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Immigration : la pression remonte nettement en Méditerranée
©Reuters

Une bombe prête à exploser

Depuis près de vingt ans, la démographie de l'Afrique a augmenté de façon exponentielle, conduisant la nouvelle génération, mieux instruite que les précédentes, à envisager son avenir à travers l'émigration vers l'Europe, faute de pouvoir trouver, dans leur pays d'origine, de possibilités de travail qui la satisfait.

Jacques Barou

Jacques Barou

Jacques Barou est docteur en anthropologie et chargé de recherche au CNRS. Il enseigne les politiques d’immigration et d’intégration en Europe à l'université de Grenoble. Son dernier ouvrage s'intitule La Planète des migrants : Circulations migratoires et constitution de diasporas à l’aube du XXIe siècle (éditions PUG).

 

 

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Atlantico : La Libye apparaît aujourd'hui comme la plaque-tournante des routes d'émigration provenant d'Afrique de l'Ouest et de la Corne de l'Afrique. Quelles sont les causes structurelles de cette situation ? 

Jacques BarouIl s'agit notamment du désordre qui règne actuellement en Libye, depuis la disparition de Kadhafi. À son époque, il y avait déjà des mouvements migratoires en provenance d'Afrique de l'Ouest ou de la Corne de l'Afrique à travers la Libye, mais ceux-ci étaient contrôlés. Certains arrangements passés entre le régime et certains États européens - dont l'Italie -  aboutissaient à ce qu'il y ait une rétention et à ce que certains migrants retournent dans leur pays d'origine. Désormais, la Libye n'est contrôlée par personne, ce qui explique que le passage soit facilité. Le travail des passeurs est de plus en plus rentable. Le système libyen est autant mafieux que politique avec des rivalités entre les différents groupes réclamant le contrôle du pays. Cette situation risque malheureusement de durer encore longtemps.

Il y a une autre cause structurelle à la situation actuelle : la forte expansion démographique des pays africains au cours des vingt dernières années. La nouvelle génération qui arrive est mieux instruite que la précédente, mais ne parvient pas à trouver, sur place, de possibilités de travail qui la satisfait. Elle ne voit donc son avenir qu'à travers l'émigration vers l'Europe. Dans ces pays africains, la croissance démographique a été plus rapide que la croissance des emplois : ces populations ne parviennent donc pas à satisfaire tous leurs besoins, notamment celui de réalisation de soi. Nous sommes face à une émigration essentiellement économique.

A lire également sur notre site : "Entre engagements de campagne généreux et constat sévère du Défenseur des droits sur l'attitude des autorités face aux migrants, où va la politique française sur l'immigration ?"

D'une source à l'autre, le nombre de migrants stationnant en Libye dans l'espoir de traverser la Méditerranée varie de 300 000 à 1 million. A cela s'ajoutent les prévisions démographiques pour l'Afrique à l'horizon 2050, qui pourrait voir sa population atteindre 2,5 milliards d'habitants. Quels sont les défis posés par cette immigration en provenance de la zone sahélienne ?

Il s'agit essentiellement de défis de contrôle ; nous ne pouvons pas accepter l'immigration aveuglément. Dans un certain nombre de pays européens, en France en particulier, la situation sur le marché de l'emploi tend à s'améliorer mais nous sommes loin de pouvoir absorber une masse de migrants aussi importante. Si cela était possible, nous pourrions faire ce qu'avait fait l'Espagne, il y a quelques années, avec un certain succès : les Espagnols avaient accepté, après accord avec les pays de départ, l'accueil d'un certain nombre de migrants qui étaient contrôlés et régularisés, et qui pouvaient travailler en Espagne, mais avec comme contrepartie un investissement dans le pays de départ pour éviter les départs "sauvages".

On le voit déjà avec ceux en provenance de Syrie, mais le nombre de migrants à la marge, ne bénéficiant d'aucune possibilité d'insertion, pourrait augmenter. 

Depuis plusieurs mois, les Européens ont tenté de reproduire avec la Libye ce qu'ils sont parvenus à accomplir avec la Turquie pour endiguer le flux des migrants, sans succès. Quel impact cela pourrait-il avoir sur le prochain Conseil européen du 22 juin consacré aux migrations ? 

Cela pourrait amener les pays européens à chercher une alternative, notamment celle consistant en une intervention directe – ce qui se fait déjà discrètement en Libye, pour éviter que ne se réinstalle l'État islamique. Cette intervention directe éviterait ainsi de donner de l'argent à l'État libyen alors que celui-ci est incapable de réguler les flux.

L'intervention pourrait aussi avoir lieu auprès de pays qui ont encore une capacité de gestion de leurs populations, ce qui est le cas d'un certain nombre de pays d'Afrique de l'Ouest qui jouent un rôle dans la dissuasion des départs.

Des possibilités de développement apparaissent également en Afrique, beaucoup plus qu'auparavant. Il ne faudrait pas qu'elle se prive d'une partie de sa main d'œuvre, qui est loin d'être la moins qualifiée. Cela pourrait passer par un appui à la création d'emplois et un soutien aux grandes initiatives, qui pourrait avoir un impact en chaîne sur le développement. 

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