Émissions carbone : et la meilleure heure de production électrique allemande en 2023 était… moins propre que la pire des heures pour la France<!-- --> | Atlantico.fr
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La mine de charbon de Garzweiler et des éoliennes à Luetzerath, dans l'ouest de l'Allemagne.
La mine de charbon de Garzweiler et des éoliennes à Luetzerath, dans l'ouest de l'Allemagne.
©INA FASSBENDER / AFP

Transition énergétique ratée

L’Energiewende allemand a atteint ses limites et montre - chiffres à l’appui - que développer des énergies intermittentes n’a pas d’effet majeur en termes de décarbonation.

Fabien Bouglé

Fabien Bouglé

Fabien Bouglé est un expert sur les questions énergétiques. Il est l'auteur de "Guerre de l’Energie au cœur du nouveau conflit mondial" (2023), "Nucléaire : les vérités cachées" (2021) et "Eoliennes : la face noire de la transition écologique" (2019), publiés aux éditions du Rocher.

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Atlantico : D'après les statistiques du réseau électrique européen, la production d'électricité tout en générant une forte intensité de CO2 est très importante en Allemagne. C'est le mauvais élève de l'Europe. L'écart avec la France est considérable. Que retenir de ces données ?

Fabien Bouglé : Il y a quelques jours, certains médias français se targuaient que l’Allemagne avait dépassé en 2023, plus de 50% de sa consommation à partir d’énergie qualifiée de renouvelable. Le site Electrcicymap.org nous informe que 39% proviennent d’énergies intermittentes avec les éoliennes (28%) et les panneaux solaires (11%) ; les 11% restant étant produit par la biomasse (9%) et des barrages (3%).

Effectivement en 2023, l’Allemagne a augmenté légèrement sa production éolienne qui est devenue supérieure à sa production électrique au charbon qui reste tout de même à 23,5% de sa consommation. En 2022, c’était le charbon qui était placé en tête avec 31% largement devant l’éolien à 23%. Mais ces chiffres de record d’énergie intermittente dont se prévaut notre voisin ne doit pas cacher l’incroyable paradoxe allemand. Malgré 30 000 éoliennes installées, malgré une forte augmentation de sa consommation d’origine renouvelable, l’Allemagne reste le très mauvais élève de l’Union européenne pour ses émissions de gaz à effet de serre au titre de son mix électrique. En 2023, notre voisin a émis 416 gCO₂eq/kWh soit 7 fois plus que la France qui n’a émis dans le même temps que 59 gCO₂eq/kWh.

L’Allemagne a donc le bonnet d’âne en Europe pour son mix électrique particulièrement polluant. L’Energiewende allemand a atteint ses limites et montre - chiffres à l’appui - que développer des énergies intermittentes n’a pas d’effet majeur en termes de décarbonation. La France, à qui l’Allemagne et la Commission européenne reprochent sans cesse ses faibles investissements dans les éoliennes, peut se féliciter d’avoir disposé en 2023 d’un mix électrique à 93% bas carbone là où l’Allemagne se situe seulement à 63%. La France est donc en Europe un des meilleurs élèves et n’a absolument aucune leçon à recevoir de quiconque sur le sujet.

L'Allemagne fait plus d'énergies renouvelables et pollue beaucoup plus la France. Comment l'expliquer ?

En 2023, l’Allemagne n’a jamais disposé d’une seule journée dont l’intensité carbone de son mix électrique aurait été inférieur à celui de la France. Cela signifie que même lorsque la France émet plus de gaz à effet de serre, notre pays reste encore beaucoup plus vertueux que l’Allemagne. La politique de décarbonation par des énergies intermittentes éoliennes et panneaux solaires montre clairement ces limites et ceci sur le long terme.

On a fait des éoliennes un symbole de la décarbonation mais cette politique énergétique basée sur les renouvelable n’est qu’un leurre.  Installer des énergies intermittentes oblige à construire des centrales aux énergies fossiles (gaz ou charbon) en back up pour compenser l’absence de vent ou de soleil. L’Allemagne ne disposant plus du gaz russe a donc été obligé de relancer ses centrales au charbon d’autant plus qu’elle a fermé ses trois derniers réacteurs nucléaires en avril 2023. Récemment notre voisin a du démantelé des éoliennes pour étendre une mine de charbon : un comble. Cette nécessité est tellement importante qu’en novembre dernier Christian Lindner - ministre allemand des Finances - a considéré comme irréaliste l'objectif du gouvernement de fermer les centrales à charbon du pays en 2030. Cette dépendance au charbon couplé à la sortie définitive du nucléaire en avril dernier explique pourquoi l’intensité carbone de l’Allemagne est parmi les plus élevé d’Europe et place notre voisin en très mauvais position pour ses objectifs climatiques. 

Qu'est-ce qui permet à la France d'avoir une production électrique aussi propre et dont les Allemands devraient s'inspirer ?

De leur côté, les centrales nucléaires françaises, couplées aux barrages - les deux étant très peu carbonés -, expliquent pourquoi notre pays est un des plus vertueux en Europe. En réalité, le modèle électrique français est un exemple pour l’Europe et même pour le monde. Il est très peu carboné, il n’émet pas de particules fines, il est souverain et puissant et surtout mobilise peu de surface territoriale. En France, l’impact des éoliennes est très faible car en vertu de leur priorité de réseaux, la France est obligée d’effacer sa production nucléaire pour laisser la place à l’électricité éolienne. La production éolienne vient donc en partie se substituer à une production nucléaire préexistante ce qui est d’ailleurs une incroyable aberration économique. Remplacer de l’électricité décarbonée par une électricité intermittente a donc un impact limité et explique pourquoi le mix nucléaire/intermittents est une vaste illusion. En outre, EDF est obligé d’acheter le mégawattheure éolien à 91 euros en priorité même lorsque le prix de marché est bas voir négatif tout en ne bénéficiant pas du profit du mégawattheure nucléaire effacé.

Tout cela a un incroyable impact sur la facture des Français et il sera intéressant de disposer d’une évaluation du coût financier de la priorité de réseau des éoliennes. La commission d’enquête sur l’électricité ouverte au Sénat à l’initiative du Sénateur Vincent Delahaye permettra - je l’espère - de disposer au premier semestre 2024 de ces informations capitales. Récemment, la ministre de l’Énergie Agnès Pannier-Runacher devait s’exprimer sur France Info en précisant qu’il fallait « sortir du débat stérile entre renouvelables et nucléaire ». Contrairement au propos de la ministre, il ne s’agit pas d’un débat stérile mais bien d’une controverse sérieuse qui doit être étudiée précisément et rationnellement sans idéologie et surtout sans l’influence des lobbys éoliens allemands encore présents à la DGEC (Direction Générale de l’Energie et du Climat) dans les locaux du ministère de l’Energie.

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