Fête des pères : et s’il était grand temps de penser aussi la politique familiale pour les hommes ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Ce dimanche nous célébrons la fête des pères.
Ce dimanche nous célébrons la fête des pères.
©AFP / Sebastien SALOM-GOMIS

Pater familias

En général, si la politique entretient une une situation de charge déséquilibrée et subie en défaveur des mères, c'est qu'elle néglige le rôle des pères.

Rémy Verlyck

Rémy Verlyck

Rémy Verlyck est le directeur général du think tank Familles Durables, fondé au cœur de la crise sanitaire en 2021, dont le but est de penser les défis quotidiens des 19 millions de familles en France pour mieux les soutenir.

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Atlantico : Ce dimanche nous célébrons la fête des pères. Dans quelle mesure peut-on considérer que la politique familiale actuelle néglige le rôle du père ? 

Rémy Verlyck : En général, si la politique entretient une une situation de charge déséquilibrée et subie en défaveur des mères, c'est qu'elle néglige le rôle des pères. La durée obligatoire du congé paternité est récemment passée de 11 à 25 jours, dont 7 obligatoires, le reste devant être demandé par le père. C'est une avancée positive à souligner. Cependant, 3 nouveaux pères sur 10 ne demandent pas ce congé. Les précaires et les indépendants y ont moins recours que les autres. En Norvège, les hommes ont droit à 15 semaines payées à 100%. Ensuite, on peut évoquer la faillite de la réforme des congés parentaux de 2015, dont l'objectif était d'inciter les pères à en bénéficier pour favoriser le retour à l'emploi des femmes. Auparavant, la mère avait droit à 3 ans de congé dès le deuxième enfant. Désormais, cette durée est réduite à 2 ans. Revient au père de prendre la troisième année. Échec ! Moins d'1% des pères y ont recours à taux plein, c'est-à-dire 428 euros par mois. Si on veut vraiment que plus de pères prennent ce congé, il est impératif de le rendre économiquement attractif.

Quels pourraient être les intérêts d’une politique familiale qui prend en considération aussi bien le rôle des pères que celui des mères ?
Ces intérêts sont innombrables ! Améliorer le soutien politique à la paternité active et engagée est un levier très efficace pour améliorer la vie quotidienne des mères, qui dans les faits ressentent qu'on leur demande de travailler comme si elles n'avaient pas d'enfants, et d'élever leurs enfants comme si elles ne travaillaient pas. 
L'expérience du burnout parental, dont parle avec brio l'universitaire belge Isabelle Roskam démontre la tension et la solitude vécues par les parents dans nos sociétés occidentales modernes. Idéalement, on a besoin de plus de temps, de plus de flexibilité et de plus de lien, car on a moins de solutions en cas d'imprévu. Les familles sont plus éclatées géographiquement qu'il y a une ou deux générations, il est plus difficile de recourir aux grands-parents ou aux oncles et tantes. Comme les mères vivent souvent des doubles journées, une au travail et une à la maison, il est important de soutenir un changement tant politique que culturel permettant aux pères non pas "d'aider" mais de prendre une juste part aux tâches ménagères, de soin et d'éducation qui incombent à la vie de famille.
Par ailleurs, il est prouvé par la science que les enfants bénéficient énormément d'une présence accrue des pères, d'un point de vue psychologique et physique, et ce même avant la naissance. Pendant la grossesse, ils se développent mieux si leur mère n'est pas angoissée, dépressive.
Cette présence accrue des pères est l'occasion pour eux d'améliorer leurs capacités de soutien émotionnel, dont la recherche confirme l'impérieuse nécessité . Dans notre société, ce rôle était auparavant dévolu aux femmes, quand les hommes avaient pour rôle de subvenir aux besoins financiers. Aujourd'hui, les femmes remplissent les deux rôles mais de nombreux hommes demeurent émotionnellement moins proches de leur progéniture. Une meilleure communication émotionnelle active est importante pour l'équilibre des enfants et adolescents dont l'état psychologique s'est dégradé depuis le premier confinement. C'est peut-être encore plus vrai pour les garçons, qui ont besoin de modèles qui leurs donnent une autorisation à communiquer leurs sentiments. Le taux de violence, mais aussi de suicide chez les hommes est bien plus élevé que celui des femmes, il y a donc un problème important à régler, et une paternité plus active et engagée est une des solutions. Il est aussi prouvé par la science que les hommes a qui ont permet vraiment de s'occuper de leurs enfants sont plus heureux ! Bref, tout le monde y gagne. Même ceux qui n'ont pas d'enfants ont intérêt à ce que leur société permette une vie de famille épanouissante pour chacun. Il en va de la cohésion sociale et de l'efficacité de la dépense publique.

A quel point cet investissement dans une politique familiale plus équilibrée serait-il rentable à court, moyen et long terme ?
L'argent investi dans la petite enfance via le soutien à la parentalité est très efficace. 1 euro dépensé, c'est 7 euros récoltés plus tard. C'est un investissement vertueux et sensé qui rapporte à terme, qui doit être réfléchi dans un cadre de promotion de coresponsabilité parentale et d'équité.
Le coût social de la parentalité dysfonctionnelle en raison d'un sous-investissement paternel est immense. C'est surtout une injustice pour les mères, les enfants, mais aussi pour les pères qui voudraient être plus présents mais ne le peuvent pas. Que ce soit d'un point de vue santé, criminalité ou délinquance, résultats scolaires et niveau académique, les enfants qui ont eu un père peu présent ou absent paient un très lourd tribut. Et leurs mères aussi ! Il ne s'agit pas de stigmatiser, bien au contraire, mais de prendre la mesure de l'importance des pères pour la société et les individus.
Par ailleurs, dans notre pays concerné par le vieillissement de la population, les Français désirent avoir plus d'enfants qu'ils n'en ont vraiment. Alors que l'indicateur conjoncturel de fécondité s'établit à 1,79 enfant par femme en 2022, l'UNAF quantifie le désir d'enfants à 2,36 par femme. Que dans la 7e puissance mondiale, pays des droits de l'homme et premier pays en matière de redistributions sociales, les personnes ne puissent pas avoir pas nombre d'enfants qu'elles désirent doit nous questionner sur l'efficacité de notre système. C'est un droit fondamental qui est entravé par les difficultés de la vie quotidienne et la précarité. Améliorer le soutien politique à la paternité aurait sans doute pour effet de faire repartir la natalité à la hausse.

Comment améliorer le soutien politique de la paternité et, par là, les mesures effectives permettant de rééquilibrer la politique familiale ?
Premièrement, il semble nécessaire d'augmenter la durée du congé paternité et de rendre le congé parental plus attractif pour le hommes en en revalorisant le taux plein, ainsi que pourquoi pas remettre à plat la question de son partage entre les deux parents. Le 2e baromètre OpinionWay pour Familles Durables met en lumière que 76% des Français sont favorables des aménagement de travail pour les femmes enceintes pendant les trois premiers mois de grossesse avant la déclaration de celle-ci à la CAF, et 64% se disent favorables à des aménagements de travail pour les partenaires de femmes enceintes, afin de leur permettre de les accompagner à des rendez-vous médicaux par exemple. Ce serait une belle avancée.
Il faut en général permettre une plus grande flexibilité dans les horaires de travail : l'Angleterre a mis en place "the right to ask" : les deux parents ont le droit de demander à leur employeur de travailler à des heures flexibles. Cela ne signifie pas que leur demande sera automatiquement acceptée mais on ne peut pas leur reprocher. 
Au-delà de cela, il faut encourager un changement culturel : la paternité active et engagée qui doit être valorisée à tous les niveaux.

Dans quelle mesure y-a-t-il une attente de la société sur ces questions et sur le rôle du père dans la politique familiale ?
De nombreuses prises de paroles féministes ont mis en lumière les attentes quant à une répartition des tâches équitable entre les parents, on ne peut pas les ignorer. Revenons sur la nouvelle durée du congé paternité. Le 2e baromètre OpinionWay pour Familles Durables démontre qu'un un tiers des français souhaite l'allonger et le rendre obligatoire. Chez les moins de 35 ans, c'est une personne sur deux qui y est favorable. Cette génération est quasiment unanimement en faveur d'un meilleur soutien à la parentalité : ils ne veulent plus faire passer leur famille après leur travail, car c'est intenable. Cette classe d'âge s'est abstenue à hauteur de 63% aux dernières élections législatives. Si on ne s'en satisfait pas, il faut écouter leurs demandes. Les Français estiment que l'équilibre entre la vie privée et la vie personnelle doit être le premier objectif des politiques de soutien à la famille. Une meilleure implication des pères doit être encouragée pour atteindre cet équilibre.

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