Joe Biden, l’homme qui aura présidé à l’écroulement de la pax Americana<!-- --> | Atlantico.fr
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Le président américain Joe Biden lors d'une réception à la Maison Blanche, le 22 septembre
Le président américain Joe Biden lors d'une réception à la Maison Blanche, le 22 septembre
©SAUL LOEB / AFP

Nouveau désordre mondial

Guerre en Ukraine, conflit entre le Hamas et Israël, montée des tensions entre la Chine et Taïwan ... Les États-Unis, confrontés à une situation budgétaire problématique et à de nombreuses crises, voient ainsi leur rôle menacé sur la scène internationale

Guillaume Lagane

Guillaume Lagane

Guillaume Lagane est spécialiste des questions de défense.

Il est également maître de conférences à Science-Po Paris. 

Il est l'auteur de Questions internationales en fiches (Ellipses, 2021 (quatrième édition)) et de Premiers pas en géopolitique (Ellipses, 2012). il est également l'auteur de Théories des relations internationales (Ellipses, février 2016). Il participe au blog Eurasia Prospective.

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Atlantico : Des inquiétudes émergent à Washington concernant la guerre entre l’Ukraine et la Russie ainsi que sur le conflit entre le Hamas et Israël. Les américains s’interrogent aussi sur le maintien de leur soutien financier à l’Ukraine. Ces inquiétudes sont-elles justifiées ?  

Guillaume Lagane : Les États-Unis sont dans une situation qui n'est pas facile parce qu’ils ont affronté beaucoup de déconvenues dans leur politique étrangère récente. On peut penser bien sûr à l'échec de la contre-offensive en Ukraine et à la pression de la Russie sur les lignes ukrainiennes qui font redouter une chute de Kiev qui viendrait s'ajouter à celle de Kaboul en 2021. Par ailleurs, le retour de la question israélo-palestinienne peut fragiliser leur situation au Moyen-Orient avec une divergence avec leur allié israélien qui est en lutte contre le Hamas au prix de nombreuses pertes civiles. Enfin, il y a la question de la Chine qui continue de se poser. Les menaces sur Taïwan et la montée en puissance de l'armée chinoise sont autant de défis à la domination américaine en Asie. 

Mais le principal problème dans l'immédiat, c'est l'absence de consensus dans la classe politique américaine avec la difficulté à concilier une majorité démocrate qui est travaillée par son aile gauche, souvent sympathisante de la cause palestinienne et très attachée aux dépenses sociales. De l'autre côté, la majorité républicaine au congrès, à la Chambre des représentants, est dominée par l'aile la plus radicale. Elle est à la fois méfiante vis-à-vis de l'Ukraine, méfiante aussi vis-à-vis des dépenses publiques aux États-Unis et désireuse de les réduire. Sauf sur la question de l'immigration. Donc, les difficultés à adopter le budget américain, les menaces de shutdown ne sont pas nouvelles. Mais dans le contexte de politique étrangère dont je viens de parler, elles revêtent une acuité particulière et effectivement, elles menacent la place des États-Unis sur la scène internationale.

L'administration Biden se prépare aussi à une montée des tensions entre la Chine et Taïwan. Combien de conflits internationaux les Etats-Unis peuvent- ils gérer en même temps ?

Aujourd'hui, les États-Unis ne sont engagés directement dans aucun de ces conflits. Ils soutiennent massivement depuis l'année dernière l'armée ukrainienne. D’après le Washington Post, ils ont même proposé à Kiev des plans d'attaque pour la contre-offensive mais les Ukrainiens ont préféré une autre stratégie qui ne s'est pas avérée victorieuse. S'agissant d'Israël, les États-Unis contribuent à la défense de l'État hébreu à travers leur aide annuelle. Surtout, depuis le début de la crise avec le Hamas, ils donnent à Tsahal d'importants stocks de munitions qui permettent à l'armée israélienne d'opérer dans la bande de Gaza. Enfin, les Etats-Unis ont un soutien indirect à Taïwan par le biais de livraisons d'équipements. 

A ce stade aujourd'hui, ils ne sont pas amenés à soutenir directement un conflit. Si ça se produisait, on peut quand même penser que l'armée américaine, qui est la première du monde, aurait des capacités à relever la confrontation. D’ailleurs, les États-Unis viennent de faire la démonstration d'un bombardier furtif, le B-21, qui est aujourd'hui le plus avancé du monde et qui montre que l'armée américaine, outre ses capacités en termes d'effectifs, a aussi des équipements de tout premier ordre.

2024 sera-t-elle une année clé pour la politique étrangère des États-Unis ?

Oui, tout à fait. D'abord sur le plan économique, il va quand même falloir résoudre le problème de l'absence de majorité claire au congrès qui fait que les États-Unis ont été dégradés par certaines agences financières et que leur situation budgétaire est quand même très problématique. La dette américaine est à 120 % du PIB ! Elle est supérieure à la nôtre et elle est à peu près au niveau historique où elle était au lendemain de la Seconde Guerre mondiale alors que les États-Unis ne sont engagés dans aucun conflit direct. Donc, il y a quand même une nécessité de remettre la maison américaine en ordre sur le plan financier. 2024 peut être cette opportunité avec les élections présidentielles. On semble parti pour une répétition de l'affrontement entre Joe Biden et Donald Trump, mais peut- être y aura- t-il des surprises heureuses avec par exemple l’élection de Nikki Halley, une candidate républicaine modérée.

Les crises internationales peuvent aussi être à l'origine de graves problèmes pour les États-Unis. Si, par exemple, la Chine décidait de se lancer à l'assaut de Taïwan alors même que les américains sont occupés sur le front ukrainien et en Israël ; ce serait très compliqué de résister à cette offensive chinoise. Il y a sans doute aussi la nécessité d'augmenter aux États-Unis les dépenses militaires, de se mettre véritablement en économie de guerre pour alimenter les alliés. Et également d’encourager le réarmement des Européens qui doivent prendre leur part du fardeau.

La Pax Americana, cette paix américaine imposée après la Seconde Guerre mondiale en 1945, est-elle menacée ? 

Je ne sais pas si les difficultés évoquées suffisent à prononcer l’acte de décès de la Pax americana. C’est vrai que les Américains perdent leurs zones d’influences : l’Asie du Sud-Est en 1975, puis l’Iran en 1979 leur grand ami du Moyen-Orient et maintenant peut-être l’Ukraine. Mais la Pax Americana a encore quelques atouts. Les Etats-Unis sont à l’avant-garde technologique, c’est une puissance économique (25% du PIB mondial) et le dollar est toujours une monnaie d’échange très forte. Mais il est vrai que les Américains sont réticents à rester les gendarmes du monde. On le voit en Afrique où ils n’interviennent pas beaucoup. Si quelqu’un peut jouer ce rôle de gendarme, c’est pourtant eux. Les Etats-Unis ont encore des capacités financières et militaires sans équivalent. Il existe un vaste réseau de bases américaines à travers le monde. Les Etats-Unis ont encore un rôle irremplaçable. Jusqu’à quand ?

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