Extension du pass sanitaire : attention au risque réel d’accoutumance aux restrictions des libertés publiques <!-- --> | Atlantico.fr
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Le pass sanitaire va être demandé dans de nombreux lieux.
Le pass sanitaire va être demandé dans de nombreux lieux.
©Sameer Al-DOUMY / AFP

L’efficacité, valeur suprême ?

Comme l’a souligné la CNIL, il existe notamment «un risque de créer un phénomène d'accoutumance préjudiciable qui pourrait conduire à justifier, par exemple, que l'accès à un cinéma soit conditionné à la preuve que la personne n'est pas porteuse de certaines pathologies, autres que la COVID».

Vincent Delhomme

Vincent Delhomme

Vincent Delhomme est chercheur associé chez GenerationLibre. Diplômé de Sciences Po Paris ainsi que du Collège d’Europe, où il est assistant académique, il poursuit un doctorat en droit européen à l’Université Catholique de Louvain. Ses recherches se concentrent sur la régulation économique et la santé publique.

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Atlantico : Le Président l’a annoncé et les libertés publiques trinquent, mais le Pass sanitaire sera tout de même étendu. Néanmoins, tout cela ne se fait pas sans risque et la CNIL souligne que sans garantie de conséquences minimales sur les « droits et libertés des personnes », le dispositif ne serait pas validé par la population et même contesté. De quoi la CNIL s’inquiète-t-elle avec l’extension du pass sanitaire ? Le risque d’accoutumance à de telles restrictions est-il réel ? 

Vincent Delhomme : Le pass sanitaire est une problématique très complexe du point de vue des libertés publiques. A première vue il paraît moins intrusif que la vaccination obligatoire mais cela me paraît un raisonnement à courte vue car il sera très tentant une fois la crise covid passée de continuer à l’utiliser pour d’autres maladies. On pourrait imaginer des établissements expliquant à leur clientèle qu’elle ne risque pas d’attraper la grippe en s’y rendant, en faisant un argument marketing. De plus, on risque de s’habituer à l’idée de justifier de son statut sanitaire 4 fois par jour pour la moindre activité. Oui le risque est réel et face à cela l’obligation vaccinale peut paradoxalement apparaître comme bien moins « pesante » pour les libertés publiques.

Néanmoins il faut le dire, pour la première fois depuis 16 mois les restrictions vont peser sur les personnes qui font le choix de ne pas se faire vacciner. En cela elles font un choix individuel avec une forte dimension collective et il n’est absolument pas choquant qu’elles en assument les conséquences. Tout est affaire de proportionnalité : quelle durée, quels lieux, etc. C’est là-dessus que le débat doit principalement porter.

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L’expérience des 18 derniers mois montre-t-elle que les libertés publiques sont traitées comme des variables d’ajustement par le gouvernement quand l’Etat ne parvient pas à se mettre en situation de faire face au défi sanitaire ? Le confinement en est-il un bon exemple ? 

Absolument. Quel que soit l’avis qu’on porte sur le pass sanitaire, le confinement ou autre, ce qui est certain c’est que les décisions ont toujours été annoncées dans l’urgence, « dos au mur » comme des solutions de la dernière chance. Cela neutralise toute forme de débat puisque l’alternative présentée est toujours : les restrictions ou le chaos. Ce n’est pas ainsi qu’on peut gouverner un pays démocratiquement. Oui des incertitudes existent, mais les scientifiques arrivent quand même de manière assez justes à prévoir les grandes dynamiques de cette épidémie. Il faut bâtir une stratégie de long-terme avec un vrai débat qui associe toutes les forces politiques et la population.

Au-delà de la pandémie, comme avec la loi sur les séparatismes qui tente de mettre un terme à l’éducation à domicile, en combattant des risques spécifiques, allons-nous vers une limitation des libertés plus globale ? 

L’ère du temps n’est pas à la célébration de la liberté, même si celle-ci est apparemment le thème du feu d’artifice parisien du 14 Juillet. Face aux crises sanitaires, économiques, écologiques, sécuritaires, on attend des Français qu’ils fassent preuve de sérieux et de responsabilité, qu’ils serrent les dents. La liberté est quasiment présentée comme une valeur pour les naïfs ou les rêveurs. « Un peuple prêt à sacrifier un peu de liberté pour un peu de sécurité ne mérite ni l'une ni l'autre, et finit par perdre les deux ». Cette citation apocryphe de Benjamin Franklin a été inventée et utilisée dans un autre contexte, elle n’en demeure pas moins vraie.

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