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L’Union européenne a mieux protégé ses populations de l’impact de la mondialisation que le reste du monde. Mais quid de demain ?
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C’est Thomas Piketty, le plus américain des économistes français et l’un des plus critiques du système capitaliste, qui le dit. L’Europe a vu ses inégalités s’accentuer, mais beaucoup moins qu’ailleurs.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Alors que les eurosceptiques et les souverainistes ne cessent de critiquer les disfonctionnements de l’Union européenne en ressentant les inégalités que l‘Europe aurait générées et n’hésitent pas à durcir ce discours à l’approche des élections européennes, les partisans de l’Europe ont du mal à participer à ce débat.

Ce débat est surtout nourri dans les vieux pays de l’Union européenne (les membres fondateurs), parce que dans les pays nouvellement arrivés, les populations n'ont aucun doute.

Les trois pays Baltes par exemple, l’Estonie, la Lettonie, la Lituanie, qui sont arrivés dans l’Union européenne en 2004, et dans la zone euro entre 2011 et 2015, vont aborder les élections européennes dans la plus grande sérénité. Pour la majorité des populations, l‘Union européenne ne suscite aucun doute quant à son utilité. Leur niveau de vie s’est amélioré, la liberté de faire commerce et des affaires est totale et les marchés se sont ouverts.

Dans chacun de ces pays, les Russes, qui sont restés après l’indépendance, continuent de vouer à Vladimir Poutine une fidélité forte et une confiance qui les empêche de faire confiance à l'Union européenne, mais ils sont minoritaires et peu actifs politiquement.

En fait, dans ces pays nouveaux, la majorité des populations défendent leur indépendance et leur souveraineté mais considèrent que l’Union européenne reste le meilleur moyen de se protéger contre les puissances étrangères et pour garantir leur prospérité.

« Quand je me regarde je me désole, si je me compare, je me console ... ». Il faudrait sans doute que les eurosceptiques de tous les pays appliquent ce vieux dicton, d’autant qu’une étude leur apporte cette semaine les moyens chiffrés de le prouver.

Le rapport édité par le Laboratoire sur les inégalités mondiales (World Inequality Lab, WIL), dont fait notamment partie l’économiste Thomas Piketty, compare la situation économique (macro et micro) dans 38 pays, pour la plupart européens, et ce depuis 40 ans. Les conclusions sont assez étonnantes et vont à l'encontre de beaucoup de phénomènes ressentis par les eurosceptiques. Le rapport contient des informations essentielles sur l’évolution des inégalités, valide et invalide quelques idées reçues.

Premier point, l’écart de revenu n’est pas significatif entre les pays, il l’est en revanche entre les types de population à l’intérieur des Etats. Chaque pays a son lot de gilets jaunes, de populations déclassées et touchées par la précarisation des emplois. Ceux qui résistent le mieux à l’installation des inégalités, avant impôts et redistribution, sont sans surprise les pays du Nord : Danemark, Suède, Norvège et Finlande.

En revanche, les riches sont devenus plus riches, c’est une constante que l’on retrouve dans le monde entier, dans n’importe quel pays et qui a donc favorisé l’accroissement général des inégalités. Mais les auteurs notent qu’il s’agit tout de même d’une augmentation trois fois moins élevée pour l’Europe que pour les Etats-Unis. Les pays membres de l’Union européenne s’en sortent beaucoup mieux que les pays d’Amérique ou d’Asie.

Deuxième point, le modèle européen est bien celui qui est jugé le plus distributif, c’est-à-dire qu’il distribue mieux les fruits de la croissance à toutes les franges de la population, malgré une croissance globalement plus faible en Europe qu’aux Etats-Unis. Les revenus des Européens sont donc ceux qui progressent le plus après impôts et prestations sociales, de plus d’un tiers contre une stagnation de celui-ci pour les Etats-Unis. Le modèle social appliqué dans la plupart des pays européens est donc le plus protecteur du monde.

Le problème est que nos mécanismes de création de richesses sont plus grippés et couteux.  

Troisième point, le rapport pointe alors du doigt une baisse de l’imposition en Europe, et donc un risque potentiel sur la pérennité de cette générosité distributive.  Pour les auteurs du rapport, il faudrait donc pour limiter ce risque mettre en place des « politiques fiscalescommunes afin d'arrêter la course à la dégressivité (sic) de l'impôt dans laquelle se sont lancés les Etats membres depuis trois décennies" Des impôts qui ont baissé surtout à cause d’une concurrence fiscale accrue entre les pays sur la baisse de l’imposition des sociétés pour une meilleure attractivité de leur territoire et une augmentation globale des taux réduits ou normaux de TVA.

Jamais assez d’imposition :  c’est là qu’on retrouve la teinte Piketty. Lui qui s’est exprimé devant une université newyorkaise la semaine dernière, dans le cadre d’une conférence sur la mondialisation et le creusement des inégalités

Le français a rappelé que la réduction des inégalités devait passer par une plus grosse taxation des entreprises et des plus grandes fortunes.

Il faut dire que le débat fait rage aussi de l’autre côté de l’Atlantique, celui d’une taxation des gros patrimoines, avec la proposition d’une candidate à l’investiture démocrate, Elisabeth Warren, de taxer 2% tout patrimoine au-dessus de 50 millions.

Un “ISF à l’américaine, puissance 10“, s’est exclamé Thomas Piketty. « Compte-tenu du rythme de croissance du nombre de milliardaires, cela ne va pas être suffisant pour freiner la concentration de richesse. (…) Cela pourrait encore être plus élevé “ Disons-le, le rêve de Thomas Piketty, c’est un ISF européen voire mondial.

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