Face aux vagues de chaleur, faut-il importer une solution espagnole pour les travailleurs : la sieste ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Un travailleur lors d'une vague de chaleur tente de se rafraîchir.
Un travailleur lors d'une vague de chaleur tente de se rafraîchir.
©Loic VENANCE / AFP

Températures caniculaires

Quelle est la durée idéale de temps de pause pour permettre à un travailleur de ne pas souffrir de la chaleur ?

Christophe de Jaeger

Christophe de Jaeger

Le docteur Christophe de Jaeger est chargé d’enseignement à la faculté de médecine de Paris, directeur de l’Institut de médecine et physiologie de la longévité (Paris), directeur de la Chaire de la longévité (John Naisbitt University – Belgrade), et président de la Société Française de Médecine et Physiologie de la Longévité.

Il est l'auteur de plusieurs ouvrages, notamment de "Bien vieillir sans médicaments" aux éditions du Cherche Midi, "Nous ne sommes plus faits pour vieillir"  chez Grasset, et "Longue vie", aux éditions Telemaque

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Atlantico : Alors que l'Espagne est confrontée à des vagues de chaleur de plus en plus intenses et précoces, le gouvernement s'est tourné vers une stratégie d'atténuation vieille de plusieurs siècles : la sieste. En mai, les autorités nationales ont introduit un ensemble de mesures pour faire face aux températures extrêmes, dont l'interdiction de certains types de travail à l'extérieur pendant les périodes de chaleur extrême, ce qui revient à inscrire la sieste dans la loi pour certains travailleurs. Quelles sont les conséquences sur la santé de travailler sous la chaleur ?

Christophe de Jaeger : Il est toujours étonnant de voir que face à des conditions climatiques extrêmes et malgré notre modernité, on en revient à de bonnes vieilles habitudes qui ont prouvé leur efficacité depuis des siècles. L’être humain est homéotherme, cela veut dire que pour bien fonctionner, sa température doit se trouver autour de 37 degrés Celsius, avec de faibles variations autour de cette zone. Dès que l’on va s’éloigner de cette zone optimale, vers le bas (hypothermie) ou vers le haut (hyperthermie), le corps va dysfonctionner et on sera rapidement face à un risque vital. En cas de forte chaleur, comme nous le vivons actuellement, le corps doit faire face à deux sources de chaleur. D’une part, le milieu extérieur, avec des températures de 35, 40, voire 45 ° Celsius, mais également pour ceux qui travaillent physiquement à une source intérieure de chaleur : les muscles. L’être humain est en effet une machine thermique. Les muscles en se contractant produisent du mouvement et de la chaleur. Le corps va tenter de se refroidir à travers la sudation, mais c’est un mécanisme qui a ses limites. Lorsque l’on associe extrême climatique et travail physique, on est directement en danger. Ces situations sont déjà dangereuses chez un adulte sain, alors elles peuvent rapidement remettre en cause le pronostic vital chez des sujets jeunes, âgés ou avec des maladies chroniques. Les fortes chaleurs que nous connaissons aujourd’hui sont réellement à risque majeur et le nombre croissant de décès en Europe en atteste largement. 

En Espagne, cela revient à morceler le travail, avec des pauses plus longues à midi. N'y a-t-il pas des inconvénients sur la santé à cela ?

Les mesures prises en Espagne remettent à la mode un rythme de travail quasi-ancestral. L’originalité étant l’inscription des mesures dans la législation Espagnole. Tous les pays du monde qui sont victimes de vagues de chaleur depuis des siècles ont inscrit dans leurs habitudes de vie et de travail des pauses à l’acmé des températures. Il s’agit de mesures de simple bon sens. Lorsque les personnes ont des métiers physiques en extérieur, il est tout à fait normal que les personnes ne s’exposent pas, et notamment entre midi et 16h, au maximum des températures. 

La meilleure chose à faire pendant ces périodes de repos est justement de rester au repos. En profiter pour dormir et faire la sieste est une bonne solution, dans la mesure où le sommeil permet à l’organisme de se reposer complètement et en particulier diminue l’activité musculaire au maximum et lutte donc efficacement contre la production interne de chaleur. Cette sieste est d’autant plus intéressante qu’elle permet également une récupération supplémentaire par rapport à des nuits souvent perturbées par la chaleur. 

Il y a en fait deux réponses possibles lorsque vous vous trouvez dans des situations où vous êtes exposé à de fortes chaleurs :

Si cela est possible, il convient de ne pas s’exposer directement aux rayons de sommeil et il faut réduire au maximum tout effort physique. Une bonne hydratation, une brumisation… sont autant d’éléments protecteurs. En cas d’obligation de travail, il faut dans la mesure du possible adapter les horaires ce qui se fait déjà largement pour les travaux publics. Commencer très tôt le matin est s’arrêter en fin de matinée. L’autre possibilité est d’instaurer une coupure dans la journée de 3 ou 4heures pour laisser passer les heures les plus chaudes.

On peut également équiper les hommes de tenus adaptés permettant à l’être humain de conserver un équilibre thermique satisfaisant et le protégeant des excès de température. Le problème est qu’elles prennent de la place, sont lourdes et chères. 

Y a-t-il un réel intérêt de prendre de longues pauses lorsqu’il fait très chaud ? Quelle est la durée idéale de temps de pause pour permettre à un travailleur de ne pas souffrir de la chaleur ?

Il n’y a pas de temps de pause idéal. La situation n’est pas ici gérée par la physionomie humaine, mais par la température extérieure et le type de travail. Le mieux pour un travailleur qui a travaillé dans des conditions difficiles le matin est de se reposer et de faire la sieste s’il le peut. Il faut rester à l’abri, dans des zones tempérées, climatisées, afin que le corps puisse se réparer. 

On est en train de vivre une période de mutation du fait du réchauffement climatique qui va nous obliger à nous adapter à l’environnement. L’être humain est un homéotherme. Il doit, pour tout simplement survivre, pouvoir bénéficier d’une température adaptée.  Tout le monde devrait s’y préparer, mais je pense que trop de responsables restent sur la défensive et ne sont pas prêts à investir massivement pour faire face à ce changement qui ne nous guette plus, mais qui est déjà là et dont la vitesse de changement est rapide. Il faudra de plus en plus se climatiser et donc avoir les capacités de production d’énergie très supérieure à ce qui existe actuellement.

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