Hugo Chavez, l’homme fort qui n’était plus que le pantin de La Havane<!-- --> | Atlantico.fr
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Hugo Chavez n'était que le pantin de La Havane.
Hugo Chavez n'était que le pantin de La Havane.
©Reuters

Mainmise

La transition politique post-Chavez au Venezuela est enrayée par Cuba, qui souhaite garder la mainmise sur le pays.

Eduardo Mackenzie

Eduardo Mackenzie

Eduardo Mackenzie est journaliste et écrivain. Il est notamment l’auteur de Les Farc ou l’échec d’un communisme de combat (Publibook, Paris, 2005).

 

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Article datant du 20 février paru dans le n°50 d'Histoire et Liberté, en vente actuellement

Il y avait comme un relent de sinistre farce dans l’épisode du 10 janvier 2013 à Caracas lorsque les plus hauts responsables du régime bolivarien, entourés par les chefs d’Etat des trois pays clients du Venezuela,  à savoir le Nicaragua, la Bolivie et l’Uruguay,  n’ont pas hésité à inaugurer un nouveau mandat de six ans du président Hugo Chavez alors que ce dernier  n’avait pu se présenter à la cérémonie.

A la place de Chavez, alité ou mort quelque part à Cuba, le vice-président sortant, Nicolas Maduro, ancien chauffeur de bus et syndicaliste, devenu par sa militance auprès d’Hugo Chavez ministre des affaires étrangères puis vice-président du pays, a pris la charge d’assurer l’intérim de l’invisible chef de l’Etat, car la veille le Tribunal suprême de justice (TSJ) avait résolu le casse-tête juridique d’une telle passation de pouvoir : la brillante solution trouvée consistait à ignorer carrément  la Constitution vénézuélienne qui exige la présence du président élu pour pouvoir prêter serment et commencer son nouveau mandat.

Tordant la logique des prétoires, la présidente du tribunal suprême, Cilia Flores, avait annoncé que le mandat de Chavez pouvait continuer sine die avec Nicolas Maduro.  Car, selon elle, « seul le président Chavez peut décider sur son absence ». Évidement, ces énormités  ont fait bondir des millions de vénézuéliens, et pas seulement ceux de l’opposition, laquelle a aussitôt estimé que la curieuse intronisation de  Nicolas Maduro équivalait à un auto-coup d’Etat. Pour l’opposition, un tel mandat, même provisoire,  n’est plus qu’un  « gouvernement de facto », sans légitimité.

Face à la disparition de fait d’Hugo Chavez, au pouvoir depuis 1999,  l’opposition a demandé ensuite la mise en place d’une nouvelle élection présidentielle. Mais les dirigeants du parti du gouvernement, le Parti Socialiste Uni du Venezuela (PSUV), en pleine lutte pour le pouvoir interne, et surtout leurs chefs tutélaires à La Havane, ont rejeté illico cette proposition.


Et la crise a gagné en ampleur. L’Eglise catholique qui n’a jamais été vraiment du côté de Chavez, n’est pas restée silencieuse. Bien au contraire, elle a critiqué aussi l’intronisation de Maduro. «Ne pas respecter la Constitution pour réaliser un objectif politique est moralement inacceptable», a déclaré Diego Padrón, l'archevêque de Caracas. La rue a exprimé son point de vue. Le 11 janvier, une manifestation d’étudiants universitaires qui protestaient à San Cristobal (Táchira)  contre « l’acte inconstitutionnel du 10 janvier », fut encerclée et attaquée par des hommes de la Garde Nationale Bolivarienne et de la police. Bilan : onze étudiants blessés.

Quant au MUD, le mouvement qui avait défendu la candidature modérée de l’avocat Henrique Capriles Radonski dans l’élection présidentielle du 7 octobre 2012, il a lancé un message d’alarme à  Mercosur : « L’aspect le plus préoccupant c’est que le TSJ a déclaré que le président Chavez n’est pas absent et qu’il contrôle  pleinement  ses fonctions. Or, il s’est trouvé  hors du pays pendant plus d’un mois et il n’est pas en mesure de signer le moindre communiqué officiel » .

Intraitable, Nicolas Maduro a répondu par de violentes menaces. Il a qualifié l’opposition de « golpista » et de « paramilitaire » avant d’ajouter : « Si vous ne reconnaissez pas le gouvernement légitime, en fonctions (sic) du président Chavez, alors nous prendrons contre vous des actions très contondantes ». Il a conspué également la presse « du monde » qui, selon lui, « ment tous les jours » à l’égard du régime de Caracas. Celle-ci avait en effet ironisé sur le fait qu’Hugo Chavez avait désigné Maduro pour être son successeur si quelque chose de fatal lui arrivait à La Havane.

Devant le durcissement brutal du régime, plusieurs organisations de l’opposition anti chaviste aux Etats-Unis ont signé un manifeste en annonçant la création d’un  «Parlement des Vénézuéliens à l'étranger dans les prochaines semaines » et la formation  d’une « grand Alliance nationale démocratique »  qui inclura « tous les secteurs de la société ».

Ceci serait, à leurs yeux, la meilleure plate-forme pour « résister  aux prétentions de Chavez de rester au pouvoir par un coup d'Etat constitutionnel illégitime». Toujours hésitant face aux agissements du chavisme, le gouvernement de Barack Obama s’est contenté de demander à Caracas des « renseignement plus précis» sur l’état de santé de Chavez. Au moins, en Europe, des observateurs avisés ont signalé que la situation au Venezuela était anormale. Pour ne citer qu’un exemple, l’hebdomadaire britannique The Economist a écrit : « L'an dernier, ils [les pays du groupe  Mercosur] ont suspendu le Paraguay  après que son président d’extrême gauche ait été destitué à la hâte pour avoir violé la Constitution. A présent, ils devraient suspendre aussi le Venezuela jusqu'à ce qu’il rétablisse sa propre Constitution. Hélas, quand il s'agit de défendre la démocratie en Amérique latine, les principes sont souvent violés  par des règles à double tranchant. Traiter M. Chávez comme un monarque absolu, dont le règne dure jusqu'à son dernier souffle, affaiblit la cause de la démocratie dans la région. »

Mais Chavez est loin d’être actuellement vu par tous comme un décideur incontournable. Trois jours avant la cérémonie à Caracas, Marco Aurelio Garcia, un haut conseiller du  gouvernement brésilien, avait révélé que ceux qui avaient décidé  que l’acte du 10 janvier se passerait de la sorte n’étaient autres que le haut commandement militaire cubain et le pouvoir brésilien, et qu’une telle décision avait été transmise à Nicolas Maduro sans que celui-ci, pas plus que Diosdado Cabello, président du Parlement vénézuélien,  n’aient eu la moindre possibilité de donner leur avis.

A l’instar des dictatures staliniennes, le peuple vénézuélien n’est pas en mesure de savoir, à l’heure actuelle, si Hugo Chavez est vivant ou mort. Au moment où se jouait cette mascarade à Caracas,  personne ne savait véritablement si le président serait un jour capable de reprendre les rênes du pouvoir. On le dit très malade, ou agonisant, voire « stabilisé », ou déjà mort. En tout cas, il a disparu des écrans radars depuis plus d’un mois, après avoir pris l’avion pour aller se faire opérer d’un cancer, pour la quatrième fois, à Cuba.

Détail mystérieux : début janvier 2013, Caracas avait fait savoir que Chavez avait envoyé une lettre pour demander la permission au Parlement vénézuélien d’être absent lors de la cérémonie du 10 janvier. Mais la lettre avait été signée par Maduro, pas  par le président.

Avec raison, beaucoup voient dans ces récentes péripéties à quel point la dictature cubaine, discrètement soutenue par le gouvernement brésilien de Dilma Rousseff, et avec la passivité complice d’autres gouvernements latino-américains, surtout de ceux qui ont bénéficié pendant des années des largesses du régime d’Hugo Chavez, a réussi à s'emparer des ressorts les plus intimes de ce que sera la transition du régime vénézuélien. Non seulement La Havane contrôle secrètement le traitement de la maladie qui est en train d’anéantir Hugo Chávez, mais elle profite de la situation en  imposant les détails et les conditions matérielles et financières qui devront présider selon elle, au dénouement politique général après la mort du leader de la révolution bolivarienne.

Dans un excellent article (1), le journaliste Bertrand de la Grange disait : « Nous avons ici le cas assez exceptionnel d'un État puissant [le Venezuela] dominé par une île insignifiante en termes géostratégiques. Par affinités idéologiques et personnelles, par l’éblouissement de Chávez devant le grand Fidel, le pays le plus important exportateur de pétrole de l'Amérique Latine a mis sa richesse à la disposition du régime cubain. [...] Tout ceci, qui a été vital pour Cuba dans les douze dernières années, risque à présent de se perdre si Chávez décède avant de prendre possession de son nouveau mandat. Et les frères Castro ne peuvent pas permettre cela, surtout quand l'île est en train de passer par des moments économiques difficiles. ».

C’est pour cela que ni Nicolas Maduro, pas plus que Diosdado Cabello et Cilia Flores n’ont  pu jouer le rôle qu’ils espéraient pouvoir exercer durant la disparition, provisoire ou permanente,  de Chavez. L’acte du 10 janvier a clairement montré qu’aucune des figures du PSUV, ni celles du Tribunal suprême de justice, ne pourront agir de manière autonome dans cette transition à haut risque, car les cubains leur ont arraché ce droit. Car ce que risque de perdre Cuba est énorme si le pouvoir change d’orientation au Venezuela.

A suivre...

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