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Et si Placé avait raison :
François Hollande fait-il
sa campagne à l'envers ?
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Mitterrandologie

En reprochant à François Hollande de ne pas faire assez de socialisme, l'écologiste Jean-Vincent Placé a peut-être l'air d'un apparatchik allergique au principe de réalité, mais en termes de stratégie électorale, son analyse semble plus réaliste que celle du candidat PS.

David Valence

David Valence

David Valence enseigne l'histoire contemporaine à Sciences-Po Paris depuis 2005. 
Ses recherches portent sur l'histoire de la France depuis 1945, en particulier sous l'angle des rapports entre haute fonction publique et pouvoir politique. 
Témoin engagé de la vie politique de notre pays, il travaille régulièrement avec la Fondation pour l'innovation politique (Fondapol) et a notamment créé, en 2011, le blog Trop Libre, avec l'historien Christophe de Voogd.

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Atlantico : Jean-Vincent Placé a invité François Hollande à "faire du socialisme". Le sénateur écologiste reprocherait-il en fait au candidat PS son trop grand réalisme ?

David Valence : Avec ces déclarations, la direction d'Europe Ecologie-Les Verts cherche d'abord à "corriger le tir" vis-à-vis d'Eva Joly, après des épisodes qui pouvaient donner le sentiment d'un hiatus entre le parti et sa candidate sur la question des rapports avec les socialistes. Europe Ecologie-Les Verts n'a aucun intérêt à ce que ce fossé se creuse. Après avoir "recadré" discrètement Eva Joly pour des propos considérés comme trop intransigeants à l'égard du PS, il fallait sans doute que Cécile Duflot et Jean-Vincent Placé fassent un pas en direction d'Eva Joly, pour la ménager, elle, en même temps que les équilibres internes à EELV. Critiquer l'orientation stratégique des socialistes est une façon de montrer qu'EELV est, sur le fond, solidaire de sa candidate.

En outre, les écologistes sont irrités de voir François Hollande prendre petit à petit ses distances vis-à-vis d'un accord péniblement négocié avec le PS. Sur le nucléaire, il y a eu flottement. Sur le veto à l'ONU, rétropédalage ou presque. Quel point de l'accord législatif EELV-PS François Hollande va-t-il désavouer demain? On peut se poser la question. 

Cette situation incompréhensible pour le citoyen lambada tient à un carambolage de leaderships et de calendriers. C'est Hollande le candidat, mais c'est Aubry qui dirige le PS, et donc négocie avec EELV. Tout le monde a la tête à la présidentielle, mais le PS prépare les législatives avec les écologistes. D'où une impression de confusion. 

Au-delà de cet échange, la gauche a-t-elle effectivement un problème avec le principe de réalité ?

La gauche française est mal à l'aise, car elle sait qu'elle aura à conduire, en cas de victoire, une politique de rigueur. On a vu perspective plus réjouissante pour un retour éventuel au pouvoir, après dix ans d'absence! D'autant qu'une majorité de Français a intégré la nécessité du désendettement et redoute les sacrifices tout en les anticipant. 

En réalité, le candidat socialiste devrait idéalement tenir tous les bouts de la chaîne pour gagner. Il ne devrait pas décevoir une gauche très "old school", celle qui rêve de politiques de relance très ambitieuses et très coûteuses. Cette gauche qui n'a jamais digéré le tournant de la rigueur en 1983, et qui n'aime pas la mondialisation libérale : la gauche Montebourg et Mélenchon, si on veut. Si cette gauche-là se détourne de Hollande, il risque d'être derrière Marine Le Pen au 1er tour. C'est improbable pour le moment, mais nous sommes loin du scrutin...

Mais, dans le même temps, François Hollande doit incarner une gauche "réaliste", sous peine de perdre toute crédibilité, lui qui, désavantage supplémentaire, n'a jamais occupé de fonction gouvernementale. Il se sait attendu sur le désendettement, et sait aussi  qu'il ne pourra pas répondre que par la hausse des prélèvements obligatoires. Il lui faudra parler baisse de la dépense publique pour rester "présidentiable". Regardez comme son intervention au sujet des créations de postes dans l'Education nationale a, au contraire, été mal reçue dans les sondages!

Le pari de François Hollande, jusqu'à présent, est que le rejet de Nicolas Sarkozy sera suffisamment fort pour que la gauche de Mélenchon et de Montebourg vote pour lui dès le 1er tour. Son principal objectif est donc de combler son déficit d'image en terme de "présidentialité", c'est-à-dire de crédibilité. Mais beaucoup doutent, à gauche, de la validité de cette stratégie, outre qu'ils la contestent sur le fond. 

Jean-Vincent Placé a également conseillé au candidat socialiste de préparer le 1er tour de la présidentielle en rassemblant d'abord son camp, rappelant l'échec de Lionel Jospin le 21 avril 2002. Le risque de ne pas être présent au 2ème tour existe-t-il vraiment pour François Hollande ?

Jean Vincent Placé est un très bon connaisseur de l'histoire politique de notre pays. 

Or, les stratégies victorieuses lors des scrutins présidentiels ont souvent suivi ce schéma : cogner sur l'adversaire et rassembler son camp d'abord, pour mieux élargir le message à toute la France et se montrer ouvert dans les derniers jours qui précèdent le 1er tour. Souvenez-vous des attaques très violentes de François Mitterrand sur l'Etat-RPR en 1988, au moment de son entrée en campagne, puis, dans un second temps, des affiches rassembleuses flanquées de ce slogan lénifiant : "La France unie" !

Jean-Vincent Placé a raison de rappeler que Lionel Jospin avait fait exactement le contraire, en 2002, du Mitterrand de 1988. Il était entré en campagne en affirmant que son projet n'était pas socialiste. Avant de cogner sur Jacques Chirac et de "gauchir" sa campagne dans les dernières semaines, en mars 2002, avec des propositions comme l'objectif de "0 SDF en 2007". Son échec avait été retentissant.

Ségolène Royal n'est pas loin d'avoir commis la même erreur. Elle s'est d'abord montrée très iconoclaste vis-à-vis des valeurs de gauche, en critiquant les 35 heures, en parlant du drapeau tricolore, ... Puis elle a "retrouvé sa gauche" dans les derniers jours qui précédaient le 1er tour. En vain, là aussi.   

La primaire pour désigner le candidat socialiste à l'élection présidentielle a-t-elle donné à François Hollande les moyens de se passer d'un discours d'abord "marqué à gauche" ? Est-il vraiment considéré comme le rassembleur naturel de son camp? La crise a-t-elle bouleversé durablement les réflexes de l'électorat de gauche? Enfin, le rejet de Nicolas Sarkozy est-il suffisant pour pousser les électeurs de gauche à un vote utile en faveur de François Hollande au 1er tour ? A toutes ces questions, François Hollande semble répondre "oui". Encore une fois, c'est un pari...

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