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L’intelligence artificielle avait abîmé la beauté des échecs, voilà comment elle pourrait la renouveler
©BILL GREENBLATT / AFP

Ennemi trop coriace

DeepMind, le laboratoire d'intelligence artificielle d'Alphabet, apprend à l'IA à faire des fautes lorsqu'elle joue aux échecs, afin qu'elle s'humanise... et rendre l'idée de jouer contre un logiciel de nouveau attrayante.

Catherine Bréchignac

Catherine Bréchignac

Catherine Bréchignac, ancienne directrice générale puis présidente du CNRS, secrétaire perpétuel honoraire de l'Académie des Sciences, elle est aujourd'hui ambassadrice déléguée à la science, la technologie et l'innovation. 

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Atlantico : Les ordinateurs agissent sur les échecs comme une sorte de GPS : rapide, efficace mais dénué de charme. DeepMind, le laboratoire d'intelligence artificielle d'Alphabet, a "humanisé" le logiciel en le programmant de manière à ce qu'il commette des fautes à des fins d'"exploration créative". Quelle est l'utilité scientifique de ces travaux?

Catherine Bréchignac : Les échecs sont un jeu qui se joue à deux avec des règles de mobilité des pièces sur l’échiquier parfaitement définies. Un bon joueur d’échec est considéré comme intelligent, mais on doit se poser la question de quelle intelligence s’agit-il lorsqu’il lutte contre l’ordinateur ? [C’est ce que nous discutons avec Arnaud Benedetti dans notre livre Le progrès est-il dangereux ?] En introduisant des fautes de jeu de la part de l’ordinateur, c’est la réaction de l’homme devant l’erreur qui est intéressante. L’utilité scientifique de ces travaux est d’explorer, devant une telle faute, si l’humain utilise son intelligence « combinatoire », qui est certes moins bonne que celle de la machine, ou s’il utilise une intelligence de situation qui fait intervenir ses sens.

Que ce soit Kasparov, Fischer ou Vladimir Kramnik qui collabore de près au programme de DeepMind, ces grands Maîtres s'accordent sur le fait que l'intelligence artificielle pousse à repenser les échecs. N'est-ce pas une allégorie de la société actuelle qui se voit contrainte à se réinventer?

Depuis que Kasparov a perdu la partie d’échecs face à Deep Blue en 1997, une rupture s’est produite dans le monde des joueurs d’échecs, les paris n’avaient plus d’intérêt et les grands joueurs d’échecs ont perdu leur gagne pain puisque la machine dominait le jeu. Mais Kasparov a extrêmement bien rebondi ; il aide maintenant DeepMind à trouver les faiblesses des logiciels. Chaque nouvelle technologie remet en cause l’ordre établi, et savoir s’adapter et réinventer la société est une marque de notre intelligence.

Quelles autres utilités scientifiques voyez-vous à ce type de travaux? 

Indispensable en informatique, de telles études sont à la base de la programmation des robots qui sont construits pour éviter à l’homme les travaux fastidieux et répétitifs et permet au monde industriel de minimiser les coûts de production et de relocaliser les entreprises. Cependant l’intelligence humaine doit permettre aux robots d’être au service des hommes et non l’inverse. La traduction automatique des langues a fait d’énormes progrès et l’on pourra aisément communiquer avec des personnes dont la langue nous est étrangère. La recherche de nouveaux médicaments utilise aussi ce type de travaux. Ils permettront aussi de repérer ce qui dans l’intelligence humaine relève de l’automatisme de ce qui relève de l’intuition.

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