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Les Républicains, Engie, Accor... : ce que cache ces entreprises qui décident de changer de nom
©Reuters

Say my name

La construction d’une marque forte passe prioritairement par la définition d’une identité reposant sur des éléments incontournables comme le nom et le logo. Ces piliers attestent de la capacité à être mémorisée, à générer du sens et de l’attractivité. Un changement de nom constitue un véritable tournant stratégique, parfois indispensable.

Jean-Philippe Danglade

Jean-Philippe Danglade

Jean-Philippe Danglade est professeur de marketing  à Kedge Business School. Il est directeur scientifique des programmes Master spécialisé Entertainment et média. Il forme plus de 300 étudiants par an à Kedge BS, il intervient également à l'ESTC, Escarc, l'université Paul Cézanne, l'IAE de Savoie.

 Il a publié Marketing et célébrités aux Editions Dunod.

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En quoi le nom a-t-il une importance particulière pour l’entreprise ?

Parmi l’ensemble des éléments qui définissent l’identité de l’entreprise, le choix du nom est fondamental. Premier symbole de reconnaissance de la marque, le nom devra être mémorisé facilement par les clients et les autres acteurs du marché. Il est donc un préalable identitaire essentiel sur lequel les autres piliers (logo, slogan, mascotte) viendront se greffer tout en apportant d’autres dimensions (sympathie, sens, positionnement). Ce rôle d’ancrage explique sans doute qu’il demeure le symbole de marque le plus difficile à changer. En effet, contrairement à un logo pouvant être modifié légèrement ou en profondeur, à une évolution d’un slogan ou à la création ou l’abandon d’une mascotte, un changement de nom ancré dans l’esprit des consommateurs s’avère un processus délicat relevant autant de l’art que de la science et obéissant à une stratégie précise. Les entreprises confient généralement cette mission à des agences spécialisées comme Nomen en France.

Quelles sont les raisons qui peuvent justifier une modification de nom ?

Les motivations d’un changement de nom sont nombreuses. Fusion ("Kedge Business School" a remplacé "Euromed Management" et "BEM" quand les écoles de commerce marseillaise et bordelaise ont fusionné), changement de stratégie ou de positionnement ("Kering" s’est substitué à "PPR" quand le groupe français s’est recentré sur le luxe), scandale ("La Lauragaise" a remplacé "Spanghero" entaché par le scandale de la viande de cheval), litige judiciaire (Danone a dû abandonner le nom "Bio" pour "Activia"), évolutions sociétales (Saint-Michel a dû modifier le nom du biscuit "Bamboula" étrangement accepté jusque dans les années 80).

Quatre "entreprises" ont changé de nom récemment : Bongrain, GDF-Suez, Accor et l'UMP. Comment analysez-vous ces stratégies ?

Communiquer plus efficacement à l’international, de "Bongrain" à "Savencia" : le groupe, n°1 des spécialités fromagères et réalisant près de deux tiers de son chiffre d’affaires hors de France, a justifié cette évolution par une recherche d’efficacité de prononciation à l’international. En effet un critère essentiel de choix d’un nom de marque réside en sa simplicité et sa capacité à être compris, mémorisé et prononcé dans toutes les langues. L’entreprise, qui possède des marques fortes comme Elle et Vire, Caprice des Dieux ou St Moret, escompte donc une meilleure lisibilité et une communication optimisée.

Peut-on en dire de même pour le changement de GDF-Suez à Engie ?

Contrairement au cas précédent, la nouvelle appellation rentre dans le cadre d’une réorganisation assez profonde de l’entreprise. Il s’agit d’accompagne une restructuration du groupe. Plus facile à prononcer, plus court et plus percutant que l’acronyme précédent, "Engie" devrait permettre une meilleure mémorisation et compréhension à l’international.A noter que d’importants moyens de communication ont été déployés à partir du mois d’avril 2015 et du lancement d’une campagne publicitaire nationale. Par ailleurs, les téléspectateurs assidus du tournoi de Roland Garros auront découvert la nouvelle appellation de GDF Suez via le parrainage audiovisuel du tournoi. Le spot, très explicite et élégant, illustrait le passage de GDF-Suez à Engie par le balayage de la terre battue par un filet pratiqué dans le tennis, l’ancien nom étant effacé pour laisser la place au nouveau.

De Accor à AccorHotels, la différence est moins importante. L’impact recherché est-il le même ?

Le leader de l’hôtellerie Accor a décidé de prendre le nom de sa plate-forme de réservation en ligne AccorHotels. Cette modification permet de capitaliser sur la marque historique "Accor" tout en mettant l’accent sur le service et non le produit, et ce afin de mieux contrer les concurrents du net, et notamment les centrales de réservation en ligne comme Booking ou Expedia. En effet, l’objectif de l’entreprise consiste à afficher une offre globale composée pour moitié d’hôtels des différentes marques du groupe et pour l’autre d’hôtels indépendants. Pour se différencier de Booking qui propose une offre pléthorique, AccorHotels sélectionnera les meilleurs hôtels indépendants sur la base de notes relevées sur Tripadvisor. Par ailleurs, la commission prélevée par AccorHotel sera inférieure à celle de ses concurrents.

Moins médiatisé, le changement de nom du Groupe Chèque Déjeuner en Groupe Up correspond-il aux évolutions des activités de l’entreprise ?

Oui, justement. Le nom Groupe Chèque Déjeuner ne traduisait plus la grande diversité des activités et métiers d’une entreprise historique de produits devenue un groupe international axé sur les services. Groupe Up s’impose comme un nom plus efficace et lisible à l’international tout en tenant davantage compte de la diversité de l’offre. Par ailleurs, il évoque mieux les valeurs d’innovation et de dynamisme chères aux dirigeants.

Changer de nom répond-t-il à des besoins marketing uniquement réservés à l’entreprise ?

Changer le nom d’une marque est un processus éminemment stratégique devant répondre à la fois aux objectifs de l’entreprise et à des critères plus techniques d’efficacité. Ce processus peut concerner tout type d’entreprises, de grands groupes de produits ou de services à des universités en passant par des clubs sportifs ou …. des partis politiques. Parmi tous les changements de nom récents, le cas du passage de l’"UMP" à "Les Républicains" reste le plus commenté. Si les formations politiques instrumentalisent les outils traditionnels du marketing (segmentation, ciblage, positionnement) à des fins électorales, la question de la marque et du nom s’avèrent tout aussi délicates que pour des entreprises classiques.

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