Emmanuel Macron restera le Président qui a fait basculer la France dans une société de surveillance<!-- --> | Atlantico.fr
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"Quand l'État n'est plus en mesure d'assurer la sécurité, les citoyens renoncent assez facilement, malheureusement, à leurs libertés parce qu'ils se sentent oppressés et dans une situation de danger imminent", estime Cyrille Dalmont.
"Quand l'État n'est plus en mesure d'assurer la sécurité, les citoyens renoncent assez facilement, malheureusement, à leurs libertés parce qu'ils se sentent oppressés et dans une situation de danger imminent", estime Cyrille Dalmont.
©Ludovic MARIN / POOL / AFP

Libertés publiques

Le QR Code promis pour circuler dans Paris l'été prochain est la mise en œuvre de la société de vigilance promise par Emmanuel Macron.

Cyrille Dalmont

Cyrille Dalmont

Cyrille Dalmont est directeur de recherche au sein de l'Institut Thomas More, où il analyse les mutations sociales et politiques provoquées par la numérisation massive de nos sociétés. Ses recherches portent actuellement sur deux axes principaux : les questions de régulation et les enjeux éthiques liés au déploiement du numérique et son impact sur les droits fondamentaux et les libertés publiques ; ainsi que les enjeux de souveraineté numérique, tant au niveau national que de l’Union européenne.

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Atlantico : Le préfet d’Ile-de-France a démenti l’information selon laquelle il envisagerait un confinement cet été pendant les JO. En revanche, il faudra bien un QR Code pour pouvoir circuler dans Paris l'été prochain. Pour éliminer les risques, jusqu'où sommes- nous prêts à restreindre notre liberté ?

Cyrille Dalmont : C'est une question intéressante. Je pense qu'il y a malheureusement très peu de limites à partir du moment où l'État n'est plus capable d'assurer la sécurité des Français. Les Français sont en demande permanente de sécurité, ça peut aller très loin. 

Il ne faut jamais oublier que le système de crédit social chinois a été plébiscité au départ par les Chinois, puisqu'il était (à l’origine) souhaité pour évaluer les capacités de remboursement des entreprises. Ensuite, il a été étendu aux individus pour éviter les escroqueries etc. Puis, il est devenu ce qu'il est aujourd'hui, c'est-à-dire une évaluation systématique de tous les individus sur place et une limite permanente aux libertés publiques avec un système d'autorisation préalable. Soit vous êtes considéré comme un bon citoyen et vous pouvez avoir accès à un certain nombre d'actes de la vie courante, soit vous êtes considéré comme un mauvais citoyen et vous ne pouvez pas effectuer tous ces actes. C'est quelque chose d'assez volontaire finalement. Quand l'État n'est plus en mesure d'assurer la sécurité, les citoyens renoncent assez facilement, malheureusement, à leurs libertés parce qu'ils se sentent oppressés et dans une situation de danger imminent.

Dans une tribune publiée avec l'Institut Thomas More, vous dites que ce QR code est la mise en œuvre de la société de vigilance promise par Emmanuel Macron le 17 octobre dernier. De quoi s'agit-il ?

En fait, les propos d'Emmanuel Macron étaient prémonitoires. Comme l'État est un puissant à lutter contre la criminalité, à lutter contre le terrorisme, à être fort avec les forts ; l'État devient fort avec les faibles et crée ce qu'il a qualifié de société de vigilance, c'est-à-dire la surveillance de tous par tous, généralisée en permanence.

Est-ce qu'il y a un problème avec l'État de droit ?

Oui, il y a un problème. A l’origine, l'État de droit c'était la garantie des libertés publiques par l'État. On créait des constitutions dans lesquelles on insérait un certain nombre de droits garantis, les droits fondamentaux et les libertés publiques. Ces droits fondamentaux et ces libertés publiques étaient garantis comme un pacte social entre les citoyens et l'État. C’est ce qu'on appelait l'État de droit. Aujourd'hui, ce qu'on appelle l'État de droit, c'est plutôt une pyramide ou une hiérarchie des normes. Les normes se chevauchent, s'interpénètrent entre les traités internationaux et le droit de l'Union européenne. C'est une sorte de dépendance du droit français à des normes internationales, ce qui est totalement différent. C'est plus un patchwork de normes qui se confrontent, parfois s'opposent et qui ont désormais tendance à engendrer une impuissance systémique de l'État à faire appliquer ses propres lois sur des pans entiers de son territoire.

Comment trouver le bon curseur entre l'ordre et la liberté ?

C'est un débat qui est infini à partir du moment où l'État a les mains et les pieds liés dans son action pour lutter contre la délinquance et le terrorisme. De manière mécanique, il va finalement limiter de plus en plus les droits de tout le monde. L'effondrement de l'État se traduit systématiquement par un empilement de normes, une surproduction de normes et une surproduction d'atteinte aux libertés publiques pour donner une sorte d'illusion, une réécriture du réel, de ce qui se passe et de ce que les gens vivent. Cette surabondance de normes va donner une sorte d'illusion de sécurité.

Si on restreint les libertés provisoirement, arrive-t-on à les reconquérir en sortie de crise ?

Ça n'arrive quasiment jamais. D'ailleurs, on l'a vécu avec les différents états d'urgence. Une très grande partie des normes qui ont été adoptées durant les trois états d'urgence que nous avons vécus depuis 2015, ont quasiment intégralement été incorporées au Code de la sécurité intérieure et à d'autres codes. Une fois que ces normes sont prises, elles deviennent presque toujours du droit commun. On le voit avec le QR code, c'est un exemple type. Il a été utilisé pendant la période de la pandémie et aujourd'hui, il est entré dans le droit commun. On le réutilise. C'est un réflexe primaire.

Comment faire évoluer l'état du droit sans atteindre l'état de droit ?

C'est une question qui est très complexe aujourd'hui, puisque l'État français se retrouve, comme quasiment tous les États de l'Union européenne, dans des situations où il n’a plus la compétence de ses compétences. Ce qui était autrefois un qualificatif de la souveraineté, c'est-à-dire avoir la compétence de sa compétence. 

Avec l'Union européenne, des normes qui sont extérieures à l'État français viennent entrechoquer les normes françaises. L'équilibre est de plus en plus complexe. L'Union européenne étant une organisation internationale ; ses objectifs, ses prérequis, ses priorités, ne sont absolument pas les mêmes que ceux des États membres la plupart du temps. 

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