Et voilà maintenant les dé-influenceurs<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
International
Les influenceurs internet français Marie-Victoire Tiangue @mv.tiangue et Raphaël Curron @raphael_61c en train de créer du contenu sur la plateforme vidéo TikTok à la @thefrenchhouseparis, une collab house (aussi appelée content house) à Paris.
Les influenceurs internet français Marie-Victoire Tiangue @mv.tiangue et Raphaël Curron @raphael_61c en train de créer du contenu sur la plateforme vidéo TikTok à la @thefrenchhouseparis, une collab house (aussi appelée content house) à Paris.
©PHILIPPE LOPEZ / AFP

Contre-attaque

Alors que les consommateurs sont de plus en plus inondés par les influenceurs des réseaux sociaux qui vendent leurs produits en ligne, un grand nombre d’utilisateurs de l’application TikTok utilisent la plateforme pour alerter les gens sur les produits à ne pas acheter.

Stéphanie Lukasik

Stéphanie Lukasik

Stéphanie Lukasik est docteure en sciences de l’information et de la communication d'Aix-Marseille Université. Enseignante-chercheuse à l'université du Luxembourg et chercheuse associée à l’IMSIC des universités d'Aix-Marseille et de Toulon, elle est spécialiste des questions liées à la réception de l’information via les réseaux socionumériques. Elle a notamment publié des écrits scientifiques portant sur le fonctionnement des réseaux socionumériques, de l’influence personnelle, des leaders d’opinion ainsi que de la désinformation.

Voir la bio »

Atlantico : Alors que les consommateurs sont de plus en plus inondés par les influenceurs des réseaux sociaux qui vendent leurs produits en ligne, un grand nombre d’utilisateurs de l’application TikTok utilisent la plateforme pour alerter les gens sur les produits à ne pas acheter. Comment peut-on expliquer cette tendance appelée “désinfluence” ?

Stéphanie Lukasik : C’est un courant qu’on observe sur TikTok et sur d’autres plateformes. Il s’explique par le fait que l’écosystème actuel, celui de l’influence et des médias individualisés, est de plus en plus hétérogène et riche. Il y a de plus en plus d’influenceurs, donc de plus en plus de concurrence. Ce courant arrive donc avec un besoin de renouer avec les publics. On crée une sorte d’illusion de spontanéité et d’authenticité avec ce mouvement pour essayer de renouer la confiance avec les usagers. Ainsi on pointe du doigts certains produits qui étaient auparavant conseillés et que maintenant certains influenceurs n’hésitent pas à décrier pour les remplacer par d’autres produits.

Est-ce que ça peut être une forme d'influence 2.0 faussement plus sobre ?

L’influence est loin d’être un phénomène nouveau, on sait qu’elle est très efficace en terme de prise de décision depuis 1944, après une étude de plus de 11 ans de l’étude de Columbia. Ce qui fait que l’influence est efficace, c’est qu’elle a été amplifiée par les réseaux sociaux. Aussi je ne parlerai pas d’influence 2.0 mais d’un retour à l’influence originelle, telle qu’elle était pratiquée par les Youtubeurs en premier lieu, avec pour objectifs de renouer le lien et la confiance.

Par ailleurs, on a le sentiment que c’est une tendance nouvelle, mais il y a quelques années déjà, on voyait des influenceurs mode ou beauté avoir une réflexion sur les logiques d’influence, en prônant une consommation alternative. Ces influenceurs favorisant une responsabilisation de la consommation ont toujours existé. Mais c’était auparavant pour un public de niche. C’est désormais une prise de conscience globale par effet de contagion.

Les utilisateurs de TikTok ont-ils pris conscience des abus des influenceurs sur les réseaux sociaux au point d’inverser la tendance ?

Les usagers de TikTok comme de n’importe quel réseau numérique commencent par s’abonner avant que les algorithmes ne viennent leur suggérer des contenus. Donc, normalement, ce sont les abonnements initiaux à des influenceurs qui apparaissent sur leur fil d’actualité. Une majorité des personnes ne sont pas dupes. C’est pour cela qu’on compare l’influence sur les réseaux sociaux a de la publicité car s’il y a bien une volonté d’influencer les publics, l’usager demeure libre de se laisser influencer ou non. Certains en ont sans doute plus conscience que d’autres.

Certaines personnes mènent un combat contre les influenceurs, comme l’artiste Booba. Les réseaux sociaux et les pratiques menées dessus sont-ils amenés à changer ?

Le combat mené par Booba qui utilise le terme « d’influvoleurs » vise un type d’influenceurs : ceux qui créent du contenu pour vendre un produit. Mais il ne faut pas oublier qu’il y a aussi des influenceurs plus classiques qui créent du contenu et ensuite le monétise par du placement de produits.

Le métier d’influenceur est-il menacé ?

Le métier d’influenceur est amené à changer et s’adapter en permanence. Il évolue dans un univers impermanent par essence et donc doit se réinventer en conséquence. Les influenceurs doivent s’adapter en premier lieu à leur public, ce qu’on tend trop souvent à oublier ces derniers temps dans le marketing d’influence. Dans un second temps, il faut prendre en compte ceux qui vivent de l’influence dans cet écosystème, à commencer par les agences. Mais il faut aussi tenir compte d’une certaine éthique digitale, avec une réflexion sur nos usages des influenceurs. Pour les réguler, il faut avoir une vraie connaissance de la manière dont circule l’influence sur les réseaux numériques. Ce n’est pas le cas actuellement. C’est une illusion que de croire qu’on va réguler le marketing d’influence de la même manière qu’on l’a fait pour la publicité.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !