Incendie de Notre-Dame : deux ans après le choc émotionnel, quelle place pour l’Eglise catholique en France ?<!-- --> | Atlantico.fr
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La cathédrale Notre-Dame de Paris est en restauration, deux ans après l'incendie qui a ravagé sa charpente.
La cathédrale Notre-Dame de Paris est en restauration, deux ans après l'incendie qui a ravagé sa charpente.
©ludovic MARIN / AFP

Notre Drame

Deux ans après l'incendie de Notre-Dame de Paris, l'émotion est retombée et, tandis que les travaux de restauration avance, l'église catholique fait face à d'autres défis liés à la crise sanitaire ou au projet de loi bioéthique.

Matthieu Rougé

Matthieu Rougé

Mgr Matthieu Rougé, évêque de Nanterre, est membre du Conseil Permanent de la Conférence des Evêque de France. Il a publié Un sursaut d’espérance. Réflexions spirituelles pour le monde qui vient aux Editions de l’Observatoire en novembre 2020.

 

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Atlantico : Alors que l’on commémore les deux ans de l’incendie de Notre-Dame de Paris, que reste-t-il vraiment de l’émotion et du sentiment d’unité qui a étreint le peuple français à ce moment-là ?

Mgr Matthieu Rougé : La nuit du 15 avril 2019, nuit de feu, de stupeur, de prières et de larmes, demeure pour un très grand nombre de personnes, croyantes ou non, Françaises ou pas, un souvenir indélébile. Le nombre de documentaires, d’émissions spéciales et d’interviews diffusés à l’occasion de ce deuxième anniversaire le manifeste. Constamment, on s’intéresse à l’avancement des travaux de restauration de la cathédrale. Les débats au sujet du mode de reconstruction de la flèche ou du choix des matériaux de la charpente montrent que personne n’est indifférent à l’avenir de notre « cathédrale nationale ». Il est normal qu’après un moment singulier d’émotion intense, la vie reprenne ses droits, d’autant qu’un autre incendie, celui du coronavirus, occupe sans partage le devant de la scène depuis plus d’un an. Malgré cela, l’image de Notre-Dame en flammes marque les cœurs au fer rouge, comme un signe paradoxal et de destruction et d’espérance.

A-t-on eu tort de croire que l’émoi pour Notre-Dame de Paris était dû à un sentiment catholique ? L’attachement à la cathédrale est-il plus sécularisé et dû à son rôle touristique que ce que l’on pouvait penser ?

L’émoi suscité par l’incendie de Notre-Dame a des racines variées. Il cristallise la complexité de notre situation historique, religieuse et culturelle. Notre-Dame, c’est à la fois : un des emblèmes les plus significatifs de Paris et de la France dans le monde entier ; un « lieu de mémoire », comme dirait Pierre Nora, où la France a rendez-vous avec elle-même, depuis l’arrivée de la Sainte Couronne au temps du roi saint Louis jusqu’à la Messe de Requiem pour François Mitterrand en passant le Magnificat de la Libération de Paris ; une source pour la foi, comme l’ont montré par exemple la conversion de Paul Claudel ou les obsèques du Cardinal Lustiger précédées par la prière juive du kaddish sur le parvis. Notre-Dame, c’est la cathédrale de la complexité française. Voilà pourquoi sans doute l’aventure de sa restauration est à la fois si compliquée et si passionnante

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Alors que de nombreux débats sociétaux agitent la France au sujet notamment du séparatisme islamiste, quelle place occupe l’Eglise catholique dans le pays?

Alors même que l’horizon médiatique est depuis plus d’un an monopolisé par la pandémie, une sorte de rouleau compresseur législatif a continué comme en catimini à remettre en cause les fondements anthropologiques de notre vie collective. Je pense à la révision des lois de bioéthique, aux propositions de loi sur la fin de vie et au projet de loi destiné à « conforter les principes de la République ». Ce dernier, qui répond légitimement à des radicalisations destructrices, nous a semblé poser cependant de vraies questions en matière de liberté d’expression, d’association et d’éducation. Sur un certain nombre de points, nous avons été entendus par les pouvoirs publics. La virulence anticatholique de certaines prises de position à l’Assemblée et au Sénat, analogue à celle de 1905, montre que l’Eglise est encore bien vivante : certains éprouvent aujourd’hui encore le besoin de la combattre, avec une étonnante violence verbale et intellectuelle. L’Eglise est fragilisée par une sécularisation toujours croissante, c’est incontestable, elle doit faire face à des contradictions mais elle ne se laisse pas « cornerisée ». Elle continue d’être l’avocate déterminée de la dignité humaine et de la liberté spirituelle.

La fermeture des églises et autres lieux de culte pour motif sanitaire a fait vivement réagir. Passé ce phénomène, comment la religion trouve-t-elle sa place par temps de pandémie ?

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Les lieux de culte, les églises en tout cas, n’ont jamais été fermés même si, durant les deux premiers confinements, les fidèles n’ont pas eu le droit de s’y rassembler. Pour les catholiques, il est très important que les églises demeurent ouvertes pour que chacun puisse s’y recueillir, déposer un cierge, faire une expérience sensible de la tendresse de Dieu. Il nous a fallu nous battre un peu en revanche pour faire valoir nos droits à la liberté de culte lors des deux premiers déconfinements. Il aurait été plus simple de régler les choses paisiblement, comme nous le souhaitions et le proposions, mais les recours au Conseil d’Etat ont eu au moins le mérite de rappeler formellement, urbi et orbi, le caractère fondamental de la liberté de culte, c’est-à-dire fondateur de toutes les autres libertés. Cela dit, nous n’avons pas été occupés seulement par la question cultuelle depuis le début de la crise sanitaire. Nous avons été fortement mobilisés par l’accompagnement des personnes en grande précarité, des familles en deuil et des personnes âgées sur-confinées. Les choses ont progressé depuis le premier confinement mais il y a encore des fermetures inacceptables dans certaines maisons de retraite voire dans des prisons. Respecter la personne humaine, ce qui est le fondement de la vie en société, c’est l’honorer et dans son intégrité physique et dans sa vocation relationnelle. La crise sanitaire en cours est aussi une crise spirituelle. Elle nous met tous à rude épreuve mais renforce aussi de façon salutaire l’exigence d’enracinement et de témoignage.

Mgr Matthieu Rougé a publié "Un sursaut d’espérance. Réflexions spirituelles pour le monde qui vient" aux Editions de l’Observatoire en novembre 2020.

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