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Et maintenant le sexisme botanique ? Nos allergies seraient dûes aux arbres mâles des grandes villes
©LUDOVIC MARIN / AFP

Woke des villes, woke des champs ?

C’est en tous cas ce que suggèrent un certain nombre de posts viraux sur TikTok ou Twitter en soulignant que les botanistes préfèrent planter des arbres mâles -qui produisent beaucoup plus de pollen- plutôt que des arbres femelles producteurs de fuite. Qu’en dit la science ?

Thierry  Gauquelin

Thierry Gauquelin

Thierry Gauquelin est professeur à Aix Marseille Université et chercheur à l’Institut Méditerranéen de Biodiversité et d’Ecologie marine et continentale (IMBE)

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Atlantico : Pourriez-vous nous expliquer le problème que pose l’opposition « mâle/femelle » lorsque l'on qualifie un arbre ?

Thierry Gauquelin : Il faut savoir effectivement de quoi on parle lorsque l’on oppose arbre mâle et arbre femelle. Seule une petite proportion des espèces d'arbres et notamment d'arbres plantés dans les villes sont dioïques c’est à dire présentent des fleurs unisexuées (fleurs mâles ou fleurs femelles)  portées par des pieds différents (on aura alors bien des pieds mâles et des pieds femelles).  C’est le cas par exemple des palmiers ou encore du Ginkgo biloba. Donc on ne peut parler d'arbres mâles et d'arbres femelles que concernant une petite proportion des espèces d’arbres des villes. La plupart des arbres de nos villes et jardins (tilleuls, micocouliers,  marronniers, chênes, platanes, pins, magnolias, cyprès, etc)  sont en fait bisexués, c’est à dire portant des organes reproducteurs mâles et femelles sur le même pied. SI ces organes mâles et femelles sont sur des fleurs différentes (fleurs mâles et fleurs femelles séparées), on parle d’espèce monoïques. SI  les deux sexes se retrouvent dans la même fleur, on parle alors d’arbres à fleurs hermaphrodites comme chez les magnolias ou les tilleuls.    

Comment certains sont arrivés à penser que les arbres mâles pourraient être plus allergisants ?

Beaucoup d’allergies sont dues aux grains de pollens produits uniquement par l’appareil reproducteur mâle de la fleur. Quand l’espèce est dioïque il est alors tentant de faire porter la responsabilité sur les seuls arbres mâles, seuls producteurs de pollen… mais ces espèces dioïques sont, comme nous venons de le voir, rares et ce sont bien les arbres mâles et femelles à la fois qui posent le plus de problèmes. La plupart des arbres allergisants par leur pollen (cyprès, noisetier, bouleau, aulne, platane, etc) sont d’ailleurs monoïques et donc l’idée d’une responsabilité accrue des arbres mâles n’a pas de sens ...Parmi les espèces allergisantes qui sont dioïques, on peut effectivement trouver par exemple les saules mais qui ne sont pas majoritaires dans les villes; en plus, difficile de dire si les pieds mâles ont été systématiquement favorisés au moment de leur plantation.  

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Comment la science est-elle utilisée dans ce genre de débat à des fins politiques et pourquoi on devrait s'en soucier ?  

La science, dont on s’éloigne complaisamment et trop souvent, considère évidemment que l’on ne peut établir de hiérarchie entre arbres mâles et femelles au sein d’une espèce dioïque, les deux étant indispensables à la pérennité de l’espèce.  D'ailleurs chacun des sexes doit déployer des efforts  importants afin soit de produire soit du pollen soit des fruits et les graines. De plus certaines espèces, comme des genévriers, peuvent changer de sexe durant leur longue existence ! Considérer que les arbres qui provoquent des allergies respiratoires  le sont d'abord parce qu’ils sont mâles relève de la supercherie doublée de méconnaissance scientifique.  

Peut-on parler de sexisme botanique ? Nos allergies seraient-elles dues aux espèces mâles d’arbres ?

Les scientifiques s’intéressent au sexe des arbres afin dans les populations naturelles, de déterminer leur sexe-ratio, c’est-à-dire la proportion d’arbres mâles et femelles. Si celui-ci est déséquilibré, cela peut être le signe de perturbations particulières dans l’écosystème ou bien encore d’une intervention humaine. C’est le cas dans les palmeraies des oasis marocains où les palmiers femelles ont été privilégiés par rapport aux mâles… car seules les palmiers femelles produisent des dattes… C’est dans ce cas un sexisme à l’avantage des femelles!  Quand aux allergies, si on parle de ceux liées au pollen…il est évident que seules les arbres qui en produisent en sont responsables… Mais les arbres en cause sont le plus souvent bisexués (cyprès, noisetier, bouleau, aulne, platane, etc) et donc ce n’est pas le fait que l’arbre soit mâle qui crée l’allergie! Enfin, les allergies peuvent aussi être des allergies de contact ou en relation avec le fruit ou la graine ingérée… et là peu importe le sexe de l’arbre sachant que si l’on parle d’allergies liées au fruit… c’est l’arbre femelle qui sera responsable dans le cas où l’espèce est dioïque. Enfin, pour reprendre l’exemple du Ginkgo biloba, dioïque, ce sont les arbres femelles qu’il faut éviter car leurs « fruits » tombés au sol dégagent une odeur nauséabonde en se décomposant!

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