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Education : si vous voulez que vos enfants vous écoutent, lâchez vos smartphones, vous sous-estimez probablement totalement l’effet produit
©Reuters

Sous hypnose

Des chercheurs de l'université de Michigan et de Boston ont découvert que les smartphones mobilisaient très fortement notre attention, beaucoup plus que d'autres activités comme la lecture, par exemple.

Thomas  Hannagan

Thomas Hannagan

Thomas Hannagan est un chercheur en sciences cognitives. Il analyse notamment les mécanismes d'apprentissage du langage au niveau du cerveau. C'est un spécialiste sur les aspects théoriques de la lecture et du calcul dans le cerveau.
 
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Atlantico : Pouvez-vous décrire un peu plus précisément les tenants et les aboutissants de cette nouvelle étude menée par des chercheurs de l'université de Michigan et de Boston (voir ici) ? Pourquoi les smartphones mobilisent-ils autant notre attention  ?

Thomas  Hannagan : Les chercheurs ont interrogé une trentaine de parents concernant l'impact des technologies mobiles sur la relation avec leurs enfants. Les résultats suggèrent que l'usage de smartphones et autres tablettes est avant tout un vecteur de stress pour les parents, qui parlent pour la plupart d'un empiétement du temps de travail sur le familial, et d'une détérioration de la relation à l'enfant.

Que pensez des résultats de cette nouvelle étude ? Est-ce à dire qu'on ne peut pas faire correctement certaines tâches lorsqu'on utilise un smartphone ?

Ce travail adresse un phénomène moderne réel, dans lequel de nombreux parents devraient se retrouver. Néanmoins c'est une étude comportementale qui utilise un nombre de sujets assez faible, ce qui demande d'être prudent quant aux conclusions - même si elles paraissent frappées au coin du bon sens.

Car du point de vue neuro-scientifique, on sait depuis plusieurs décennies maintenant que nous ne pouvons être véritablement engagés que sur un seul objet de conscience à la fois (voir par exemple les cours en ligne de Stanislas Dehaene). C'est un peu paradoxal à première vue, étant donné que notre cerveau est aussi ce merveilleux outil multitâche qui avec ses dizaines de millions de neurones, execute de nombreux calculs simultanément. Mais ces calculs parallèles sont inconscients. Ce que nous vivons comme l'expérience consciente est comme la partie émergée de cet énorme iceberg cognitif, sa capacité est relativement faible, et elle est séquentielle.

On ne peut être véritablement impliqué dans deux activités à la fois quand chacune d'entre elles requiert un effort conscient: notre cerveau oscille alors d'une tâche à l'autre, ce qui est vécu comme un stress et un conflit, en l'occurence par le parent. 

Les personnes utilisant un smartphone ou une tablette en menant en même temps une autre activité ont-elles conscience de ne pas pouvoir faire correctement ces deux choses en même temps ? Si non, à quels dangers potentiels s'exposent-elles ?

A la différence des livres ou même de la télévision, nos ordinateurs portables, tablettes et smartphones sont des calculateurs universels. Cela implique qu'ils peuvent en théorie effectuer n'importe quel type de calcul. Leur attrait est donc immense; il y a toujours une excellente raison de les allumer à la maison: aller sur internet bien sûr, mais aussi être disponible pour un appel, un email ou un sms, écouter de la musique, prendre une photo, regarder une vidéo etc..

L'association APA fait état d'une hausse de 10% des accidents et blessures non-intentionnelles d'enfants entre 2007 et 2012. 2007 est aussi, coïncidence ou pas, la date d'introduction d'un smartphone célèbre sur le marché. Une explication qui a été avancée est que en présence d'un smartphone, les enfants entrent en compétition pour recevoir l'attention des parents, se comportant alors de manière plus dangereuse.

Un risque moindre mais aussi réel concerne le lieu de travail, car il semblerait que le simple fait d'apprendre qu'un message soit apparu sur notre smartphone réduise notre concentration et nos performances. Enfin dans les cas plus graves, il existe une pathologie maintenant reconnue d'addiction à internet, pour laquelle les adolescents sont plus à risque. Cette pathologie se caractérise entre autre par une diminution de la connectivité fonctionnelle entre les parties corticales et sous-corticales du cerveau, en particulier vers le putamen, une structure qui est impliquée dans différents types d'apprentissage.

Quelles solutions proposez-vous aux personnes ayant l'habitude d'utiliser leur smartphone/tablette en faisant autre chose à côté ?

Il faut établir des règles d'usage très strictes avec nos objets connectés, et s'y tenir. En particulier quand les enfants sont impliqués, aménager des plages horaires sans connection paraît essentiel. Pour ceux et celles qui le peuvent, éteindre complètement son smartphone/tablette, peut-être en redonnant une place dans la maison à des objets peu ou pas connectés et moins polyvalents, comme téléphone fixe, livres, appareils photos.

Existe-t-il tout de même des activités que l'on peut faire correctement tout en utilisant son smartphone ?

Oui, et pour revenir à l'éducation parentale, même si il est préférable de minimiser le temps d'écran avec les enfants, tout n'est pas à jeter: la tablette offre aussi de vraies opportunités éducatives. Si écran il doit vraiment y avoir, pourquoi ne pas engager simplement une activité commune avec l'enfant sur tablette? Il existe de très nombreux jeux éducatifs sur ce support, des jeux souvent remarquables d'ingéniosité, certains provenants en fait de laboratoires de neuroscience qui sont au premier plan dans la compréhension de l'apprentissage de la lecture ou du calcul. Je pense notamment à "La course aux nombres", disponible aussi en anglais, et dont on a pu montrer scientifiquement qu'il améliore la compréhension des nombres chez les enfants en maternelle.

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