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L'industrie financière a obtenu un comité budgétaire européen.
L'industrie financière a obtenu un comité budgétaire européen.
©Reuters

A marche forcée

La Commission veut achever l’Union bancaire, à laquelle il ne manque plus qu’un pilier: un fonds européen de garanties des dépôts bancaires en cas de faillite.

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe est le fondateur du cabinet Parménide et président de Triapalio. Il est l'auteur de Faut-il quitter la France ? (Jacob-Duvernet, avril 2012). Son site : www.eric-verhaeghe.fr Il vient de créer un nouveau site : www.lecourrierdesstrateges.fr
 

Diplômé de l'Ena (promotion Copernic) et titulaire d'une maîtrise de philosophie et d'un Dea d'histoire à l'université Paris-I, il est né à Liège en 1968.

 

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Toujours aussi sourde aux attentes des peuples, l'industrie financière européenne impose de nouveaux transferts de souveraineté à marche forcée au sein de l’Union. En toute discrétion et dans l’indifférence des médias subventionnés, la Commission Européenne a lancé un nouveau plan qui accélère le mouvement.

La Commission Européenne au secours de l'industrie financière

faut lire attentivement les « mesures concrètes » dévoilées par la Commission Européenne mercredi dernier pour comprendre le mouvement qui se prépare.

L’Union économique et monétaire européenne (UEM) se porte bien mieux aujourd’hui qu’avant la crise financière. Toutefois, malgré les progrès réalisés, notamment en ce qui concerne le renforcement de la gouvernance économique et la mise en place de l’Union bancaire, l’UEM reste incomplète. Les écarts de performances économiques au sein de la zone euro sont importants.

Comme toujours, ce plan se justifie par la croissance, l’emploi, la justice sociale, la lutte contre l’exclusion. C’est bien connu, l'industrie financière est la meilleure amie de la solidarité.

L'industrie financière et ses grands objectifs

Par une sorte de provocation (inconsciente?), la Commission a décidé d’agiter tous les chiffons rouges qui font aujourd’hui la colère des peuples. Elle parle d' "achèvement de l’Union bancaire" comme préalable à l' "Union financière", et à "l'Union des marchés de capitaux". Toutes ces expressions sonnent toujours de façon épidermique à certaines oreilles, et tout se passe comme si la Commission cherchait vraiment à soulever une tempête contre son projet.

L'industrie financière et les garanties bancaires

La Commission veut achever l’Union bancaire, à laquelle il ne manque plus qu’un pilier: un fonds européen de garanties des dépôts bancaires en cas de faillite. Il s’agit concrètement de mutualiser dans l’Union la garantie apportée aux déposants dans une banque qui fait faillite. La Commission propose sur ce point un dispositif de bon sens.

La Commission proposera un système fondé sur la réassurance, qui permettra de conserver les systèmes nationaux des États membres.

L’objectif est d’éviter de faire peser sur un Etat très endetté le coût d’une garantie des dépôts nationaux. Cette idée a le don d’exaspérer l’Allemagne, qui a refusé le principe de ce dispositif lors du sommet du 16 octobre. Les Allemands n’ont en effet pas envie de payer pour le déposant grec… Manifestement, la France n’a pas ce souci.

L'indu obtient une voix unique de l’euro au FMI

Sans que personne n’y prenne garde, les pays de l’Union devraient accepter de perdre leur siège au FMI au profit d’une représentation unique de la zone euro. C’est en tout cas ce que l’Allemagne a obtenu au conseil d’octobre et que la Commission s’empresse de transcrire dans les textes. La représentation de la zone euro devrait être confiée au président de l’Eurogroupe (en l’état, le très rigide hollandais Jeroen Dijsselbloem).

Les Grecs apprécieront la manoeuvre, qui consiste à déléguer la représentation de leurs intérêts au FMI à l’un de leurs principaux bourreaux!

L'industrie financière obtient un comité budgétaire européen

Prélude à un « gouvernement économique de l’Europe » tant vanté par l’excellent François Hollande comme solution à tous nos maux, la Commission a décidé de mettre en place un comité budgétaire européen consultatif, qui devrait donner un avis sur les politiques économiques nationales.

La Commission met actuellement sur pied un conseil budgétaire européen consultatif indépendant qui sera chargé i) d’évaluer la mise en œuvre du cadre budgétaire de l’UE, ii) d’émettre des avis sur l’orientation budgétaire appropriée pour la zone euro dans son ensemble, iii) de coopérer avec les conseils budgétaires nationaux des États membres et iv) d’émettre des avis ad hoc à la demande du président.

L’Europe met le doigt dans l’engrenage d’un transfert durable de la souveraineté économique: les ministères des Finances des Etats membres ne seront bientôt plus que des succursales d’un super-ministère logé à la Commission Européenne.

L'industrie financière européenne, délabrée et inquiète

Ce coup d’accélérateur donné à l’Union financière – qui constitue le seul projet d’avenir dans l’Union aujourd’hui – ne tombe pas du ciel. Il s’explique par les fortes inquiétudes que l'industrie financière  européenne nourrit sur sa propre situation. Son état de délabrement avancé (malgré les fanfaronnades des marchés financiers) l’oblige à une fuite en avant en foulant aux pieds les aspirations populaires (car l'industrie financière déteste le populisme et la démagogie et sait mieux que tout le monde ce qui convient aux citoyens).

L'industrie financière mise à mal en Italie

L’absence de reprise économique durable depuis la Grande crise de 2008 met de nombreuses entreprises à l’épreuve et épuise le système financier européen. L’Italie en a donné la preuve cette semaine, avec la faillite de trois petites banques due à l’insolvabilité de ses entreprises créancières.

La Banque d’Italie a placé les trois banques — Banca Marche, Banca Popolare dell’Etruria et Cassa di Risparmio di Ferrara (Carife) — sous administration, des audits ayant révélé des failles dans leurs comptes. Les détails du plan du sauvetage ne sont pas encore définis mais comme les banques ont un besoin urgent en liquidités, un fonds à l’origine mis sur pied par les banques italiennes pour garantir les dépôts des clients a été mobilisé par les autorités pour fournir l’essentiel de l’argent nécessaire.

On comprend mieux l’empressement des financiers à mutualiser au niveau européen le coût de ces opérations.

L'industrie financière inquiète la BCE.

La situation des petites banques (mais notre petit doigt nous dit « pas que ») suscite en effet des inquiétudes fortes, au point que la Banque Centrale Européenne a décidé de s’y intéresser de très près. Le gendarme bancaire européen, qui dépend d’elle, devrait donc prochainement soumettre celles-ci à des stress tests. Cette manoeuvre permettra d’évaluer un peu mieux les dégâts à prévoir dans le secteur.

La résolution des crises bancaires au coeur du débat

Dans cet ensemble inquiétant, la question du « qui paie en cas de faillite bancaire » reste le sujet majeur. Pour y répondre, la Commission a adopté une directive dite « BRRD » (Redressement et résolution des crises bancaires) dont la transposition dans les droits des Etats devait être achevée au 31 décembre 2014. La France a tardé à agir mais a finalement adopté une ordonnance n° 2015-1024 du 20 août 2015 qui fait la part belle aux actionnaires en cas de défaut (ceux-ci peuvent bénéficier d’un apport d’un fonds de garantie assez rapidement).

La Commission attaque 6 Etats

Avec une diligence exceptionnelle, la Commission Européenne vient de déférer devant la Cour de Justice de Luxembourg les six Etats qui n’ont pas encore transposé cette directive (pour mémoire, beaucoup de directives sont transposées avec plusieurs années de retard): les Pays-Bas, le Luxembourg, la République Tchèque, la Pologne, la Roumanie et la Suède.

Manifestement, la Commission s’inquiète…

La BCE constate les dégâts

Cette ambiance morose est accrue par la triste situation économique de la zone euro. L’inflation ne repart toujours pas, malgré l’intervention massive de la BCE sur les marchés, dont le seul résultat est de nourrir une dangereuse bulle sur les marchés financiers. Mario Draghi a donc fait comprendre qu’il intensifierait encore son intervention en décembre.

Malgré ces « bonnes » nouvelles, les analystes n’anticipent pas de retour de l’inflation à 2% avant 2020. Encore 5 ans d’économie administrée avant un retour à la norme. Voilà qui est très réjouissant.

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