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L’Europe face aux défis migratoires
©Omer MESSINGER / AFP

Bonnes feuilles

Bruno Tertrais publie "Le Choc démographique" chez Odile Jacob. Sommes-nous prêts au choc démographique qui s'annonce ? Vieillissement rapide de la population mondiale, urbanisation effrénée, immigration toujours plus importante... Ce n'est pas seulement notre quotidien qui change, mais aussi les équilibres stratégiques. Extrait 2/2.

Bruno Tertrais

Bruno Tertrais

Directeur-adjoint à la Fondation pour la Recherche Stratégique (FRS).

Spécialiste des questions stratégiques

Dernier ouvrage paru : La revanche de l'Histoire, aux Editions Odile Jacob

 

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Les Européens sont de grands migrants. Pas moins de 61 millions d’entre eux vivent à l’étranger – dont 69 % (43 millions) sur le continent. Soit plus de la moitié du total des immigrés qui résident sur celui-ci et qui sont aujourd’hui 82 millions, soit 22 de plus qu’au tournant du siècle. Et, de par sa situation géographique et économique plus enviable que ne l’est celle de son environnement, l’Union européenne attire naturellement les migrants de l’Est et du Sud, que ceux-ci soient à la recherche d’un emploi ou fuient la guerre.

L’appel aux migrants

Si on a vu plus haut que la notion d’appel d’air était problématique, il est difficile de nier que les politiques publiques relatives au regroupement familial, à la régularisation des clandestins, à la naturalisation, à l’asile et au secours des migrants peuvent avoir un impact sur la direction et  l’ampleur des flux entrants. Prenons l’exemple de la Belgique : sa politique généreuse en matière d’immigration familiale (la moitié de la migration légale dans le royaume), de régularisation et de naturalisation a contribué à un afflux d’un million de Marocains et de Turcs dans les années 2000. Autre exemple : celui du Royaume-Uni. Sous Tony Blair et Gordon Brown, la promotion délibérée du multiculturalisme et du libéralisme économique a conduit à l’ouverture à l’immigration en provenance des pays du Commonwealth, qui a triplé entre 1997 et 2004, puis en provenance de l’Europe centrale et orientale. Barbara Roche, la secrétaire d’État britannique à l’Asile et à l’Immigration, ouvertement favorable à la « diversité », ne se doutait probablement pas, au tournant du siècle, qu’elle contribuerait à changer le destin politique du Royaume-Uni. Voulant donner des leçons de libéralisme à ses partenaires européens, le gouvernement décida en effet à ce moment-là, à l’image de l’Irlande et de la Suède, d’ouvrir le pays à la libre circulation des ressortissants des nouveaux membres de l’Union européenne, sans la période de transition légalement possible – en pensant que cela n’attirerait que quelques milliers d’individus chaque année. Résultat ? Près d’un million de travailleurs est-européens, essentiellement polonais, sont arrivés en dix ans. D’où une augmentation de la population active (14 % entre 2000 et 2015) qui a largement dépassé celle de la population totale (11 %2). Autrement dit, les responsables britanniques avaient fait la même erreur que leurs prédécesseurs de 1948, lesquels, en permettant les anciens sujets de l’Empire d’obtenir la nationalité britannique, pensaient que peu d’entre eux seraient intéressés. Quant à la décision historique de Mme Merkel d’offrir l’asile à tous les réfugiés syriens (25 août 2015), inspirée par son propre passé d’Ossie rêvant d’émigrer à l’Ouest, véritable tremblement de terre politique, elle a dû être rectifiée par un accord entre l’Union et la Turquie (mars 2016) par lequel Ankara s’engageait à reprendre sur son territoire les migrants atteignant la Grèce.

Le brassage européen

L’immigration sur le continent européen fait apparaître deux grands courants : d’une part, un mouvement Est-Ouest – qui suscite parfois des comparaisons douteuses avec les invasions des siècles passés – de l’Asie centrale vers la Russie, de la Russie vers l’Allemagne et de l’Ukraine vers la Pologne, de la Pologne vers l’Allemagne et le Royaume-Uni ; et un afflux d’immigrants du Sud vers le Nord, en provenance du Moyen-Orient et d’Asie, mêlant demandeurs d’asile des pays en guerre et jeunes Africains en quête d’une vie meilleure. Cette immigration peut parfois, à elle seule, contrebalancer la décroissance naturelle de la population : cela a été le cas, dans la décennie 2010, pour la Biélorussie, l’Allemagne, l’Italie et la Russie. Ce dernier pays est ainsi un véritable carrefour migratoire. 

Au sein même de l’Union, la liberté de circulation mais aussi la crise économique des années 2010 ont accéléré les migrations internes. À partir de 2004 et l’ouverture des frontières britanniques, suédoises et irlandaises aux nouveaux entrants, on a vu se produire un afflux de Polonais en Europe de l’Ouest : près de 3 millions d’entre eux se sont installés, notamment, au Royaume-Uni et en Allemagne. Quant aux Roumains, ils ont élu domicile de préférence en Italie, en Espagne et en Allemagne5. Le nombre de ressortissants des nouveaux pays membres « venus à l’Ouest » est passé de 1 million en 1997 à près de 5 millions en 2009. Et, depuis 2011, quantité de jeunes Européens d’Europe du Sud (Portugal, Espagne, Grèce, Italie) sont partis vers l’Allemagne – même si les retours ont désormais commencé avec l’amélioration de la situation économique. Les Ukrainiens ont ensuite remplacé les Polonais (et les Moldaves, les Roumains) : ils sont aujourd’hui plusieurs millions en Pologne (leur nombre exact étant difficile à évaluer au vu de la forte proportion d’illégaux) et représentent un cinquième des flux entrants sur le territoire de l’Union6. La Pologne a délivré plus de 600 000 premiers titres de séjour en 2018.

Extrait du livre de Bruno Tertrais, "Le Choc démographique", publié chez Odile Jacob.

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