Et s’il existait un lien entre allergies saisonnières et dépression ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Pour l’heure, seule la corrélation entre dépression et allergie au pollen a fait l’objet d’analyses.
Pour l’heure, seule la corrélation entre dépression et allergie au pollen a fait l’objet d’analyses.
©JEFF PACHOUD / AFP

Rôle des allergies

C’est l’hypothèse sur laquelle travaillent désormais des chercheurs.

Madeleine Epstein

Madeleine Epstein

Madeleine Epstein est allergologue.

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Atlantico : Certains chercheurs américains travaillent désormais sur la connexion potentielle entre les allergies saisonnières et certains troubles mentaux, tels que la dépression ou l’anxiété. Comment expliquer un lien entre deux pathologies en apparence si différentes ? Quel rôle les allergies peuvent-elles jouer sur la santé mentale ?

Madeleine Epstein : Il y a deux éléments à mentionner. Rappelons d’abord que les malades ont souvent tendance à se dévaloriser quand ils ne se sentent pas bien. Tout devient plus difficile et, dans certains cas, cela peut constituer une pente susceptible de conduire à la dépression. Pour autant, il est important de préciser que, comme pour toutes les pathologies, la dépression est multi-factorielle : il ne suffira jamais d’une simple allergie pour en arriver là. C’est vrai aussi pour le Covid, par exemple : pourquoi 10% de la population souffre-t-elle de symptômes durables quand le reste en est préservé ? Dans ce cas de figure, il y a souvent prédisposition et addition de facteurs qui rendent possible ce genre d’évolution de la maladie. 

Dès lors, il n’est pas possible d’extrapoler un potentiel lien entre allergie et dépression à toute la population. Tous les allergiques ne risquent pas de finir dépressif. Ce cas de figure, que le New York Times décrit par ailleurs très bien, est encore méconnu. Il existe probablement mais il est rarement mis en évidence

L’autre élément important à mentionner est plus technique : il s’agit des cytokines ce sont des protéines qui interviennent au cours des réactions du système immunitaire en cas d'infection,  ou d'allergies et qui peuvent activer certaines zones du cerveau chargées de la régulation de la dépression et de l’anxiété. C’est en tout cas la théorie qu’essaient de démontrer les auteurs de l'article

Pour lutter contre certaines allergies, le corps produit certains types de protéines, lesquelles peuvent parfois engendrer d’autres problèmes en matière de dépression ou d’anxiété, analysent plusieurs des chercheurs qui défendent cette théorie. Cela signifie-t-il que toutes les allergies engendreraient (théoriquement, au moins) le même risque de trouble mental ? Que sait-on, à l’heure actuelle, des infections potentiellement les plus dangereuses ?

Attention ! Les cytokines et les interleukines ne fonctionnent pas à sens unique. Certaines induisent en effet une inflammation (de type allergique, par exemple), quand d’autres viennent au contraire la bloquer. Ce sont des mécanismes extrêmement subtils et fascinants, sur lesquels nos connaissances demeurent limitées même si nous en savons désormais de plus en plus. Les interactions sont nombreuses et variées.

Cela ne signifie pas pour autant que l’on puisse faire une différence entre une allergie au chat ou une allergie au pollen, laquelle est d’ailleurs la seule à avoir été testée, dès lors qu’il s’agit d’établir un lien avec la dépression. De par le mécanisme évoqué par les chercheurs, on peut supposer que l'origine de l’allergie ne change rien. C’est le mécanisme enclenché à la suite du contact avec l'allergène qui compte. C’est comme lorsque l’on prend un antihistaminique : le médicament ne sait pas à quoi le patient est allergique… et pourtant il fonctionne tout de même, quelle que soit l’origine de la réaction allergique. 

Si cette théorie, à la suite de nouvelles études, était avérée, il apparaîtrait logique que la corrélation (sous réserve qu’elle soit prouvée, encore une fois) s’applique aussi à d’autres sources d’allergie.

Si cette théorie était vérifiée et pertinente, qu’est-ce que cela impliquerait en matière de traitements des allergies, mais aussi de la dépression ?

Rappelons d’abord que cette théorie, si intéressante soit-elle, n’a pas encore été confirmée. Pour l’heure, seule la corrélation entre dépression et allergie au pollen a fait l’objet d’analyses. Le sujet des tests n’était d’ailleurs pas humain : il s’agit d’une souris. 

En admettant que cette théorie soit juste, c’est-à-dire en supposant qu’elle soit prouvée après avoir fait l’objet d’études complémentaires, cela impliquerait que l’allergie constitue un chemin vers la dépression. On peut alors penser qu’en traitant l’allergie en amont, il serait possible d’éviter la dépression. 

Ce serait une perspective fantastique, notamment du côté des allergologues : nous nous heurtons régulièrement à nos autorités sanitaires qui nous rappellent que la rhinite allergique n’est pas un problème de santé publique, pour justifier un éventuel déremboursement des traitements de désensibilisation. Si le lien entre allergie et dépression était  prouvé, la situation serait différente.  

Du reste, quelle que soit la relation entre allergie et dépression, il serait toujours utile de travailler à l’élaboration de meilleurs traitements. La marge de progression est réelle. Bien évidemment, il ne faut pas perdre de vue que la dépression ne pourrait se traiter simplement en traitant l’allergie. Dans de nombreux cas de figure, le lien (sous réserve qu’il existe, une fois encore) ne serait pas univoque. 

Par ailleurs, aucun symptôme n’est spécifique d’allergie, ce qui veut dire qu'il faut toujours un bilan pour confirmer une suspicion d'allergie. De même, il n’existe pas qu’une seule forme de dépression…

Quand les victimes d’allergies devraient-elles penser à se faire traiter, si elles ont l’impression de souffrir de tels symptômes ?

Dans l'idéal, il faut adapter le niveau du traitement à la sévérité des symptômes. Le but n’est pas de limiter la consommation de médicaments, mais bien de permettre au patient d’aller mieux. Il faut se faire traiter dès que les symptômes sont gênants ou risquent de le devenir. Si le traitement s’avère insuffisant, il faut consulter, pour adapter le traitement.

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