Emmanuel Macron s’alarme de nos dénis de réel. Et passe totalement à côté des deux premiers d’entre eux<!-- --> | Atlantico.fr
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Emmanuel Macron, président de la République.
Emmanuel Macron, président de la République.
©KENZO TRIBOUILLARD / AFP

Angles morts

Quelle rationalité y a-t-il à faire du plein emploi et de la hausse des salaires une priorité nationale quand la BCE mène à Francfort une politique exactement inverse pour la zone euro ? Sans parler du déni total sur la crise du logement…

Alexandre Lohmann

Alexandre Lohmann

Alexandre Lohmann est chef économiste dans un fonds d'investissement brésilien.

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Atlantico : Dans les colonnes du Parisien, Emmanuel Macron s’est alarmé des dénis du réel d’un certain nombre de personnes qui pourraient mener Marine Le Pen au pouvoir. N’y a-t-il pas une forme de déni de réel quand il veut promouvoir une politique de l’emploi alors même que la BCE mène une politique qui va avoir des effets exactement inverses ?

Alexandre Lohmann : On peut dire en quelque sorte que Macron appuie sur l’accélérateur et la BCE sur le frein. Le problème de l’inflation n’est pas totalement pris au sérieux depuis le début par le gouvernement. Or il faut essayer d’aligner les politiques budgétaire et monétaire pour avoir le maximum de chances de vaincre l’inflation. Il y a là pour le moment une non-coordination entre la politique monétaire et la politique budgétaire. Si vous faites ça, vous laissez de côté la lutte contre l’inflation à la Banque centrale qui risque d’en faire trop. Il y a le risque qu’elle augmente trop les taux. Cela augmente le risque de crise de la dette liée à la hausse des taux.

Si vous aidez les entreprises à augmenter les salaires, il y aura un gain de pouvoir d’achat mais cela va avoir une pression à la hausse sur les prix. Or il faudrait permettre l’augmentation des salaires nets grâce à une baisse des impôts et cotisations, hausses compensées par une baisse des dépenses publiques. Dans une note du FMI datant de mars 2023, il est dit que réduire les dépenses publiques de 1% en phase d’inflation permet de faire baisser l’inflation de 1%. Mais l’essentiel de la stratégie du gouvernement est de faire des chèques pour calmer la colère sociale, sans réellement traiter l’inflation.   

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Bon nombre de pontes, à commencer par les présidents de la Banque de France ou de la Banque nationale de Belgique, continuent de dire que la BCE devra augmenter les taux. Cela a-t-il encore du sens ?

Les banques centrales vont avoir tendance à en faire trop : soit elles baisseront trop les taux, soit elles les augmenteront plus qu’il ne le faut. De manière générale, quand on est dans une crise inflationniste, on doit passer par la case de récession ou de ralentissement économique. Difficile d’y échapper autrement.

La Banque centrale européenne n’a plus beaucoup de munitions aujourd’hui. Les différents gouvernements auraient dû mener une politique de baisse des dépenses publiques lorsque la BCE augmentait les taux. Or comme je vous l’ai dit, le gouvernement français a par exemple distribué des chèques ici et là.

N’y a-t-il pas un problème lorsque la BCE ne s’occupe que de l’inflation tandis que la Fed a le double objectif emploi/inflation ?

Dans les faits, c’est plus compliqué que ça. Actuellement, la Fed focalise sur l’inflation et s’accommoderait d’une possible récession, tandis  que la BCE ne s’occupe de l’inflation que depuis quelque temps. C’est pourquoi la fonction de réaction de la banque centrale est primordiale.

Quand on regarde les exemples américain et suisse, n’a-t-on pas la preuve qu’on peut avoir une situation de plein-emploi sans avoir une inflation importante ?

Si vous avez de fortes perspectives de croissance, avec une hausse de la productivité et du progrès technique qui baisse les coûts des produits industriels, on peut avoir une inflation modérée. Il faudrait retrouver un régime de basse inflation où l’inertie de l’inflation la maintient à un niveau très bas quels que soient les chocs extérieurs. Il faudrait encourager une forte décélération de l’inflation quitte à provoquer une récession.

Dans le cas d’une inflation liée à la hausse de l’énergie, cela se justifie-t-il ?

La hausse des prix de l’énergie a provoqué une inflation globale, mais elle existait avant cette hausse des prix de l’énergie.

A quel point la politique d’augmentation des taux va nourrir la crise préexistante du logement en France ?

En France, il y a des problèmes d’offre de logements et de réglementation. Avec la hausse des taux, il y a beaucoup moins d’acheteurs, ce qui va engendrer une baisse des prix. Or des propriétaires pourraient retirer leur logement du marché car les prix baissent, ce qui peut aggraver la crise immobilière. Les prix risquent d’être assez erratiques sur les prochaines années.

A quel point la BCE est-elle alignée sur la conception allemande de l’économie ?

La Bundesbank est l’une des rares banques centrales qui avait durablement une cible de croissance de l’offre de monnaie. La structure de la BCE donne peu de poids aux agrégats monétaires, ce qui constitue une rupture par rapport à ce que faisait la Bundesbank.

Il y a eu aussi le problème des taux bas pendant une longue période, avec une situation qui a profité aux pays du sud. La BCE avait une politique trop laxiste, ce qui constituait une entorse en plus à la conception monétaire allemande en plus. 

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