Eureka : on a enfin trouvé la tête de l’Hallucigenia, l’incroyable ver à pattes et à piques vieux de 400 millions d’années<!-- --> | Atlantico.fr
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Le fossile de l’Hallucigenia, l’incroyable ver à pattes et à piques vieux de 400 millions d’années.
Le fossile de l’Hallucigenia, l’incroyable ver à pattes et à piques vieux de 400 millions d’années.
©Photo de Jean-Bernard Caron

Découverte inattendue

"Lorsque nous avons mis les fossiles sous le microscope, nous avons trouvé des yeux comme nous l’espérions mais nous avons également vu des dents nous faire un sourire", a expliqué Jean-Bernard Caron, l'un des co-auteurs de l’étude Hallucigénia.

Cette espèce de ver marin épineux intrigue les paléontologues depuis sa découverte en 1977 par le britannique Simon Conway-Morris. Vieille de plus de 500 millions d'années, cette espèce surnommée Hallucigénia, du latin hallucinatio (hallucination), en raison de son étrange apparence, a été découverte dans les Schistes de Burgess, un site de schiste noir situé sur les hauteurs des montagnes Rocheuses du Canada dans le Parc national Yoho. A l'époque, les paléontologues prennent le fossile à l'envers et supposent que les griffes étaient des pattes et les appendices podaux, des tentacules disposés le long de son dos. Le tout sans pouvoir réellement définir où se trouvaient la tête et la queue. Les scientifiques classent Hallucigénia dans la famille des annélides, des vers vivant essentiellement sous l'eau. Mais en 1991, les chercheurs Lars Ramskold et Hou Xianguang, découvrent cette même espèce en Chine, appelée Microdictyon et vont inverser la théorie de Simon Conway-Morris, observant cette fois, le ver à l'endroit. Une question persiste tout de même toujours : où se trouve la tête ?

La microscopie électronique fait avancer l'étude

L'année dernière, l'université de Cambridge publiait une étude selon laquelle le fossile se rapprochait des onychophores, des vers munis d'appendices podaux qui vivent principalement dans les forêts tropicales. Aujourd'hui, grâce à la microscopie électronique, les scientifiques ont pu enfin définir l'endroit exact de la tête en observant près de 165 spécimens provenant  du Musée royal de l'Ontario et de l’institut Smithsonian. "Lorsque nous avons mis les fossiles sous le microscope nous avons trouvé des yeux comme nous l’espérions mais nous avons également vu des dents nous faire un sourire" a expliqué Jean-Bernard Caron, l'un des co-auteurs de l’étude Hallucigénia. Martin Smith, l'un de ses compères, a également confirmé à l'AFP : "Nous avons été étonnés de lui trouver non seulement deux yeux mais aussi un air espiègle, ainsi qu'une série de dents qui nous souriaient".

Dans son milieu naturel 508 millions d'années en arrière

Une découverte qui ne permet pas seulement de situer la tête sur ce petit corps épineux, mais bien de définir dans quel milieu évoluait cette espèce. Ainsi, selon les paléontologues Jean-Bernard Caron et Martin Smith, Hallucigénia vivait dans les profondeurs aquatiques, là où la lumière était rare, il y a environ 508 millions d'années. S'il est pour le moment impossible de savoir de quoi se nourrissait le ver, les scientifiques ont supposé en inspectant ses caractéristiques buccales et intestinales, qu'Hallucigénia aspirait ses aliments. "L'anneau de dents autour de la bouche" jouait certainement un rôle dans sa nutrition a indiqué Martin Smith, ajoutant que les dents implantées à l'intérieur "de la gorge" maintenaient sans doute la nourriture et l'empêchaient de se déplacer vers l'arrière. "Il n'avait qu'à aspirer tout ce qu'il pouvait, il n'avait pas besoin de mâcher".

Concernant ses pattes, trop fragiles pour le faire marcher selon les scientifiques, elles lui servaient certainement à se fixer et se cramponner sur des rochers ou des herbes. "Il y avait probablement des prédateurs très désagréables aux alentours" imagine Martin Smith, racontant que des scientifiques auraient retrouvé des fossiles de prédateurs tels que des calmars et des "homards croisés avec des ouvre-boîtes" qui étaient "vraiment bizarres et redoutables". Voilà qui nous laisse imaginer la vie dangereuse de ce petit ver épineux qui mesurait entre 10 et 15 mm.

Nouvelle découverte pour les Ecdysozoaires

L'analyse moléculaire d'Hallucigénia avait déjà permis d'établir un lien avec les arthropodes, les vers nématodes et d’autres animaux, tous appartenant à la famille des Ecdysozoaires, des organismes dont le développement s’effectue par une ou plusieurs mues. C’est-à-dire par une simple croissance, une nouvelle acquisition d'organes ou un changement de forme, comme lorsque la chenille se transforme en papillon. Les découvertes faites autour d'Hallucigénia pourraient selon Martin Smith, permettre d'acquérir de nouvelles connaissances sur les Ecdysozoaires, "l'un des plus grands et des divers groupes d'animaux sur la planète".

Jusqu'ici la mue, était le seul facteur qui reliait les espèces de cette famille. Mais avec la découverte de dents autour de la bouche et à l'intérieur de l'intestin d'Hallucigénia, caractéristique également retrouvée chez plusieurs crustacés, il existe désormais un nouvel élément de liaison entre les Ecdysozoaires. "Ce que nous a démontré Hallucigenia c'est qu'une nouvelle caractéristique physique anatomique unit l'ensemble de ce groupe" a déclaré Martin Smith. "Cette découverte majeure est ce qui rend l'étude vraiment importante" a estimé Peter Van Roy, paléontologue à l'Université de Yale.

Si de nombreuses questions restent à ce jour sans réponse concernant Hallucigénia, Peter Van Roy se dit confiant quant aux dernières révélations : "Nos connaissances seront toujours améliorées. Il y aura sans doute quelques petits ajustements, mais je suis assez confiant quant à l'aspect de l'animal qui a été avancé". "Dans l'ensemble, nous avons une assez bonne connaissance d'Hallucigénia, je ne pense pas que l'on découvre plus tard que la tête est la queue" a ironisé Martin Smith.

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