Geert Wilders, révélateur des limites de la vague populiste en Europe ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Marine Le Pen et Geert Wilders.
Marine Le Pen et Geert Wilders.
©Michal CIZEK / AFP

Espoirs gâchés ?

Selon un sondage publié par Valeurs Actuelles, avec 36% des intentions de vote pour le 1er tour 2027, Marine Le Pen n’a jamais eu un tel potentiel électoral. Tout est-il pour autant aussi tracé qu’il y paraît ?

Jean-Yves Camus

Jean-Yves Camus

Chercheur associé à l'Iris, Jean-Yves Camus est un spécialiste reconnu des questions liées aux nationalismes européens et de l'extrême-droite. Il est directeur de l'Observatoire des radicalités politiques de la Fondation Jean-Jaurès et senior fellow au Centre for the Analysis of the Radical Right (CARR)

Il a notamment co-publié Les droites extrêmes en Europe (2015, éditions du Seuil).

 

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Atlantico : Les espoirs du dirigeant d'extrême droite Geert Wilders de former un gouvernement majoritaire aux Pays-Bas se sont effondrés, mardi 6 février, quand un parti clé des négociations de coalition s'est soudainement retiré en raison d'un différend sur les finances publiques. Qu'est-ce que cela dit, plus largement, des droites eurosceptiques en Europe ? Sont-elles si semblables que ça ?

Jean-Yves Camus : Il y a deux groupes actuellement de type eurosceptique au Parlement européen : Conservateurs et réformistes européens (ECR), puis Identité et démocratie (ID), le groupe auquel appartient le Rassemblement national. Je constate une certaine stabilisation de ces deux groupes politiques. Les droites radicales sont, semble-t-il, plus stables que dans les années 1980 et 1990. Il reste évidemment des différences qui sont liées aux contextes nationaux, parce que, évidemment, ces droites-là, ce sont des formations nationalistes d'abord. Donc, il peut arriver que d'abord des divergences surviennent entre elles sur tel ou tel point lié à l'histoire de leur pays respectif. Et puis, naturellement, elles doivent s'adapter à la demande politique de leur propre pays. Et on ne peut pas mettre les mêmes thèmes en avant dans les 27 pays de l'Union, et il y a parfois des contextes nationaux qui changent beaucoup. Ensuite, ce qui compte, ça va être le rapport de force arithmétique qui va s'établir le soir du seul et unique tour des européennes entre les partis qui veulent s'affilier aux deux groupes que je viens de citer et le reste du futur Parlement. On va dire que les deux groupes ECR et ID s'opposent à une forme de consensus qui s'est établi au Parlement européen entre d'un côté le PPE, les conservateurs classiques somme toute, les sociaux-démocrates, l'Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe (ALDE) et le groupe Renew auquel appartient la majorité présidentielle française. L'idée, pour eux, c'est de continuer sur la construction européenne, de renforcer la construction européenne, d'élargir la construction européenne. Or les deux autres groupes, c'est le contraire. Avec un changement important depuis quelques années. Beaucoup des partis populistes de droite radicale prônaient la sortie de l'Union européenne. Désormais, il ne prône plus la sortie, à quelques exceptions près. Ils prônent le changement des règles à l'intérieur de l'Union, autrement dit le fait de modifier l'orientation de l'Union européenne de l'intérieur des institutions. Donc ce qui va compter, ça va être le nombre de voix que ces deux groupes vont obtenir, notamment par rapport au nombre de voix que recueillera le PPE, qui reste le principal groupe de droite et selon l'écart qu'il y aura entre les deux, on va dire que le rapport de force à l'intérieur de l'ensemble des droites changera ou ne changera pas. Très probablement, il changera. Il changera sans que le PPE passe derrière les droites populistes radicales.

La guerre en Ukraine peut-elle aussi être un sujet de discorde ?

C'est un des contentieux principaux. On l'a vu pendant la crise des agriculteurs en France, parce que l'Ukraine est de très très loin le pays le plus grand, le plus peuplé, le plus puissant de ceux qui veulent encore adhérer à l'Union européenne. Donc. Il est possible que, par exemple, madame Meloni, qui siège aujourd'hui dans le groupe dont le parti siège dans le groupe ECR, ne soit pas totalement d'accord avec ceux qui souhaitent tout simplement arrêter ou réduire à un minimum l'aide à l'Ukraine. Madame Meloni était aussi très sceptique sur l'aide à l'Ukraine tant qu'elle était dans l'opposition. Depuis qu'elle est à la tête du gouvernement italien, elle a changé son fusil d'épaule parce que c'est le sens des intérêts de l'Italie, qui abrite les bases de l'OTAN. Et puis l'Italie ne souhaite pas se fâcher avec l'Union européenne et les bénéficiaires de fonds structurels qui sont énormes. Mais il y a d'autres sujets qui peuvent éventuellement être contentieux. Il est bien évident que la question de l'immigration, par exemple, les groupes ECR et ID militent pour une politique anti-immigration plus ferme, notamment face à l'immigration extra-européenne, mais pas de la même manière. Marine Le Pen l'a rappelé il n'y a pas longtemps : la remigration, ce n'est pas sa tasse de thé, elle ne préconise pas la remigration. Reconquête ! réclame la remigration. Mais vous avez aussi au sein du groupe ECR des partis qui ont une expérience gouvernementale, qui ont fait partie de coalitions. Je pense à la nouvelle Alliance flamande par exemple, qui a participé pendant plusieurs années au gouvernement fédéral, qui a détenu des postes des ministères régaliens et qui a effectivement mis en place une politique d'immigration plus restrictive, mais sans pour autant que ce soit une politique d'extrême droite. 

Peuvent-ils mettre de côté leurs différends ?

Pourquoi est-ce que des partis se retrouvent dans un même groupe au Parlement européen ? C'est pas forcément parce qu'ils sont sur la même ligne, c'est parce que dans tous les parlements du monde, les gens qui siègent comme non-inscrit n'ont pas de temps de parole et n'ont pas de moyens. Donc, à un moment donné, quand vous obtenez un certain nombre de sièges, vous êtes pratiquement obligé par le fonctionnement interne. Le règlement interne du Parlement, de faire partie d'un groupe. Vous devez laisser de côté un certain nombre d'incertitudes ou de divergences avec vos partenaires, parce que ce qui est à la clé, c'est d'énormes moyens de fonctionnement. C'est une visibilité.

Plus spécifiquement sur le cas français. Avec Marine Le Pen, on a l'impression qu'elle n'a jamais eu un tel potentiel électoral. Pour autant, est ce qu'elle arrivera nécessairement au pouvoir compte tenu de la vague qui est en train de la porter en ce moment ? Est-ce que son parti pourrait peser à l'échelle européenne ?

L’objectif du parti de Marine Le Pen, c'est avant tout de peser à l'échelle française. L'échelle européenne, c'est autre chose. Que Marine Le Pen préfère être la figure de proue du groupe Identité et démocratie, c’est absolument certain. Mais les objectifs de ces formations, c'est avant tout un objectif national. Pour eux, les européennes sont une élection intéressante parce que d'abord c'est une élection, un tour sur l'élection à la proportionnelle. Et c'est une élection qui permet pour le coup un vrai vote protestataire anti-Europe. Donc toute cette Europe est accusée d'à peu près tous les tous maux, tous les électeurs qui en fait ont quelque chose à reprocher à l'Europe. Je pense que c'est à cause de l'Europe que telle ou telle chose fonctionne mal. Ils peuvent se défouler sans que l'enjeu soit le même que l'élection, la présidence de la République. Donc c'est pour toutes ces formations populistes, c'est plutôt un bon scrutin.

En fait, tout y concourt. Moi, je pense que Marine Le Pen a évidemment en tête la présidentielle de 2027, bien avant les élections européennes. Pour autant, les élections européennes vont permettre à Marine Le Pen de mesurer deux choses. La première chose, c'est la popularité réelle, pas celle qu'on a dans les baromètres sur la côte de popularité des personnalités. Et puis la seconde chose, c'est de mesurer la dynamique qui entoure le Rassemblement national en vue de 2027. Parce qu'incontestablement, si la liste Rassemblement national fait un très bon score aux européennes, ça confirmera qu'il se passe quelque chose.

Elle gagne en crédibilité et sa victoire n'est plus aujourd'hui du domaine de l'impossible. Alors le score aux européennes permettra à Marine Le Pen de voir un peu où en est la dynamique de son parti, même si ce n'est pas elle qui est tête de liste.

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