans.

Malgré son admission aux institutions de Bretton Woods (Banque mondiale et Fonds monétaire international) et à l’OMC, les Chinois ne s’inscrivent dans aucune démarche de gouvernance internationale :

  • Quoique membre des Institutions de Bratton Woods, la Chine n’a pas hésité à créer la Banque asiatique d’investissements concurrente directe de la Banque mondiale et de la banque asiatique de développement.

  • Ils ne respectent pas les décisions onusiennes de sanctions à l’égard de la Corée du Nord, de l’Iran ou de la Russie. Parallèlement, ils soutiennent la dictature de MADURO qui ne cesse d’enfoncer la Venezuela dans une crise humanitaire sans précédent.

  • La Chine fait aussi cavalier seule sur le sujet de la dette africaine ; elle a déjà annulé certaines dettes, mais elle l’a fait de manière bilatérale, en dehors des règles collectives du Club de Paris. La procédure multilatérale est essentielle pour empêcher qu’un créancier obtienne des contreparties dolosives.

Donald TRUMP a essayé de contenir la puissance économique de la Chine ainsi que ses visions hégémoniques en mer de Chine qui compliquent les relations avec de nombreux pays asiatiques comme la Corée du Sud, le Japon, les Philippines, ou le Vietnam. Cela a conduit Donald TRUMP à multiplier les points de friction avec la Chine. Le sursaut américain eût plus efficace s’il avait porté sur la gestion du Yuan et s’il s’était inscrit dans une démarche collective avec les autres membres du G7.

Tel un joueur de go, l’Etat chinois est un véritable stratège qui avance pion après pion pour encercler et conquérir des territoires. Cela est impressionnant surtout en rapprochant cette posture chinoise, du happening permanent trumpien, du changement régulier des politiques américaines avec l’élection d’un nouveau président, des velléités européennes ou des aventures poutiniennes…

La pandémie ne va pas arranger la situation de l’Europe qui ne retrouvera probablement pas de croissance avant 2022, ou des États-Unis qui vont, une nouvelle fois, faire face aux incertitudes de la transition. La Chine peut continuer à développer sa stratégie et à conforter ses positions.

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