Jean-Yves Tadié : les clefs du génie proustien <!-- --> | Atlantico.fr
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Jean-Yves Tadié a publié une biographie de Marcel Proust.
Jean-Yves Tadié a publié une biographie de Marcel Proust.
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Jean-Yves Tadié est l’auteur d’une biographie de Marcel Proust en deux volumes (Folio) qu’il enrichit à l’occasion du centenaire de la mort de Proust.

Annick Geille

Annick Geille

Annick GEILLE est journaliste-écrivain et critique littéraire. Elle a publié onze romans et obtenu entre autres le Prix du Premier Roman et le prix Alfred Née de l’académie française (voir Google). Elle fonda et dirigea vingt années durant divers hebdomadaires et mensuels pour le groupe « Hachette- Filipacchi- Media » - tels Playboy-France, Pariscope et « F Magazine, » - mensuel féministe (racheté au groupe Servan-Schreiber par Daniel Filipacchi) qu’Annick Geille baptisa « Femme » et reformula, aux côtés de Robert Doisneau, qui réalisait toutes les photos d'écrivains. Après avoir travaillé trois ans au Figaro- Littéraire aux côtés d’Angelo Rinaldi, de l’Académie Française, AG dirigea "La Sélection des meilleurs livres de la période" pour le « Magazine des Livres », tout en rédigeant chaque mois pendant dix ans une chronique litt. pour le mensuel "Service Littéraire". Annick Geille remet depuis sept ans à Atlantico une chronique vouée à la littérature et à ceux qui la font : « Atlantico-Litterati ».

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« À la recherche du temps perdu »est une fiction de Marcel Proust publiée en septtomes ( 1913 à 1927). Une « œuvre-monde » explorable à l’infini.Attention, chef-d’œuvre ! Cette fresque monumentale est une méditation sur la mémoire, l’art et le temps. « À la recherche du temps perdu »est considéré (dans le monde entier) commele meilleurroman de tous les temps. Ainsi que le soulignel’éminent spécialiste de Proust Jean-Yves Tadié dans «  La Cathédrale du Temps » (Folio) :« Une des qualités d’« A la recherche du temps perdu » est de s’intéresser aux gens simples, au monde de la campagne, aux classes populaires. Cet intérêt était celui de Proust lui-même».

Romancier, essayiste etéditeur ( il a longtempsprésidé aux destinées de Folio), Jean-Yves Tadié estprofesseur émérite de littérature à l’Université de Paris-Sorbonne et ancien professeur à l’Université d’Oxford ;il estpar ailleurs l’éditeur d’ « À la recherche du temps perdu » dans la Pléiade. Il est (entre autres) l’auteur de très nombreux ouvrages consacrés à Prousttels que :« Proust et le roman », « Lectures de Proust », « Proust (Découvertes), « Le Lac inconnu, Marcel Proust, croquis d’une épopée », « Proust et la société ».

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Jean-Yves Tadié : Proust et la société

Jean-Yves Tadiéest aussile préfacier des « Soixante-quinze Feuillets », inédit de Proust publié par Gallimard en 2021 « Car les insaisissables « soixante-quinze feuillets » de 1908 sont une pièce essentielle du puzzle. Bien antérieurs au Contre Sainte-Beuve, ils ne font pas que nous livrer la plus ancienne version d’À la recherche du temps perdu. Par les clés de lecture que l’écrivain y a comme oubliées, ils donnent accès à la crypte proustienne primitive. « Un livre est un grand cimetière où sur la plupart des tombes on ne peut plus lire les noms effacés », lit-on dans Le Temps retrouvé. Un lecteur ajoute : (cf.« En 1908, Proust ébauche dans ces précieux feuillets l'oeuvre d'une vie. Il ne s'est pas encore affranchi d'éléments biographiques par trop patents aussi y affleurent encore les ombres des bien-aimés : Jeanne sa mère vénérée, Robert le jeune frère jalousé, une grand-mère excentrique, un oncle libertin... Tout est déjà là, en place, le romancier en démiurge méticuleux ne fait que rassembler les pièces éparses de son titanique poème ».)

Jean-Yves Tadié est enfin l’auteur d’une biographie de Marcel Proust en deux volumes (Folio), qu’il enrichit à l’occasion du centenaire de la mort de Proust. Pourles lecteursd’Atlantico, voici un extrait de l’avant- propos.

Grâce au talent et au travail passionné de Jean-Yves Tadié, l’auteur de la « Recherche » reste vivant. Bravo.Annick GEILLE

« Pourquoi une nouvelle biographie de Proust ? Autant demander à un peintre pourquoi de nouvelles natures mortes, de nouveaux portraits. Un moment arrive où l’on croit pouvoir faire la synthèse des travaux existants, en rejetant ce qui paraît non vérifiable, en tenant compte des découvertes nouvelles, et surtout, ce que le travail d’éditeur permet seul de connaître, l’histoire des manuscrits, celle de l’œuvre à mesure qu’elle s’écrit : la véritable biographie d’un écrivain, d’un artiste, est celle de son œuvre. C’est aussi la seule qui ne se termine pas par la mort. Proust le disait de Ruskin : « Les événements de sa vie sont intellectuels et les dates importantes sont celles où il pénètre une nouvelle forme d’art. » Un autre trait de cet ouvrage est qu’il a voulu justifier toutes ses affirmations, d’où des notes abondantes — mais on n’est pas forcé de les lire —, qui renvoient aux preuves. Restent les questions non résolues, par suite de la disparition, momentanée ou définitive, de documents importants : la correspondance de Proust et d’Agostinelli, la plupart des lettres à son père et plusieurs de celles à sa mère. Les lettres reçues par l’écrivain ont été rarement conservées ; ses livres ont été largement dispersés. Or la tâche du critique est d’enclore une bibliothèque dans un seul livre ; celle du biographe, un homme (ou une femme). Bien souvent, lorsque le prestidigitateur ouvre sa boîte, l’homme a disparu, ou l’œuvre. Le romancier ne connaît pas l’âme de ses personnages dans tous ses recoins ; le biographe non plus ; il faut l’accepter. Nous montrons en quoi l’individu est d’abord un type  : l’enfant d’une famille bourgeoise, l’élève de Condorcet, celui de Sciences-Po, l’asthmatique, le « jeune poète » qui envoie plus de lettres qu’il n’en reçoit, le curiste aux bains de mer. Qu’est-ce qu’être écrivain en 1890, ou inverti, ou malade, ou médecin ? Par des coupes régulières dans l’histoire et la culture du temps, nous espérons échapper à l’ennui de l’anecdote trop particulière. Puis vient le moment où le grand artiste cesse d’être un type et, irrémédiablement différent, échappe à l’histoire et aux structures. Justement parce qu’interpréter est plus difficile que raconter, et qu’il faut faire la part de l’hypothèse, ce livre aussi est une démonstration. Depuis 1959 que nous publions sur Proust, nous avons inspiré d’autres travaux ; en un sens, nous reprenons maintenant notre bien. C’est le cas, notamment, de notre édition d’À la recherche du temps perdu dans la Bibliothèque de la Pléiade en 1987-1989, et de son introduction, dont on retrouvera des éléments ici, ceux qui racontent l’histoire de l’œuvre. Nous sommes simplement restés fidèle à nous-même. Après avoir étudié l’art de l’écrivain dans Proust et le roman, peint un panorama de la critique dans Lectures de Proust et publié, avec une équipe, l’essentiel des esquisses préparatoires du roman, et un choix abondant de ses variantes, il ne nous restait guère qu’à aborder cet irritant problème  : peut-on raconter la vie de Proust ? comment ? pourquoi ? On critique volontiers les biographies longues, érudites, 12 Avant-propos « à l’américaine », et les professeurs qui les écrivent. On ne trouvera pourtant pas dans ce gros livre un seul fait sans signification, et peu qui n’aboutissent à l’œuvre : c’est ainsi que, le plus souvent possible, nous avons daté l’introduction d’un thème, d’une image, d’un personnage, dans le roman en gestation, puisqu’il s’agit d’un seul roman. Proust a tout réutilisé de sa vie et de sa pensée. Et nous-même, quoique sans cesse dépassé par les surprises de son art, nous avons cru comprendre ce qu’il savait, ce qu’il pensait ou sentait, et avons voulu le transmettre aux lecteurs, à ceux, si nombreux à travers le monde, de l’Amérique à la Chine et au Japon, qui aiment cette œuvre et cet homme. Quelques faits inconnus, et une interprétation : une vie est comme une partition ; il y a bien des manières de la rejouer : ne pas abuser du rubato ; ne pas jouer non plus, comme disait la grand-mère du héros proustien, « trop sec ». Le ton du biographe, sa voix s’entendent et vieillissent. Tel est procureur ; tel autre, hagiographe ; tel autre, mélodramatique. Une vie s’interprète comme une sonate, ou une pièce de théâtre : mieux vaut alors imiter la Berma et choisir un jeu transparent, invisible. Ce qui n’est pas renoncer à écrire : le style est fait de sacrifices. »

« (…)La biographie d’un grand écrivain n’est pas celle d’un homme du monde, ou d’un pervers, ou d’un malade : c’est celle d’un homme qui tire sa grandeur de ce qu’il écrit, parce qu’il lui a tout sacrifié, et sa petitesse, du reste. Celle-ci compte, certes, mais elle est faite pour être vaincue. Jouhandeau a noté dans un carnet, qu’il n’a pas publié lui-même, des histoires de garçon de bains ; il eût mieux fait de réfléchir à l’histoire de Sodome et Gomorrhe, ou de montrer comment Proust est passé des unes à l’autre, par quelle métamorphose. Alors, quels événements composent une pareille existence ? On ne peut raconter une vie sans relier les événements qui la composent  : c’est le double sens du mot « relation ». Et pourtant, la vie est vécue au jour le jour dans la confusion, l’incertitude : Proust lui-même a longtemps craint de ne pouvoir réaliser sa vocation —  jusqu’en 1908 ; il avait alors trente-sept ans. Il écrit pourtant : « Tout s’enchaîne dans une vie d’artiste selon l’implacable logique des évolutions intérieures . » (…)

Copyright  Jean-Yves Tadié /Gallimard/Folio/Volume)

Proust inédit fait événement à la BNF

À l'occasion du 100e anniversaire de la mort de Marcel Proust, la BNF présente une exposition « qui réunit pour la première fois des pièces capitales et inédites ».Voir renseignements ci-dessous.

https://www.bnf.fr/fr/agenda/autour-de-lexposition-marcel-proust-la-fabrique-de-loeuvre

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