Joe Biden se préoccupe (enfin) des dommages causés par les réseaux sociaux sur nos enfants. Et nous ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Les réseaux sociaux – ou asociaux – sont toxiques et ont une dimension insidieuse, par leur tyrannie imposant un idéal de performance et de beauté qui engendre beaucoup de pression sur une population fragile.
Les réseaux sociaux – ou asociaux – sont toxiques et ont une dimension insidieuse, par leur tyrannie imposant un idéal de performance et de beauté qui engendre beaucoup de pression sur une population fragile.
©Christophe SIMON / AFP

Défi de société

Dans une tribune au Wall Street Journal, Joe Biden alerte sur les dommages causés par les réseaux sociaux sur les enfants. Ce qui nous interroge sur notre capacité à prendre ce problème à bras-le-corps.

Michael Stora

Michael Stora

Michael Stora est l'auteur de "Réseaux (a)sociaux ! Découvrez le côté obscur des algorithmes" (2021) aux éditions Larousse. 

Il est psychologue clinicien pour enfants et adolescents au CMP de Pantin. Il y dirige un atelier jeu vidéo dont il est le créateur et travaille actuellement sur un livre concernant les femmes et le virtuel.

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Atlantico : Joe Biden a écrit dans une tribune :  "Je m'inquiète de la façon dont certains acteurs du secteur collectent, partagent et exploitent nos données les plus personnelles, approfondissent l'extrémisme et la polarisation dans notre pays, font basculer les règles du jeu de notre économie, violent les droits civils des femmes et des minorités, et mettent même nos enfants en danger." En quoi est-ce important que ce diagnostic soit posé par le président des Etats Unis ?

Michael Stora : Cela fait un moment que Joe Biden se soucie de la question. Il le fait désormais dans le cadre d’une vraie tribune où il énonce sa volonté d’une politique de transparence et de travail sur la collecte de données au vu de l’influence que les réseaux sociaux ont sur la santé mentale des adolescents. On le sait grâce à Frances Haugen, la lanceur d’alerte de Facebook qui a montré l’ampleur du problème. Il est évident qu’il faut qu’à un moment ou un autre, l’Etat puisse intervenir. Aux Etats-Unis, la liberté d’entreprendre est certes importante, mais quand elle commence à devenir toxique par son impact sur la santé mentale, il faut s’en préoccuper. Au-delà des éternelles craintes sur le cyberharcèlement et les cyberprédateurs, on se rend de plus en plus compte que – peut-être – les plus grands prédateurs sont les GAFAM eux-mêmes. Les réseaux sociaux – ou asociaux – sont toxiques et ont une dimension insidieuse, par leur tyrannie imposant un idéal de performance et de beauté qui engendre beaucoup de pression sur une population fragile. Nous savons désormais que Facebook et Twitter clivent la société, en présentant par exemple des gens qui pensent uniquement comme nous.

"Nous devrions limiter la publicité ciblée et l'interdire complètement pour les enfants." Est-ce un premier pas dans la bonne direction ? Est-ce faisable ?

Normalement, Facebook et consorts sont interdits aux moins de 13 ans car ces derniers ne peuvent pas être des cibles publicitaires. Mais quand Mark Zuckerberg a envisagé un Instagram Kids, il visait des futurs cibles en devenir. Le modèle économique tient à l’idée que plus l’on reste sur les réseaux, plus l’algorithme va être capable de nous cerner et de nous proposer des choses qui nous intéressent. Je remets un peu en cause cette idée, car l’être humain est très mouvant. Mais le problème ce n’est pas tant la pub que l’influence politique, comme on l’a vu avec Cambridge Analytica. Méta travaille sur des mesures de « bonne conscience », il devait enlever des pub Nike, ils ne l’ont jamais fait.

En France y a-t-il des gens au pouvoir qui se soucient de ces enjeux ?  Est-on incapable de faire changer les choses ?

Je fais partie des gens qui alertent. Un collectif de pédopsychiatres international a écrit à Mark Zuckerberg pour lui demander de travailler ensemble en raison des dommages de Facebook sur les jeunes. Nous sommes nombreux à alerter, mais il ne faut pas oublier qu’Emmanuel Macron a lui-même reçu Mark Zuckerberg. Il n’y a guère que la CNIL qui alerte, mais elle ne traite pas du sujet de l’impact toxique des réseaux sur les jeunes – et sur nous -. L’urgence c’est la santé des jeunes et des grands ados. Aujourd’hui, les 18-30 sont ceux qui font le plus appel à la chirurgie esthétique. C’est une réalité de la société. Et les réseaux sociaux amplifient le malaise.

Pourquoi n'y a-t-il pas la même alerte en France ? Pourquoi votre livre, par exemple, n’a pas plus d’écho ?

Je me souviendrais toujours d’un journaliste qui, alors que j’étais invité à un débat, m’a dit que j’étais rabat-joie. Et les jeunes, eux, n’ont pas du tout conscience du problème car ils ont le nez dedans. J’ai eu l’occasion de rencontrer Cédric O, l’ancien secrétaire d’Etat au numérique. Pour lui, l’enjeu était la souveraineté numérique française : de grandes start-up françaises pour concurrencer les GAFAM. Mais cela passe à côté du problème, d’autant que certains start-uppeurs n’ont pas non plus une grande éthique. Si l’on regarde les tentatives de réglementation qui ont été entreprises, c’est avant tout pour se donner bonne conscience. Aujourd’hui, les cours d’EMC incluent le numérique, mais ce n'est pas à la hauteur. Il faudrait engager une réflexion sociétale. 

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