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Émeutes aux Etats-Unis : des émeutes sociales plus que raciales
©Kerem Yucel / AFP

George Floyd

Aux Etats-Unis, les manifestations après la mort de George Floyd se multiplient. Cet Afro-Américain de 46 ans est décédé suite à un contrôle de la police. Après Minneapolis, la contestation gagne d'autres grandes villes, comme New York, Los Angeles, Denver ou Columbus. L'ampleur des protestations est-elle inédite ?

Gérald Olivier

Gérald Olivier

Gérald Olivier est journaliste et  partage sa vie entre la France et les États-Unis. Titulaire d’un Master of Arts en Histoire américaine de l’Université de Californie, il a été le correspondant du groupe Valmonde sur la côte ouest dans les années 1990, avant de rentrer en France pour occuper le poste de rédacteur en chef au mensuel Le Spectacle du Monde. Il est aujourd'hui consultant en communications et médias et se consacre à son blog « France-Amérique »

Il est aussi chercheur associé à  l'IPSE, Institut Prospective et Sécurité en Europe.

Il est l'auteur de "Mitt Romney ou le renouveau du mythe américain", paru chez Picollec on Octobre 2012 et "Cover Up, l'Amérique, le Clan Biden et l'Etat profond" aux éditions Konfident.

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Atlantico.fr : Minneapolis bien sûr, mais aussi New York, Seattle, Columbia, Philadelphie, Atlanta, Los Angeles... Les manifestations, parfois émaillées d'affrontements avec la police, s'étendent à tous les Etats-Unis après la mort de George Floyd, un Afro-Américain de 46 ans, tué lundi par la police. Plusieurs grandes villes (dont Los Angeles, Philadelphie ou Chicago et Louisville) ont annoncé un couvre-feu, samedi, et au moins huit Etats ont demandé à la garde nationale d’aider la police locale. L'ampleur des protestations est-elle inédite ?

Gérald Olivier : Malheureusement, non. Le scénario auquel on assiste depuis le début de la semaine est très familier aux Etats-Unis. Vous avez d'abord un incident avec brutalité policière, une victime noire qui, dans ce cas, meurt, puis une manifestation pour protester contre cette mort inutile, contre les brutalités policières et contre les discriminations. La manifestation dégénère en émeute toute la nuit et le lendemain, les manifestations de soutien et les émeutes font tâche d'huile. Progressivement, ce qui a commencé à un endroit – cette fois, Minneapolis – se répand à travers le pays et il faut plusieurs jours pour que les choses se calment. C'est un scénario très familier aux Etats-Unis. Il n'y a pas eu beaucoup d'émeutes sous la présidence de Donald Trump, je crois même que ce sont les premières depuis qu'il est entré en fonction. Il y en avait eu à plusieurs reprises sous la présidence de Barack Obama : en 2016, en 2015...

Deux éléments sont cette fois à souligner. D'une part, l'apparition de groupes de casseurs quasi-professionnels sous la bannière des "Antifas", pour "antifascistes",le prétexte de la brutalité policière et la mort de George Floyd sont déjà oubliés : nous avons maintenant affaire à des émeutiers, qui sont là pour casser (en Californie, à New York...). La foule qui se rassemble n'est pas noire, mais elle est très mélangée, jeune, masculine, bien préparée à casser et à piller. La situation n'est pas liée à l'évènement d'origine. D'autre part, ce ne sont pas des émeutes raciales ou sociales. Ce n'est pas l'équivalent de ce qui s'est passé dans les années 1960, où il y a eu à plusieurs reprises des émeutes meurtrières (à Détroit en 1967, il y avait eu près  de 50 morts). Il s'agissait alors d'émeutes à motivation sociale dans les ghettos. En 1968, après l'assassinat du révérend Martin Luther King, il y avait eu une semaine d'émeutes dans tous les ghettos américains. Ce n'est pas ce à quoi on assiste actuellement.

Ce mouvement de colère intervient alors que l'épidémie de Covid-19 continue à tuer. Donald Trump a été très critiqué pour sa gestion de l'épidémie et, dans certains Etats, les tensions ont été fortes entre pro et anti-confinements. Alors que cette épidémie aurait pu être l'occasion pour la société américaine de s'unir, la mort de George Floyd sur fond de racisme policier et les polémiques autour du confinement ne montrent-elles pas une société américaine est-elle en train de se fracturer comme jamais auparavant ?

La société américaine est certainement plus violente. Elle ne possède pas de « social safety net », autrement dit le filet de protection sociale que nous avons en France, et les aléas économiques sont par voie de conséquences beaucoup plus violents. Nous avons affaire à une société très polarisée au sens où les communautés sont figées. Elles se font face les unes aux autres sans violence, pour l’instant. Je mets les émeutes actuelles à part car nous sommes face à des cas de pillages, certes exacerbés par la crise économique du à la pandémie, mais dévaliser des magasins d’électronique n’est pas à lier avec la nécessité de se nourrir ce n’est donc qu’un pillage sauvage et chaotique qui n’est pas d’origine social. En revanche sur le plan politique, la société américaine est divisée. Cela a commencé avec l’élection de Barack Obama qui, il faut le dire aujourd’hui, n’a pas été acceptée par tout le monde. Elle a été acceptée par une majorité d’Américains et rejetée par certains autres. La division s’est encore accentuée au moment de l’élection de Donald Trump, . Une fois au pouvoir, la polarisation n’a fait qu’empirer, car il est un personnage très clivant.

La situation est  d’autant plus tendue qu’il y a une volonté politique de la part de l’opposition de se débarrasser de Donald Trump. Les démocrates espèrent, à tort ou à raison, qu’il ne sera pas réélu et pour cela, ils sont prêts à tout. Les grands médias les soutiennent. À part Fox News, toutes les chaînes de télévision disent du mal du président. Mais la base électorale du président reste solide, car ses électeurs neregardent plus ces autres chaines. On a donc deux Amériques, qui se font face, se détdestent et ne se ^parlent plus  80 % des électeurs ont déjà fait leur choix pour l'élection présidentielle, ils n'en changeront pas.   Les 20 % restants font donc l’objet d’une vive campagne, car ce sont eux qui feront l’élection. 

La campagne pour la présidentielle américaine exacerbe-t-elle ces tensions ? Comment Donald Trump pourrait-il réagir, alors que son électorat n'est pas forcément le plus enclin à soutenir un mouvement tel que le Black Lives Matter ?

Il ne faudrait pas réduire aujourd’hui la communauté afro-américaine au mouvement Black Lives Matter. Ce mouvement est un mouvement radical, né il y a quelques années après le décès d’un jeune homme noir, Treyvon Martin, tué alors qu’il se promenait la nuit dans un voisinage qui n’était pas le sien. Son assassin avait été acquitté ce qui avait déjà provoqué des émeutes, à l'époque. BLM est un mouvement identitaire de promotion de la race noire, qui cherche à construire un monde nouveau  sans admettre les vrais problèmes. BLM dénonce le "racisme institutionnel" existant au Etats-Unis et justifie la sous prolétarisation d'une partie de la communauté noire par ce racisme. C'est un feu facile et très réducteur. Certes il exsite des formes de racisme au sein de la soxiété américaine, mais il existe aussi de nombreuses bonnes volontés. Comment Barack Obama aurait-il pu être élu si tous les blancs étaient racistes?  Les noirs c'est 13% de la population et de l'électorat. Donc il a bénéficié du vote de millions de blancs qu'on ne peut pas dénigrer et accuser de racisme.

Depuis 40 ans, nous assistons aussi à une progression de la communauté noire, même si une petite partie reste  en retrait, et c’est justement cette population qu’il faut aider. Or ce segment de la communauté noire est désemparé, il a perdu tous ses repères. Les fondements même de la communauté sont cassés.  Au sein de la communauté afro-américaine, 7 naissances sur 10 sont le fait  de femmes non-mariées. La structure familiale n’existe plus,  les pères sont absents, les mères sont débordées, pour les enfants grandir et s'en sortir est un défi deux fois plus difficile. Il y a un cycle de la pauvreté et du crime qu’il faut parvenir à briser. C’est pour cela que tous les noirs ne se reconnaissent pas dans BLM : ils ne veulent pas forcément mettre le système par terre. Beaucoup veulent travailler à l’intérieur de ce système. Ce que Trump offre à cette communauté, ce n’est plus l’assistanat  proposé par les Démocrates, c'est un job, stable et rémunérateur, pour leur permettre de participer à la croissance économique du pays. De prendre leur place pour accéder au rêve amériain. Jusqu’à cette pandémie, il avait plutôt réussi dans cette entreprise !

Donald Trump a été profondément choqué par la vidéo de l'arrestation de Georges Floyd, choqué et révolté parce qu'il a vu combien ce crime était injuste, injustifié et préjudiciable à l'ensemble de la société américaine. Le président a pris le parti de la famille en appelant les proches de Georges Floyd et en leur présentant les condoléances de la Nation ainsi que ses condoléances personnelles. Donald Trump voudrait que la fracture raciale aux Etats-Unis s'efface sur l'autel de la croissance économique. Il ne souhaite rien de plus que de voir toute la communauté noire sortir de la pauvreté et de l'aide gouvernementale. L'élection de novbembre nous dira s'il a progressé dans ce sens ou pas. Habituellement, le vote noir se porte à près de 90%  (jusqu’à 97 % pour Obama) vers les Démocrates. Si les Républicains obtiennent entre 10 et 15 %, ils en sont contents et c’est à peu près ce qu’avait obtenu Trump en 2016. Si en 2020, il obtient plus de 15 %, voir plus de 20% il aura accompli quelque chose de remarquable et il s'y emploie malgré les circonstances. 

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