Kamala Harris, la plus mauvaise des vice-présidentes américaines depuis 30 ans ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Kamala Harris participe lors d'une cérémonie de dépôt de gerbes au cimetière américain de Suresnes dans le cadre de sa visite en France.
Kamala Harris participe lors d'une cérémonie de dépôt de gerbes au cimetière américain de Suresnes dans le cadre de sa visite en France.
©SARAHBETH MANEY / POOL / AFP

Historique

En visite à Paris, la vice présidente de Joe Biden voit sa popularité s’effondrer et fait l’objet de nombreux questionnements sur sa capacité à remplir sa fonction outre-Atlantique.

Gérald Olivier

Gérald Olivier

Gérald Olivier est journaliste et  partage sa vie entre la France et les États-Unis. Titulaire d’un Master of Arts en Histoire américaine de l’Université de Californie, il a été le correspondant du groupe Valmonde sur la côte ouest dans les années 1990, avant de rentrer en France pour occuper le poste de rédacteur en chef au mensuel Le Spectacle du Monde. Il est aujourd'hui consultant en communications et médias et se consacre à son blog « France-Amérique »

Il est aussi chercheur associé à  l'IPSE, Institut Prospective et Sécurité en Europe.

Il est l'auteur de "Mitt Romney ou le renouveau du mythe américain", paru chez Picollec on Octobre 2012 et "Cover Up, l'Amérique, le Clan Biden et l'Etat profond" aux éditions Konfident.

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Atlantico : La vice-présidente des Etats-Unis est arrivée en France et a rencontré Macron ce mercredi après-midi. Quel sens donner à cette visite ?

Gérald Olivier : C’est une visite diplomatique qui est censée participer à l’amélioration des relations entre la France et les Etats-Unis à la suite de l’affaire des sous-marins australiens. Les Américains cherchent à donner des gages à la France, prouvant qu’elle est un partenaire important. Toutefois, on sait très bien qu’aux Etats-Unis, le vice-président n’a aucun pouvoir. Il n’a qu’un rôle consultatif. Il demeure président du Sénat, ce qui est important, notamment actuellement car cette chambre est divisée à 50/50 entre Démocrates et Républicains. Cela permet à Kamala Harris de pouvoir apporter le vote décisif, le cas échéant, ce qu’elle a déjà fait à deux reprises pour faire passer des textes favorables aux Démocrates. Mais le plus souvent le vice-président est le « préposé aux chrysanthèmes », c’est-à-dire aux rendez-vous officiels, diplomatiques et de façade.

Le journal américain The American conservative estime que Kamala Harris est la  VP est la plus faible à occuper ce poste. Partagez-vous ce constat ?

Ce sont les Américains qui font ce constat. Sa cote de popularité depuis son entrée à la Maison Blanche ne cesse de baisser et se trouve aujourd’hui à seulement 28%. Kamala Harris a déçu sur toutes  les missions qu’on lui a confiées. Elle aborde sa tâche avec un certain dédain, voire de l’arrogance. Joe Biden lui a confié la gestion de la crise migratoire, c’est-à-dire de l’afflux de dizaines de milliers de migrants clandestins à la frontière mexicaine. Elle n’a rien fait ou presque rien. Elle ne s’est même pas rendue sur place. Sous prétexte de s’attaquer au « causes profondes » des migrations elle s’est rendue au Guatemala et au Mexique, où elle a été reçue officiellement par les présidents de ces pays, pour discuter du problème. Elle a réduit sa mission à une séance photo. Et elle a soigneusement évité de rencontrer les gardes frontières, qui sont confrontés tous les jours à cette crise, des maires de villes envahis par les migrants, des résidants locaux confrontés à une nouvelle insécurité et des gouverneurs d’Etats estimant que le gouvernement fédéral ne remplit pas son devoir qui est de sécuriser les frontières. Elle a évité toute rencontre sérieuse, et toute scène pouvant être nuisible à son avenir politique.  Cela lui a été reproché, même par des Démocrates, et des journalistes plutôt favorables à la cause Démocrate, et sa réponse à été d’en rire. Ce qui a été très mal perçu par les Américains. On note d’ailleurs qu’elle a une tendance, face aux questions difficiles, à rire ou ricaner. Les Américains ont aujourd’hui une très mauvaise opinion d’elle. Kamala Harris est ambitieuse et pense d’abord à sa carrière et ça finit par se voir. Elle espère bien sûr succéder à Joe Biden, voire qu’il lui cède sa place avant la fin de son mandat et c’est la seule chose qui compte pour elle.

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Kamala Harris, déjà plus qu’une vice présidente ?

Même dans la presse française, on souligne la difficulté de Kamala Harris à briller ou même à trouver sa voie. Qu’est-ce qui explique ce phénomène ?

Kamala Harris est « phony », elle est bidon pour le dire familièrement. C’est une femme noire dont on nous raconte qu’elle a dû traverser des épreuves et vaincre l’adversité pour parvenir là où elle est. C’est parfaitement faux. La réalité est même inverse. C’est parce qu’elle est une femme et parce qu’elle est Noire qu’elle a eu une telle carrière. Elle a été la bonne personne au bon moment au bon endroit. Elle est née après la loi sur les droits civiques des Noirs et elle a bénéficié des programmes de discrimination positive à l’école, ainsi que de bourses scolaires. Elle a commencé sa carrière dans uen Amérique qui voulait promouvoir les minorités et les femmes. Dans sa campagne pour devenir procureure du district de San Francisco, elle a souligné que tous ses prédécesseurs étaient des hommes blancs et qu’il était temps que ça change. Elle-même a donc fait campagne sur sa race et son sexe. 

Il faut aussi rappeler comment et pourquoi elle a été choisie vice-présidente. Candidate à la nomination présidentielle démocrate elle a renoncé avant même les primaires. Parce qu’elle était à 3% dans les sondages. Joe Biden de son côté s’est retrouvé en mauvaise posture, nettement battu lors des deux premières primaires de l’Iowa et du New Hampshire, en février 2020. Il était impératif pour lui de gagner en Caroline du Sud et pour cela il a passé un marché avec l’homme politique noir local le plus influent, Jim Clyburn. Clyburn mobilisait la communauté noire en sa faveur, en échange Biden s’engageait à désigner une personne noire comme vice-président. Biden souhaitant de son côté que son co-listier soit une femme, le choix de Kamala Harris était évident.

Sur le fond Kamala Harris manque de principes, elle n’a pas de vision de l’Amérique, elle se contente d’agir en fonction de son intérêt immédiat. Du coup elle a des positions politiques qui évoluent au gré des situations. C’est un personnage qui n’a pas de colonne vertébrale et qui a donc du mal à se placer.  Elle a pu faire illusion quelques semaines, au tout début de sa campagne présidentielle en 2019, mais les Américains ont perçu sa vacuité, son manque de constance et de consistance, et cela se reflète dans sa piètre popularité. 

Qu’est-ce qui a pu faire la force de ses prédécesseurs et qui lui manque ?

Pour le choix d’un vice-président, il y a deux options. La première c’est de prendre quelqu’un qui apporte des votes. La seconde est ce qu’il peut apporter pendant le mandat. En 1960, Kennedy choisit Lyndon Johnson parce qu’il peut lui permettre de remporter le Texas, un état conservateur, dont il est le sénateur. Biden a choisi Harris, une femme noire, pour conforter sa position vis-à-vis du vote noir et du vote féminin. Il ne l’a pas choisi pour ce qu’elle pourrait faire, une fois à la Maison Blanche. 

Le dernier vice-président fort était Dick Cheney, dans lequel certains voyaient l’éminence grise de George W. Bush. Il avait des positions marquées, des soutiens forts chez les Républicains et il a exercé une influence considérable sur la politique étrangère de Bush. Joe Biden n’a pas été un vice-président fort, là où Obama était un président fort mais il a su se faire élire sur une campagne anti-Trump. Mike Pence n’était pas un vice-président fort mais il était l’homme de la situation grâce à son influence auprès de l’électorat conservateur et des chrétiens évangéliques. Al Gore a été huit ans le vice-président de Bill Clinton pendant des années prospères et malgré cela il n’arrive pas à se faire élire président en 2000. George H. Bush arrive à utiliser le reste de l’influence Reagan pour emporter la Maison Blanche en 1988, mais il n’a pas été capable de gagner un second mandat. Les vice-présidents ne sont pas des personnages forts mais ils bénéficient simplement d’une visibilité qui en fait des candidats naturels à la présidence. 



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