L’AG des actionnaires de Stellantis va rouvrir « la chasse aux patrons » trop payés...<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Atlantico business
Carlos Tavares lors d'une conférence de presse, à Francfort-sur-le-Main, le 11 septembre 2019.
Carlos Tavares lors d'une conférence de presse, à Francfort-sur-le-Main, le 11 septembre 2019.
©Tobias SCHWARZ / AFP

Atlantico business

L’assemblée générale des actionnaires de Stellantis, qui s'ouvre aujourd'hui à Amsterdam, s’annonce mouvementée en raison des 36 millions de salaire demandés par Carlos Tavares, ce qui passe mal malgré les résultats excellents du groupe.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

Voir la bio »

La majorité des actionnaires et les sociétés qui les conseillent sont bien décidés semble-t-il à demander des comptes aujourd’hui à Carlos Tavares sur le montant du salaire qu'il réclame, dans la mesure où ils considèrent de plus en plus que le PDG d’une entreprise aussi brillante soit-elle a une responsabilité de régulation sur le fonctionnement du capitalisme international. 

En fait, les actionnaires veillent à ce que leur entreprise respecte trois objectifs qu’elles doivent se fixer. 

D’abord, les résultats économiques et financiers du groupe par rapport aux promesses faites. Sur ce point, Stellantis a évidemment rempli les engagements. Stellantis est devenu l'un des trois plus gros groupes automobiles du monde depuis la fusion avec Fiat. C’est un groupe d’origine européenne, avec un ADN européen puisqu'il a marié des marques aussi fortes que Peugeot-Citroën et Fiat-Chrysler, et qu'il a surtout conforté une position mondiale incontournable, puisque plus de 45 % du chiffre d’affaires est réalisé aux États-Unis, dans des conditions de compétitivité remarquable par rapport aux principaux concurrents. Le groupe a dégagé près de 20 milliards d’euros de bénéfice l'année dernière et 10 % ont été distribués aux salariés du groupe. Les prévisions présentées à l’AG tiennent compte du changement des conditions géopolitiques, notamment en Chine et aux États-Unis. Sur ce point , Carlos Tavares a fait un sans faute . 

Ensuite, c’est le deuxième objectif. Les actionnaires de Stellantis sont désormais, comme tous les actionnaires occidentaux, très vigilants sur la réalisation des efforts en matière de RSE, responsabilité sociale et environnementale. Alors que les critères de jugement sont parfois assez flous, les compromis choisis par Carlos Tavares entre la contrainte économique et financière et la contrainte sociale et écologique sont assez convaincants dans une conjoncture géopolitique très incertaine comme c’est le cas actuellement. Cela dit dans le contexte actuel l’industriel est tributaire des données politiques  que ce soit à New-York , à Bruxelles ou à Pekin.. Et ces contraintes politiques sont difficiles à gérer . 

Enfin, troisième objectif, les actionnaires attendent des conseils d’administration qu'ils fassent preuve de responsabilité dans la fixation des rémunérations parce que la rémunération est un symbole du fonctionnement du système. Et sur ce point, la demande de salaire faite par Carlos Tavares passe mal. Avec un salaire global de 38 millions sur l’année, le président de Stellantis s’installe parmi les PDG du monde les mieux rémunérés. Les sociétés conseils aux actionnaires font remarquer que la rémunération médiane dans la liste des patrons du CAC 40 est à 5 millions d’euros. La rémunération médiane aux États-Unis est de 15 millions. Si l'on prend l'ensemble du secteur automobile, le salaire de Carlos Tavares est 3,5 fois plus élevé que la moyenne. 

Le débat est difficile à trancher. Il peut même dégénérer sur le terrain politique. D’un côté, Stellantis respecte complètement les règles fixées par le code de gouvernance d'entreprise écrit par l’Afep et le Medef, dont on retrouve les éléments dans la loi Sapin de 2016, à savoir que les actionnaires sont appelés à se prononcer sur les conditions de la rémunération du PDG. Sauf qu’il peut suivre ou pas la décision des actionnaires sur ce point . Carlos Tavares n’est pas le premier patron confronte à ce problème .

D'un autre côté, les actionnaires ne sont pas tous convaincus des critères retenus par le conseil d’administration pour fixer cette rémunération. Le conseil d’administration peut reprendre les critères de résultats économiques et financiers, il peut retenir les efforts réalisés dans la conversion à l’électrique, mais il regarde surtout l'état du marché des patrons dans le monde, et chez Stellantis on a tendance à se référer au marché américain où les salaires de patrons sont beaucoup plus élevés qu'ailleurs compte tenu de la part variable.

Or même en Amérique, on commence à dire que les salaires versés par les grandes entreprises du digital notamment sont exorbitants. En Europe, la référence américaine passe mal. L'idée de transférer et d’appliquer les habitudes du capitalisme américain au capitalisme européen n’a pas la cote. Carlos Tavares le sait... quand il compare sa rémunération à celle du PDG de General Motors, contre l'avis de ses actionnaires, il en a le droit puisque la règle appliquée à Amsterdam l’autorise à le faire. 

Cela étant, c’est un débat très compliqué car il pèse sur l'acceptabilité du système capitaliste en Occident. Par sa réussite industrielle incontestable, Carlos Tavares est devenu un modèle inspirant et un symbole de ce qui se passe dans le monde patronal, qui n’ignore pas que le système capitaliste, comme base d’organisation, est attaqué dans une grande partie du monde tout comme la démocratie libérale l'est comme base d’organisation politique. La responsabilité d’un grand patron dépasse et de loin les frontières de son entreprise, et sa rémunération est un élément très visible de cette responsabilité.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !